02/09/2011
La vieillesse était tombée sur lui comme une chape
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« La vieillesse était tombée sur lui comme une chape, quand il attendait la femme de ménage qui ne viendrait pas, et c’est elle qui l’avait recroquevillé dans le fauteuil. Les journées sans visites, sans courrier, sans coup de téléphone devinrent interminables : elles lui donnaient la sensation de la mort. Il portait fréquemment le regard sur la pendule : comme l’aiguille avançait avec lenteur ! quelle étendue que cinq minutes ! Naguère encore, il se disait que dans la vieillesse on doit surveiller d’autant plus son temps qu’il est devant vous plus réduit. Mais à présent il voyait tout au contraire que la vieillesse est l’époque du temps perdu. Car tout lui était indifférent, qu’importait ce qu’il mettait dans ses heures ou s’il n’y mettait rien ? Et c’est pourquoi, du matin au soir – un peu semblable à ces soldats de l’armée de Lucullus dont parle Plutarque, qui hébétés par la chaleur, déplaçaient au hasard des pierres dans le désert d’Afrique – il faisait n’importe quoi, en attendant de se coucher tôt pour échapper par le sommeil à la conscience de soi-même. »
Henry de Montherlant, Le Chaos et la Nuit, Pléiade vol. II
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01/09/2011
Il y a ici des personnes qui se croient des âmes d'élite, qui s'approchent souvent des sacrements, et qui font peser sur leurs frères un fardeau plus lourd que la mort
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« C’est demain le terme d’octobre. On le paiera, sans doute, comme on a payé les autres. Avec quel argent ? C’est Dieu qui le sait. Tout ce que les créatures peuvent savoir, c’est que, depuis la fondation de Rome dont les Douze Tables féroces livraient le mauvais payeur à son créancier pour le vendre ou le mettre en pièces, il ne s’est assurément jamais rencontré une chienne plus implacable que la propriétaire des Léopold.
La voici, justement, assise devant son prie-Dieu, un peu en avant de Clotilde et de Léopold venus pour entendre la grand’messe. Elle a déjà, certainement, répandu des actions de grâces très abondantes et remercié le Seigneur de n’être pas une publicaine.
Enfin, ce qu’il y a de sûr et de consolant, c’est qu’elle ne peut pas mordre tout de suite. « À chaque jour suffit son tintouin », est-il dit dans le Discours sur la montagne.
Un prêtre vient de monter en chaire. Ce n’est pas le curé, personnage vertueux, sans indiscrétion ni fureur, qui, interrogé un jour par Léopold sur les sentiments religieux de sa paroisse, lui fit cette réponse : — Oh ! Monsieur, il n’y a ici que de très petites fortunes !!! et qui ne vint pas une seule fois consoler ses brebis nouvelles, quand elles étaient dans les affres de leur supplice.
Non ce n’est pas lui. C’est un vicaire humble et timide
par qui fut administrée Clotilde. Celle-ci le regarde avec une grande douceur et se prépare à l’écouter. Qui sait si ce « serviteur inutile » ne va pas lui donner précisément le secours dont elle a besoin ?
Quelle occasion, d’ailleurs, de parler à des pauvres, à des gens qui souffrent! Ce dimanche est le XXIe après la Pentecôte. On vient de lire l’Évangile des deux Débiteurs.
"Le royaume des cieux est comparé à un Roy, lequel voulut faire compte avec ses serviteurs.
Et quand il eut commencé à faire compte, on luy en présenta un qui luy devoit dix mille talents.
Et d’autant qu’iceluy n’avoit de quoy payer, son Seigneur commanda que luy, et sa femme, et ses enfants, et tout ce qu’il avoit, fust vendu et que la debte fust payée.
Parquoy ce serviteur, se jettant en terre, le supplioit, disant : Seigneur, aye patience envers moy, et je payeray tout.
Adonc le Seigneur de ce serviteur, esmeu de compassion, le lascha, et luy quitta la debte.
Mais quand ce serviteur fut party, il trouva un de ses compagnons en service, qui lui devait cent deniers : lequel il saisit, et l’estrangloit, disant : Paye-moy ce que tu dois.
Et son compagnon en service, se jettant à ses pieds, le prioit, disant : Aye patience envers moy et je te payeray tout.
Mais il n’en voulut rien faire, ains s’en alla et le mit en prison jusques à tant qu’il eust payé la debte.
Voyans ses autres compagnons ce qui avoit esté fait, furent fort marris : dont s’en vindrent, et narrèrent à leur Seigneur tout ce qui avoit esté fait.
Lors son Seigneur l’appela, et lui dit : Meschant serviteur, je t’ay quitté toute ceste debte, pour tant que tu m’en as prié :
Ne te falloit-il pas aussi avoir pitié de ton compagnon en service, ainsi que j’avoye eu pitié de toy ?
Adonc son Seigneur courroucé le bailla aux sergens, jusqu’à ce qu’il luy eust payé tout ce qui luy estoit deu. "
Quel texte à paraphraser, la veille du jour où on étrangle les pauvres diables ! Tous les amnistiés, tous les libérés, tous les propriétaires du pays sont là, et il ne serait peut-être pas absolument impossible d’atteindre la conscience de quelques-uns. Mais le vicaire, qui est lui-même un pauvre diable et qui a la consigne générale de ménager les ventres pleins, tourne court sur « l’étranglement » et interprète la Parabole, si nette pourtant, si peu évasive, par le précepte infiniment élastique de pardonner les injures, noyant ainsi, dans la confiture sacerdotale de Saint-Sulpice, l’indiscrète et désobligeante leçon du Fils de Dieu.
Alors un nuage tombe sur Clotilde, qui s’endort. Maintenant, c’est un autre prêtre qui parle :
— Voilà l’Évangile, mes frères, et voici vos cœurs. Du moins j’ose présumer que vous les avez apportés. Je veux être persuadé que vous ne les avez pas oubliés au fond de vos caisses ou de vos comptoirs, et que je ne parle pas seulement à des corps. Qu’il me soit donc permis de leur demander, à vos cœurs, s’ils ont compris quelque chose à la parabole qui vient d’être lue.
Absolument rien, n’est-ce pas ? Je m’en doutais. Il est probable que la plupart d’entre vous avaient assez à faire de compter l’argent qu’ils recevront ou qu’ils pourront recevoir demain de leurs locataires, et qui leur sera très probablement versé avec d’intérieures malédictions.
Au moment où il est dit que le serviteur exonéré par son maître prend à la gorge le malheureux qui lui doit à lui-même une faible somme, les mains de quelques-uns ou de quelques-unes ont dû se crisper instinctivement, à leur insu, ici même, devant le tabernacle du Père des pauvres. Et quand il l’envoie en prison, sans vouloir entendre sa prière, oh ! alors, sans doute, vous avez été unanimes à vous écrier dans vos entrailles que c’était bien fait et qu’il est vraiment fâcheux qu’une pareille prison n’existe plus.
Voilà, je pense, tout le fruit de cet enseignement dominical que vos anges seuls ont écouté, avec tremblement. Vos Anges, hélas ! vos Anges graves et invisibles, qui sont avec vous dans cette maison et qui, demain, seront encore avec vous, quand vos débiteurs vous apporteront le pain de leurs enfants ou vous supplieront en vain de prendrepatience. Les pauvres gens, eux aussi, seront escortés de leurs Gardiens, et d’ineffables colloques auront lieu, tandis que vous accablerez de votre mécontentement, ou de votre satisfaction plus cruelle, ces infortunés.
Le reste de la parabole n’est pas fait pour vous, n’est-ce pas ? L’éventualité d’un Seigneur qui vous jugulerait à son tour est une invention des prêtres. Vous ne devez rien à personne, votre comptabilité est en règle, votre fortune, petite ou grande, a été gagnée le plus honorablement du monde, c’est bien entendu, et toutes les lois sont armées pour vous, même la Loi divine.
Vous n’avez pas d’idoles chez vous, c’est-à-dire vous ne brûlez pas d’encens devant des images. de bois ou de pierre, en les adorant. Vous ne blasphémez pas. Le Nom du Seigneur est si loin de vos pensées qu’il ne vous viendrait même pas à l’esprit de le « prendre en vain ». Le dimanche, vous comblez Dieu de votre présence dans son Église. C’est plus convenable qu’autre chose, c’est d’un bon exemple pour les domestiques et cela ne fait, au demeurant, ni chaud ni froid. Vous honorez vos pères et mères, en ce sens que vous ne leur lancez pas, du matin au soir, des paquets d’ordure au visage. Vous ne tuez ni par le fer ni par le poison. Cela déplairait aux hommes et pourrait effaroucher votre clientèle. Enfin, vous ne vous livrez pas à de trop scandaleuses débauches, vous ne faites pas des mensonges gros comme des montagnes, vous ne volez pas sur les grandes routes où on peut si facilement attraper un mauvais coup, et vous ne pillezpas non plus les caisses publiques toujours admirablement gardées. Voilà pour les commandements de Dieu.
Il est à peu près inutile de rappeler ceux de l’Église. Quand on est « dans le commerce », comme vous dites, on a autre chose à faire que de consulter le calendrier ecclésiastique, et il est universellement reconnu que « Dieu n’en demande pas tant ». C’est une de vos maximes les plus chères. Donc, vous êtes irréprochables, vos âmes sont nettes et vous n’avez rien à craindre…
… Dieu, mes frères, est terrible quand il lui plaît de l’être. Il y a ici des personnes qui se croient des âmes d’élite, qui s’approchent souvent des sacrements et qui font peser sur leurs frères un fardeau plus lourd que la mort. La question est de savoir si elles seront précitées aux pieds de leur Juge, avant d’être sorties de leur épouvantable sommeil…
Les impies se croient héroïques de résister à un Tout-Puissant. Ces superbes, dont quelques-uns ne sont pas inaccessibles à la pitié, pleureraient de honte, s’ils pouvaient voir la faiblesse, la misère, la désolation infinies de Celui qu’ils bravent et qu’ils outragent. Car Dieu, qui s’est fait pauvre en se faisant homme, est, en un sens, toujours crucifié, toujours abandonné, toujours expirant dans les tortures. Mais que penser de ceux-ci qui ne connurent jamais la pitié, qui sont incapables de verser des larmes, et qui ne se croient pas impies ? Et que penser enfin de ceux-là qui rêvent la vie éternelle, en bras de chemise et en pantoufles, au coin du feu de l’enfer ?
… Je vous ai parlé des locataires pauvres dont cette paroisse est suffisamment approvisionnée, et qui tremblent déjà, en songeant à ce que vous pouvez leur faire souffrir demain. Ai-je parlé à une seule âme vraiment chrétienne ? Je n’ose le croire.
Ah ! que ne puis-je crier en vous ! sonner l’alarme au fond de vos cœurs charnels ! vous donner l’inquiétude salutaire, la sainte peur de trouver votre Rédempteur parmi vos victimes ? Ego sum Jesus quem tu persequeris ! est-il dit à saint Paul fumant de rage contre les chrétiens, qui étaient alors comme les locataires de la Cité du Démon et qu’on pourchassait de gîte en gîte, l’épée ou la torche dans les reins, jusqu’à ce qu’ils payassent de tout leur sang le logis permanent des cieux. Je suis Jésus que tu persécutes !
On sait que ce Maître s’est souvent caché au milieu des indigents, et quand nous faisons souffrir un homme plein de misère, nous ne savons pas quel est celui des membres du Sauveur que nous déchirons. Nous avons appris du même saint Paul qu’il y a toujours quelque chose qui manque aux souffrances de Jésus-Christ, et que ce quelque chose doit être accompli dans les membres vivants de son Corps.
— Quelle heure est-il ? Père, disent à Dieu ses pauvres enfants, tout le long des siècles, car nous veillons « sans savoir le jour ni l’heure ». Quand finira-t-on de souffrir ? Quelle heure est-il à l’horloge de votre interminable Passion ? Quelle heure est-il ?…
— C’est l’heure de payer ton terme, ou d’aller crever dans la rue, parmi les enfants des chiens ! répond le Propriétaire…
Ah ! Seigneur ! je suis un très mauvais prêtre. Vous m’avez confié ce troupeau dormant et je ne sais pas le réveiller. Il est si abominable, si puant, si totalement affreux pendant son sommeil !
Et voici que je m’endors à mon tour, à force de le voir dormir ! Je m’endors en lui parlant, je m’endors en priant pour lui, je m’endors au lit des agonisants et sur le cercueil des morts ! Je m’endors, Seigneur, en consacrant le Pain et le Vin du Sacrifice redoutable ! Je m’endors au Baptême, je m’endors à la Pénitence, je m’endors à l’Extrême-Onction, je m’endors au sacrement de Mariage ! Quand j’unis, pour votre éternité, deux de vos images engourdies par le sommeil, je suis moi-même si appesanti que je les bénis comme du fond d’un songe et que c’est à peine si je ne roule pas au pied de votre autel !…
Clotilde se réveilla au moment où l’humble prêtre descendait de la chaire. Leurs regards se rencontrèrent et parce quelle avait le visage baigné de larmes, il dut croire que c’était son prône qui les avait fait couler. Il avait raison, sans doute, car cette voyante était tombée à un si profond sommeil qu’elle pouvait bien avoir entendu les vraies paroles qu’il n’avait osé prononcer que dans son cœur. »
Léon Bloy, La femme pauvre
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31/08/2011
...à quoi bon occulter nos racines?
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«...à quoi bon occulter nos racines ? Elles ont fait éclore sur la damasserie de nos terroirs l'épure romane puis cistercienne, la dentelle gothique,les harmoniques de la renaissance, les surabondances du baroque, les mélancolies du romantisme...Toutes les figures de notre imaginaire en procèdent... »
Denis Tillinac
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Complexité de l'engagement
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Jacques Chancel : Lucien Rebatet, vous avez choisi Hitler, ce qui, pour les Français, était une trahison. Vous avez été condamné à mort, et peut-être vous êtes-vous renié. Vous avez été gracié et peut-être avez-vous été surpris. Ma première question va peut-être vous surprendre : avez-vous honte de tout ce qui s’est passé ?
Lucien Rebatet : Ah ! pas le moins du monde ! Si j’avais honte, je ne serais pas à ce micro. Je me suis battu pour la cause que je croyais bonne [...] A partir de 1934, j’ai vu les choses tourner très mal. A tort ou à raison, je n’en sais rien. Enfin, plus exactement, les événements de 1940 m’ont donné raison à bien des titres.
Appartenant à l’Action française, j’avais toujours été, non pas antigermain, mais hostile au pangermanisme. La preuve ? Je me suis abonné à L’Action française en 1927 pendant que je faisais mon service en Rhénanie. Là, j’étais en contact avec l’Allemagne et je voyais renaître le pangermanisme ; je voyais les affiches du père Hindenburg dans toutes les gares, dans toutes les rues, et je trouvais cela très dangereux.
J’étais à ce moment-là, partisan de casser la figure à Hitler.
J. .C. : Vous avez vite changé après !
L. R. : Ce n’est pas que j’ai changé… Non pas du tout. J’étais partisan de lui casser la figure. Mes amis de gauche, à ce moment-là d’ailleurs, se moquaient de moi ; ils me disaient : « Cela va être un phénomène extrêmement passager. Le peuple allemand le balaiera rapidement ». Moi, j’allais en Allemagne et je rapportais les images, dans mes reportages, d’un peuple qui était tout à fait, tout entier derrière son Führer. Alors, cela irritait déjà les gens. Raconter la réalité passait pour une sorte de nazisme.
J. .C. : Vous êtes l’auteur de deux livres très importants, le premier aux responsabilités illimitées : Les Décombres et Les Deux étendards… Parlons des Décombres. Vous vous voulez pamphlétaire, vous êtes souvent excessif, toujours horrible, parfois juste […] Vous rendez-vous compte que vous avez mis en marche une mécanique dangereuse… aux retombées dramatiques ?
L. R. : Je me rends très bien compte de l’importance que j’ai pu avoir. J’ai toujours protesté contre les écrivains… contre les opinions politiques qu’ils peuvent défendre dans leurs livres sans les engager, en quelque sorte. La thèse de libéralisme dans ces opinions me paraît absurde. J’ai été condamné à mort, j’ai trouvé que c’était normal.
J. .C. : Trouvez-vous normal d’avoir été gracié ?
L. R. : Oui, étant donné que les fabricants du mur de l’Atlantique avaient quatre ans de prison. Tout devenait anormal au niveau des journalistes… et des policiers qui, ayant travaillé avec les mandats des juges, repassaient devant ces mêmes juges qui les condamnaient à mort. Ce sont les deux catégories de Français qui ont payé le plus cher. Mais oublions les journalistes. Nous sommes dans certains cas des combattants. Il faut savoir payer le bonheur d’écrire ce que l’on pense… C’était normal. Pour les policiers ce fut ignoble… Ces gens-là n’avaient fait qu’obéir aux ordres.
J. .C. : J’ai relu Les Décombres, Lucien Rebatet. Votre mitraillette a couché bas une importante catégorie de Français. Je vais vous rappeler quelques-uns de vos phrases…
L. R. : Allez-y !
J. .C. : « L’espérance, pour moi, est fasciste… »
L. R. : Je ne peux pas dire que j’aie tellement changé à ce point de vue-là. Il va falloir que nous montions très haut dans les digressions… Allons-y. Je ne suis pas du tout, en principe, hostile à la démocratie, moi. Au fond, je suis républicain. Mais il y a une question de latitude, vous comprenez… Cela marche très bien en Suède, pays ascétique, protestant, puritain, enfin… puritain autrefois ! Mais en dessous d’une certaine latitude, cela ne marche plus… Un Américain m’a dit un jour cette chose qui m’a beaucoup frappé : « En France, vous n’avez jamais compris que la démocratie se mérite ! […] Il est évident que les gens qui sont les plus proches de nous… jusqu’à un certain point, s’appellent communistes. Pourquoi ? Parce que ce sont nos ennemis mortels."
J. .C. : Je ne suis pas communiste, mais j’ai des amis… disons des camarades dans le Parti…
L. R. : Moi je n’en ai pas.
J. .C. : Manque de libéralisme ?
L. R. : Il n’est pas question de libéralisme quand il s’agit de communistes. Avec eux, vous savez ce qu’est un délit d’opinion. Le délit d’opinion, c’est la « bave de la vipère lubrique »… Alors avec ces gens-là, on ne discute pas.
J. .C. : C’est votre affaire… Voici une autre phrase que vous avez écrite : « Les bras tendus à vous, mes camarades SS de toutes les nations… »
L. R. : Oui, là évidemment, c’est beaucoup plus difficile à expliquer. Il y a eu des SS qui se sont déshonorés. Les gardiens des camps, le S.D. surtout qui était un épouvantable appareil policier. Tout ce qui entourait Himmler n’était pas beau. Mais la Waffen SS a eu de bons soldats. Ils ont été peut-être très durs au combat, mais reconnaissez aujourd’hui, on les imite un peu partout !
J. .C. : Lucien Rebatet, comment peut-on être encore raciste, de nos jours ?
L. R. : Personnellement je ne suis pas raciste. Je trouve que toutes les races ont leurs qualités. Mais c’est le monde qui est raciste… On est là à dire : « Enfin, c’est invraisemblable qu’il y ait encore des racistes dans le monde… » Soyons sincères… Comment se comporte la moitié de l’univers ? Vous croyez que les Chinois ne sont pas racistes ? J’irai même jusqu’à dire que les Flamands, à l’heure actuelle, les Flamands, dans leur querelle avec les Wallons le sont également.
C’est évidemment idiot d’appeler cela du racisme, puisque nous sommes tous de la même race blanche. Mais si vous voulez, c’est la lutte entre le Nord et le Sud… Les Tyroliens du Tessin ne veulent absolument pas cohabiter avec les Napolitains. Comment appelez-vous cela ? Disons alors que c’est de la xénophobie pour ce qui concerne les frictions entre les races blanches… Mais ailleurs le racisme est intense. Vous ne croyez pas ?
J. .C. : Regrettez-vous toutes les phrases que vous avez pu prononcer ?
L. R. : Il y a des phrases que je ne récrirais certainement pas aujourd’hui, mais j’étais au combat… Quand on se bat – nous nous sommes battus –, on tire. Et si on tue l’adversaire, il est rare qu’on le regrette.
J. .C. : Vous êtes reconnaissant et fidèle, tenace et rancunier…
L. R. : Rancunier ? Non… non… mais j’aime que tout le monde fasse son mea culpa. La guerre est une chose abominable en soi ; nous avons tous notre part de responsabilité énorme dans ces horreurs… Aujourd’hui, je passe pour un pro-américain. Cela ne m’empêche pas de reconnaître bien des erreurs de l’Amérique. Pendant la guerre, on me prenait pour un horrible hitlérien… Parce que je protestais contre les épouvantables bombardements américains sur l’Allemagne, sur des villes sans défense comme Dresde…
J. .C. : Oui, mais vous avez vanté les « grandes qualités », le « côté épanoui d’Hitler » et vous l’avez dit à différentes reprises… Vous étiez vraiment l’homme de cet homme…
L. R. : Je ne dis pas que le personnage ne m’ait pas impressionné à partir d’un certain moment… Comprenez-moi : j’avais su sa réussite en Allemagne, sa réussite sur le plan intérieur… Si Hitler n’avait pas fait la gaffe monstrueuse, pangermanique et stupidement raciale, de considérer les Slaves comme un peuple inférieur, il aurait été reçu en libérateur. La Russie venait d’attraper dix années de stalinisme… Tout le monde sait très bien – des quantités de soldats allemands me l’ont dit – qu’en Ukraine par exemple, ils étaient accueillis en libérateurs. Hélas ! quarante-huit heures après, ce bon peuple était mis aux travaux forcés. Alors naturellement, c’était fichu.
J. .C. : Si vous n’aviez pas été amené au fascisme, si vous n’étiez pas devenu par la force des événements, le héraut de cette conduite à droite… vous auriez pu être le champion de la gauche. Simple question de vent dans les révolutions… Pourriez-vous être gauchiste aujourd’hui ?
L. R. : Je ne crois pas. Finalement, toutes les révolutions sont idiotes. Elles arrivent toujours au bout d’un certain temps à regrouper les profiteurs et à tuer les pauvres bougres qui ont fait le travail. Mes expériences me démontrent la faillite de toutes les révolutions, quelles qu’elles soient.
J. .C. : Lucien Rebatet, vous m’avez dit renier certaines phrases. J’ai compris que vous ne reniez pas du tout votre vie. Nous sommes en 1970… vous reste-t-il beaucoup d’amis ?
L. R. : Des amis… il m’en reste beaucoup, naturellement… Comme tous les gens qui ont été engagés dans un combat difficile. Et j’en ai d’un peu tous les bords. Les hommes avec lesquels je ne m’entends plus, ce sont les renégats…
J. .C. : Qu’appelez-vous « renégats » ?
L. R. : Claude Roy, par exemple… Il était notre chouchou. Il nous léchait les pieds – il faut bien employer les expressions réelles. Nous l’avons sauvé des camps des prisonniers allemands en 1940, nous l’avons fait passer en zone libre. Il a travaillé pendant trois ans à la radio de Vichy. A la Libération, on le retrouve communiste et le voilà qui refuse de signer pour la grâce de Brasillach… J’appelle cet homme-là un renégat.
J. .C. : On a le droit de changer d’idées !
L. R. : A ce point-là, non !
En revanche, il y a des résistants, tout à fait authentiques, des gens qui se sont battus, avec lesquels je suis très bien. Pour eux, j’ai beaucoup d’estime et ils me le rendent… Je crois.
J. .C. : Vous vous dispersez un peu !
L. R. : C’est vrai. Je suis un dilettante, en toutes choses. Aujourd’hui, nous sommes à l’ère des professeurs et des pédants. Moi je vais des Décombres à la musique…
J. .C. : Si vous aviez écrit vos Décombres en période gaulliste, quel en aurait été le thème principal ?
L. R. : J’aurais tracé le même tableau, qui me paraît très véridique, des prodromes de la guerre et de notre défaite de 1940. Bien entendu, j’aurais remplacé la dernière partie par une sévère description de l’imposture gaulliste, de ses méfaits (décolonisation ratée, abandon stupide et lâche de l’Algérie, chimère de l’Europe jusqu’à l’Oural, détérioration de la monnaie) camouflés sous la politique dite de grandeur.
J. .C. : Vous n’êtes pas athée, mais vous êtes mécréant, cela vous l’avez dit. Et pourtant, Dieu existe…
L. R. : J’ignore totalement s’il existe un être suprême. Je suis agnostique. C’est l’humilité qui convient, me semble-t-il, à notre nature humaine, et qui entraîne bien entendu un refus de toutes les religions, avec leurs systèmes et leurs dogmes présomptueux. Dans mon ignorance métaphysique, ce dont je suis sûr, c’est de l’inanité de ces systèmes et de ces dogmes qui, s’il existe un au-delà, sont l’obstacle millénaire à notre connaissance de cet au-delà.
J. .C. : Comment voyez-vous demain ? Comment réagissez-vous par rapport à vos idées ?
L. R. : Pour ma part, je suis au-delà du nationalisme. Je me sens d’abord européen, comme je l’étais à vingt ans, avant ma crise maurrassienne. Je suis persuadé que c’est dans l’Europe fédérée que la France jouera son meilleur rôle et atteindra la vraie prospérité. Je regrette que le grand peuple russe, qui a tant donné à l’Europe durant le XIXe siècle, ne puisse actuellement prendre sa place dans cette fédération. S’il trouvait en lui-même la force de rejeter le système soviétique, ce serait le plus beau jour de ma vie.
Propos recueillis par Jacques Chancel en 1970 et publiés dans le recueil Radioscopie
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30/08/2011
Père, je te rends grâces de m'avoir exaucé
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« …prenons le cas de Lazare, qui est la résurrection la plus connue opérée par jésus, et celle qui est décrite avec le plus de détails. Elle se passe comme suit. Deux dames amies de jésus l'envoient chercher; leur frère Lazare est alité et malade, elles souhaitent que jésus vienne le guérir. Que fait jésus? Il commence par ne pas venir. Il dit : "Cette maladie n'est pas mortelle; elle est pour la gloire de Dieu : elle doit servir à glorifier le Fils de Dieu." Il se comporte (notons, pour être juste : d'après l'évangéliste Jean) comme se comporte tout chef politique des temps modernes et actuels, quand il est confronté à un événement inopiné et désagréable il cherche automatiquement à l'exploiter à son profit et à s'y tailler une publicité personnelle.
Qu'il y ait un malade en train de souffrir est secondaire. Beaucoup plus important est de savoir comment mettre en scène la guérison de ce malade de la façon la plus spectaculaire, afin d'accroître son propre prestige et de renforcer le mouvement de ses partisans. Jésus s'y prend d'une façon radicale et carrément brutale. Il attend que Lazare soit mort, et il déclare à ses disciples qu'il se réjouit de ne pas avoir été plus tôt auprès de lui, et ce, dit-il, "pour que vous croyiez". Et c'est seulement alors qu'il se rend, tout tranquillement, suivi de sa troupe, jusqu'au village de Lazare, où il arrive avec quatre jours de retard.
Les deux dames, Marie et Marthe, sont déçues - on peut le comprendre. "Si tu étais venu plus tôt, disent-elles, notre frère ne serait pas mort." Jésus prend cela pour une offense à sa majesté, il se met en colère et les tance vertement, devant la communauté en deuil, disant qu'elles n'ont pas à pleurnicher et à se plaindre, mais à croire, entendons : en lui, le Fils de Dieu, à qui rien n'est impossible. Puis il ordonne qu'on le conduise jusqu'au tombeau, non sans faire en chemin quelque chose qui touche le coeur, à savoir verser aux yeux de tous une larme, ce qui produit aussitôt sur le public l'effet voulu. "Voyez comme il l'aimait!" murmure la foule. Parvenu devant le tombeau, une sorte de caverne fermée par une plaque de roche, Jésus ordonne : "Enlevez la pierre !"
L'une des soeurs suggère qu'il vaudrait mieux s'abstenir, le mort étant déjà là depuis quatre jours et commençant à sentir, mais jésus balaie l'objection et de nouveau remet cette femme à sa place : qu'elle ferme sa gueule et qu'elle croie! - Pardon, ma citation n'est pas tout à fait exacte, le Messie s'exprime en termes un peu plus choisis :«Ne t'ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu?» Ainsi parle-t-il. On enlève alors la pierre. Le moment décisif est venu. La foule retient son souffle : on l'imagine, les yeux rivés d'abord sur le caveau obscur, puis tournant vers jésus des regards pleins d'espoir; on se représente les partisans et les adversaires (il y en a aussi) qui tendent l'oreille et préparent de quoi noter, pour que pas un mot du maître ne leur échappe et que le moindre détail soit rapporté.
Le récit de jean se lit comme un reportage fait après coup, on a l'impression d'assister à un spectacle médiatique d'aujourd'hui, il ne manque plus que les caméras de télévision. Là, gros plan sur jésus : avant de passer à l'action, il fait monter encore la tension dramatique par une manoeuvre dilatoire consistant à la fois à délivrer son message et à dévoiler, avec une franchise proprement effrontée, le but de propagande qu'il assigne à l'événement. Il lève les yeux vers le ciel et s'adresse à Dieu, qu'il appelle son Père, lui disant : "Père, je te rends grâces de m'avoir exaucé. Je sais bien que tu m'exauces toujours; mais c'est pour tous ces hommes qui m'entourent que je parle, afin qu'ils croient". »
Patrick Süskind, Sur l’amour et la mort
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29/08/2011
Ce que nos enfants n'apprennent plus au collège
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778 : Roland sonnant du cor, à la bataille de Roncevaux, où les Sarrasins ont battu l'armée franque. A son côté, son épée Durandal. L'épisode a peu à voir avec la réalité historique, mais il a nourri l'imaginaire français. (Rossignol/Editions Hoebeke)
Le saviez-vous ? Clovis, Saint Louis ou François I er , mais aussi Henri IV, Louis XIV ou Napoléon ne sont plus étudiés dans les collèges français ! Rayés des programmes ou relégués en option. Raison invoquée par l'Education nationale: il faut consacrer du temps, entre la sixième et la cinquième, à «l'enseignement des civilisations extra-européennes», de l'empire du Mali à la Chine des Hans. C'est ce scandale pédagogique et culturel que dénonce l'historien Dimitri Casali dans son salutaire Altermanuel d'histoire de France (Perrin), dont Le Figaro Magazine publie des extraits. Superbement il lustré, l'ouvrage se présente comme un complément idéal aux manuels scolaires recommandés (ou imposés) par les professeurs de collège. Qui fixe les programmes scolaires en histoire ? L'enquête du Figaro Magazine montre que la question engage l'avenir de notre société.
Clovis, Charles Martel, Hugues Capet, Louis IX, dit Saint Louis, François Ier, Louis XIII ont disparu des instructions officielles de sixième et de cinquième. Le programme de sixième passe sans transition de l'Empire romain au IIIe siècle à l'empire de Charlemagne, soit une impasse de six siècles. Les migrations des IVe et Ve siècles (les fameuses «invasions barbares»), pourtant fondamentales dans l'histoire de l'Europe, ne sont plus évoquées.
Ces absences sont incompréhensibles. Comment comprendre la naissance du royaume de France sans évoquer Clovis? Comment mesurer «l'émergence de l'Etat en France » sans appréhender le règne de Louis IX? La Renaissance sans connaître François Ier? «L'affirmation de l'Etat » sans expliquer Louis XIII et Richelieu? Tous les historiens s'accordent sur l'importance de ces personnages et de leur œuvre, non seulement politique, mais aussi économique et culturelle.
Le règne de Louis XIV est quant à lui relégué à la fin d'un programme de cinquième qui s'étend sur plus de mille ans d'Histoire. Faire étudier aux élèves en fin d'année scolaire cette longue période (1643-1715) tient de la mission impossible, sachant que les enseignants peinent à boucler des programmes surchargés. Ce règne est de plus noyé dans un thème «L'émergence du "roi absolu" » qui s'étend du début du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle. C'est ainsi tout un pan de l'histoire de France qui risque d'être partiellement ou - au pire - pas du tout traité. Le règne de Louis XIV est pourtant décisif, tant dans l'affirmation du «pouvoir absolu» que dans le rayonnement de la civilisation française, en France et à l'étranger, à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Le Brun, Le Nôtre, Hardouin-Mansart, Lully, La Fontaine, Corneille... Autant d'artistes et d'écrivains qui risquent de n'être jamais évoqués dans les classes.
A côté des «oubliés» et des «relégués» des programmes, il y a les «optionnels»... L'une des originalités des nouveaux programmes réside en effet dans le système des options, censé permettre à l'enseignant de construire son propre parcours pédagogique. Si cette démarche est intéressante, elle n'en montre pas moins rapidement ses limites... Ainsi, dans le thème 1 («Les bouleversements culturels et intellectuels») de la partie IV («Vers la modernité») du programme de cinquième, les enseignants doivent faire étudier «la vie et l'œuvre d'un artiste ou d'un mécène de la Renaissance ou un lieu et ses œuvres d'art». Ils pourront donc enseigner, par exemple, Léonard de Vinci ou Laurent de Médicis ou la chapelle Sixtine, mais pas les trois. Dans le thème 2 («L'émergence du "roi absolu"») de la partie IV, ils doivent choisir un règne entre le XVIe siècle et 1715. François Ier, Henri IV, Louis XIII ou Louis XIV. Le choix est impossible.
Parmi ces périodes optionnelles figure le premier Empire (1804-1815). En classe de quatrième, dans le seul chapitre consacré à la Révolution et l'Empire, «La fondation d'une France moderne», l'étude doit être menée à travers un sujet donné. Il y a cinq propositions, dont trois excluent totalement la période impériale :
- Invention de la vie politique;
- Le peuple dans la Révolution;
- La Révolution et les femmes;
- La Révolution, l'Empire et les religions;
- La Révolution, l'Empire et la guerre.
Bref, le premier Empire ne donnera lieu, au mieux, qu'à un éclairage thématique. Dans trois cas sur cinq, il ne sera pas étudié ! Ajoutons que cette période a disparu du nouveau programme de seconde.
A-t-on peur des grands personnages ?
Elevé sur le pavois par ses soldats, comme le veut la coutume, Clovis est reconnu roi des Francs, à Tournai, en 481. Agé de 15 ans, il est alors maître de toute la Gaule. (Editions Hoebeke)
Clovis, Louis IX, François Ier, Louis XIII, Louis XIV, Napoléon Ier... La disparition ou l'amenuisement de ces souverains et de leur règne laisseraient-ils penser qu'ils n'ont plus de réalité historique? Leur importance n'est pourtant pas remise en cause par les historiens. Comment expliquer alors «l'optionnalisation» du premier Empire en quatrième et sa disparition en seconde? S'agirait-il de gommer un régime jugé trop autoritaire, trop militariste et trop expansionniste? De même, Clovis et Louis IX, dit Saint Louis, seraient-ils devenus trop politiquement «connotés» pour être cités dans les instructions officielles? La même question peut être posée concernant la relégation du règne de Louis XIV en fin de programme de cinquième. Pourquoi faire disparaître ou réduire des règnes notamment caractérisés par le rayonnement de la France à l'étranger? Il est à craindre que la règle du «politiquement correct» ait été appliquée aux programmes, conception moralisatrice de l'enseignement qui tient de la manipulation de l'Histoire.
Faire étudier aux élèves Clovis, François Ier ou Napoléon Ier n'a pourtant rien de réactionnaire en soi. Il ne s'agit bien évidemment pas d'en revenir à une lecture hagiographique, providentielle, épique, patriotique ou dogmatique des «grands personnages», que des générations d'historiens ont bien heureusement remise en cause et déconstruite. Au contraire, il faut présenter aux élèves la complexité de ces hommes, inscrits dans leur époque, sans anachronisme, ni tabou, ni mythologie, et à la lumière des dernières recherches historiques. C'est justement l'étude de leur vie, de leurs actions, de leurs œuvres, de leurs façons de concevoir le monde qui les débarrassera des clichés, des stéréotypes et des images d'Epinal. L'Histoire est toujours la meilleure réponse au mythe. Ces personnages ont aussi une valeur pédagogique car ils permettent d'humaniser une Histoire souvent désincarnée, et sont susceptibles de susciter chez les enfants une véritable émotion, assez proche de celle ressentie lors d'un spectacle.
Ce ne sont pas seulement des personnages historiques, des périodes et des règnes majeurs qui sont écartés, réduits à la portion congrue ou devenus optionnels. Des textes fondateurs, des traités et des lois décisives sont tout simplement passés à la trappe: le serment de Strasbourg (842), l'un des plus anciens textes en langue romane, le lointain ancêtre du français; le partage de Verdun (843), qui dessine une nouvelle carte de l'Europe d'où sont issus les Etats européens; l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), qui impose l'usage du français dans l'administration à la place du latin, constituant ainsi une étape clé dans l'unification du royaume de France. La relégation du règne de Louis XIV en fin de programme de cinquième rend extrêmement difficile sinon impossible l'étude de la révocation de l'édit de Nantes (1685), qui marque l'interdiction du protestantisme en France et entraîne l'exil de plus de 250.000 protestants. L'histoire des arts n'est pas épargnée. Le précédent programme de quatrième prévoyait l'étude d'extraits du Bourgeois gentilhomme (1670), des Châtiments (1853) et des Misérables (1862), permettant d'inscrire Molière et Victor Hugo dans leur époque, de mesurer l'importance historique de leur œuvre et de faire prendre conscience aux élèves de leur génie littéraire. Or, les deux plus grands auteurs de la littérature française ont disparu des nouveaux programmes...
Le risque du "zapping" historique
Les instructions officielles imposent l'étude de plusieurs civilisations extra-européennes à certaines périodes :
Au choix, «la Chine des Hans à son apogée», c'est-à-dire sous le règne de l'empereur Wu (140-87 avant J.-C.), ou «l'Inde classique aux IVe et Ve siècles», au sein de la partie «Regards sur des mondes lointains» représentant 10 % du temps consacré à l'Histoire de la classe de sixième - Au choix, l'empire du Ghana (VIIIe-XIIe siècles), l'empire du Mali (XIIIe-XIVe siècles), l'empire Songhaï (XIIe-XVIe siècles) ou le Monomotapa (XVe-XVIe siècles), au sein de la partie «Regards sur l'Afrique» représentant 10 % du temps consacré à l'Histoire de la classe de cinquième. Cette partie comprend l'étude de la naissance et du développement des traites négrières (traites orientales et internes à l'Afrique noire).
La connaissance des histoires de la Chine, de l'Inde ou de l'Afrique est importante et passionnante, notamment à l'heure de la mondialisation. Cependant, force est de constater que, mathématiquement, ces nouvelles thématiques s'intègrent dans les programmes aux dépens de parties capitales de l'histoire de France ou de l'Europe. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'établir une quelconque hiérarchie aberrante entre les civilisations: le règne de Louis XIV (1643-1715) n'est ni supérieur ni inférieur à celui de Kankou Moussa, roi du Mali de 1312 à 1332. Il faut tout simplement parvenir à un bon équilibre entre l'étude de l'histoire de France et celle des civilisations extra-européennes.
Le contraste est saisissant avec le nouveau programme de seconde qui est, quant à lui, marqué par un européocentrisme caricatural. Le monde n'y est en effet perçu qu'à l'aune de l'Europe: «Les Européens dans le peuplement de la Terre», «Nouveaux horizons géographiques et culturels des Européens à l'époque moderne»... L'ancienne partie consacrée à «La Méditerranée au XIIe siècle: carrefour de trois civilisations», qui permettait de mesurer les échanges, les contacts (pacifiques et conflictuels) et les influences entre l'Occident chrétien, l'Empire byzantin et le monde musulman a disparu, au profit d'une lecture strictement européenne du Moyen Age. Il aurait bien mieux valu prioriser en collège l'étude de l'histoire du bassin méditerranéen, de la France et de l'Europe pour approfondir au lycée l'étude des civilisations extra-européennes en leur consacrant une vraie place dans les programmes, bien loin du «zapping» proposé en cinquième.
La place des traites négrières dans les programmes de collège soulève un autre questionnement. Elles sont mentionnées cinq fois dans le seul encadré du programme consacré à la partie «Regards sur l'Afrique», avant de donner lieu à un thème du programme de quatrième, «Les traites négrières et l'esclavage», puis à une étude de l'abolition de l'esclavage en France en 1848 dans le thème 2. Il aurait probablement mieux valu resserrer l'étude des différentes traites négrières sans, bien entendu, dénaturer cette réalité historique fondamentale.
L'histoire de France facilite l'intégration
L'argument souvent utilisé selon lequel ces nouveaux programmes ont notamment été conçus pour épouser la diversité culturelle des élèves est contestable. Ce raisonnement risquerait d'aboutir à un éparpillement des thèmes et des champs d'étude, rendant encore plus difficile l'assimilation des connaissances. Pourquoi ne pas considérer que les élèves, quelle que soit leur origine, sont français et, à ce titre, ont droit à l'histoire de France la plus complète? Il serait ainsi particulièrement intéressant d'intégrer dans les programmes des séquences de cours sur l'histoire de l'immigration en France et en Europe, du Moyen Age à nos jours. Pourquoi ne pas proposer des dossiers consacrés à ces immigrés qui ont fait la France, qu'ils soient des anonymes ou des « grands personnages»? Selon une enquête de l'Ined (rapport «Trajectoires et origines», 2010), bien que de nationalité française, 37 % des jeunes d'origine étrangère ne se sentent pas français. Pour épouser la diversité culturelle des élèves, rien ne vaut l'histoire de France... Les parcours de Blaise Diagne, premier ressortissant d'Afrique noire à devenir ministre, ou de Romain Gary (Roman Kacew de son vrai nom) sont, à ce titre, exemplaires. «Je n'ai pas une goutte de sang français dans mes veines mais la France coule dans mes veines», aimait à rappeler ce dernier. En étudiant les Guyanais Félix Eboué et Gaston Monnerville, premier homme noir à devenir président du Sénat, on peut montrer toute l'importance de l'Outre-Mer dans l'histoire de France. La culture est la base de notre société et cette culture est notamment fondée sur la connaissance de l'histoire du pays où l'on vit, quelle que soit son origine géographique. Comme dit l'adage, on ne comprend que ce que l'on connaît. L'Histoire est une garantie d'intégration, car elle est un moyen d'accéder aux modes de compréhension de notre société.
Rétrograde, la chronologie ?
La disparition de dates et de périodes capitales de l'histoire de France ainsi que le système des options aboutissent à une Histoire à trous, lacunaire, atomisée, qui rend beaucoup plus difficile l'assimilation par les élèves de la chronologie, cette juste représentation de la profondeur historique. Le nouveau programme de première est à ce titre édifiant. Il repose sur un système de modules non pas chronologiques mais thématiques, qui peuvent être disposés dans n'importe quel ordre: «La guerre au XXe siècle»; «Le siècle des totalitarismes»; «Les Français et la République»... Avec ce système, il devient beaucoup plus difficile d'expliquer le rôle déterminant de la Première Guerre mondiale dans la genèse des totalitarismes, ou même le rôle du totalitarisme nazi dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La chronologie serait-elle devenue démodée? Un comble, car l'Histoire est comme une langue dont la chronologie est la grammaire. Sans elle, notre connaissance du passé est vouée à l'anachronisme, cette incapacité d'inscrire un événement ou un personnage dans son contexte. Sans elle, nous sommes voués à l'amnésie...»
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28/08/2011
Pour amateurs de cochonneries...
16:50 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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Pink Floyd : Welcome to the Machine
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« Nous pouvons utiliser les choses techniques, nous en servir normalement, mais en même temps nous en libérer, de sorte qu’à tout moment nous conservions nos distances à leur égard. Nous pouvons faire usage des objets techniques comme il faut qu’on en use. Mais nous pouvons en même temps les laisser à eux-mêmes comme ne nous atteignant pas dans ce que nous avons de plus intime et de plus propre. Nous pouvons dire « oui » à l’emploi inévitable des objets techniques et nous pouvons en même temps lui dire « non », en ce sens que nous les empêchions de nous accaparer et ainsi de fausser, brouiller et finalement vider notre être. (…) Un vieux mot s’offre à nous pour désigner cette attitude du oui et du non dits ensemble au monde technique : c’est le mot de Gelassenheit (sérénité). »
Martin Heidegger, Questions III et IV
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Nous étouffons la flamme qui pourrait poindre en notre âme
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« Apprenant la mort de Patrocle, [Achille] se jette à terre, met ses vêtements en pièces, s’arrache les cheveux… Qui donc parmi nous comprend encore tant de pathétique inscrit en tant de bravoure ? Nous ne sommes plus des guerriers : ignorant la cruauté aussi bien que l’attendrissement, nous conservons notre cœur au froid, nous étouffons la flamme qui pourrait poindre en notre âme. »
E. M. Cioran, Bréviaire des vaincus
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27/08/2011
Martyrs
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Que les martyrs barbus et merdeux se rassurent... les vierges les attendent au paradis... et elles ne sont pas celles qu'ils croient... ha ha ha !
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La salauderie n’est pas un refuge éternel
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« Seulement, prenez garde. La salauderie n’est pas un refuge éternel, et je vois une gueule énorme qui monte à votre horizon. On souffre beaucoup, je vous assure, dans le monde cultivé par vous. On est sur le point d’en avoir diablement assez, et vous pourriez récolter de sacrées surprises... Dieu me préserve d’être tenté de vous expliquer la sueur de prostitution qui vous rend fétides ! La force des choses vous a remplis d’un pouvoir qu’aucun monarque, avant ce siècle, n’avait exercé puisque vous gouvernez les intelligences et que vous possédez le secret de faire avaler des pierres aux infortunés qui sanglotent pour avoir du pain. »
Léon Bloy, Le Désespéré
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Histoire des dernières décennies
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« Histoire des dernières décennies :
Les hommes sensés de Lacémédone montraient à leurs enfants un ilote ivre, pour leur faire voir ce qu'ils ne devaient pas être.
Ensuite, un temps vint où les hommes sensés (ou tenus pour tels) montrèrent à leurs enfants un enfant ivre, pour leur faire voir ce qu'ils devaient être.
Enfin, l'ilote ivre, devenu le modèle idéal, montra à ses enfants l'homme sensé, pour leur faire voir ce qu'ils ne devaient pas être. »
Henry de Montherlant, La marée du Soir
Merci à Cougar
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26/08/2011
2012 : qui se soucie du "beauf" ?
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Délaissé, méprisé, vilipendé par la majeure partie de la classe politique, l'électorat populaire se demande bien quel bulletin glisser dans l'urne en 2012.
Gérard n’est pas très vif, un peu gras (voire gros). Il mate le JT de Pernaud, une main dans le caleçon, l’autre sur la bouteille de Kro. Le samedi avec Josianne (un peu grasse, voire grosse), ils traînent leur pelletée de gamins à Lidl pour faire le plein de cochonneries. Un pack de sodas pour les mioches, un cubi de vinasse pour les vioques… « Ah et les couches à Kevin, Josy ! T’as oublié les couches à Kevin ! »

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Terra Nova, fossoyeur de la gauche ?
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Quelle cible électorale pour la gauche ? C’est à cette question que Terra Nova entend répondre avec un rapport intitulé « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ». L’argument central en est assez simple. La crise de la social-démocratie serait double : crise idéologique, mais aussi crise de la sociologie électorale. La gauche s’appuyait autrefois sur une « coalition historique » construite autour de la classe ouvrière ; mais les ouvriers sont un allié de moins en moins sûr, du fait de leur démographie en baisse, de la déliquescence de leur conscience de classe et de leur conservatisme moral. Or la gauche, elle, se définit de plus en plus par le libéralisme « sociétal », dans la foulée de mai 68, et ne peut plus répondre aux demandes économiques des ouvriers. Elle devrait donc faire le grand plongeon, consistant à se détourner de cette assise électorale dépassée pour embrasser sa nouvelle famille, divisée sur les intérêts économiques mais unie sur « les valeurs » : c’est-à-dire l’alliance des diplômés, des jeunes, des « minorités et des quartiers populaires », des femmes, des urbains et des « non-catholiques », qui sont tous tournés vers « l’avenir » et rompus aux joies du libéralisme culturel.
Il faut reconnaître à Olivier Ferrand (coordonnateur de ce rapport) un certain courage, celui de dire avec franchise, voire candeur, ce qu’un courant de pensée pense tout bas depuis quelques années ; à savoir que la gauche doit rompre à la fois avec ses attaches ouvrières et populaires, et avec sa volonté de transformation économique. Il mène à son terme, et théorise, le recentrage de la gauche autour du libéralisme de mœurs ; il ouvre un débat clair sur l’avenir et l’objectif de la social-démocratie, nettoyé de tous les faux-semblants et politesses d’usage. Mais ce sont bien là, malheureusement, les seuls mérites que l’on peut reconnaître à ce texte.
Passons, par charité, sur les nombreuses imprécisions et incohérences qui émaillent le rapport. Le sens exact des termes « classes populaires » ou « classes moyennes » fluctue de chapitre en chapitre. Par ailleurs, on nous explique à la fois que la nouvelle coalition incontournable pour la gauche – la « France de demain » – est en pleine progression électorale, mais aussi qu’elle n’est pas actuellement majoritaire, et qu’il faudra lutter contre son abstention structurelle (pour les jeunes notamment). Bref : si on rend la nouvelle coalition majoritaire, alors elle le sera (si ma tante en avait …). Autre perle du même genre, on peut expliquer dans une page que les séniors votent « toujours » à droite, pour affirmer sans ciller, un peu plus loin, qu’ils vont voter « de plus en plus à gauche ». Et que dire des hésitations démographiques sur l’ancienne « coalition historique » du PS, qui est à la fois décrite comme en déclin (ce qui devrait justifier son abandon), et comme en hausse numérique (du côté des petits employés) ?
Plus problématique est la méthode employée pour découper la société en catégories favorables (ou non) à la gauche. Le groupe de travail Terra Nova, confondant cause et conséquence, inspecte les facteurs déterminant le vote de gauche aux dernières élections, et en tire, au petit bonheur la chance, un inventaire à la Prévert de catégories mélangeant genre (les femmes), origine (les immigrés), âge (les jeunes), diplôme (les diplômés du supérieur) et situation professionnelle (les CSP+) – heureusement que les sondages n’ont pas révélé un tropisme socialiste des unijambistes moustachus, ils auraient probablement gagné leur ticket d’entrée parmi les membres fondateurs de la « France de demain ». Ces catégories, hétérogènes, se recoupent et se contredisent les unes les autres : les femmes votent à gauche, lit-on, mais pas les employées, apprend-on plus loin ; et faut-il aussi leur appliquer le diagnostic général sur cette nouvelle alliance, à savoir qu’elle a une démographie trop faible – nait-il moins de femmes que d’hommes en France ?
Ce ne serait encore rien si ces catégories n’étaient définies à (très) gros traits par des caractéristiques tenant plus du préjugé bobeauf que de la rigueur scientifique : l’immigré et le jeune sont ouverts et « optimistes », ils représentent « la dynamique », alors que l’ouvrier est dans « le repli » contre « les immigrés, les assistés, la perte des valeurs morales [lesquelles ?] et les désordres de la société contemporaine [est-ce une tare ?] ». Il est vrai que « plus un individu est diplômé, plus il adhère aux valeurs culturelles de la gauche », et parmi elles la « tolérance » et « l’ouverture aux différences culturelles ». Moins vous faites d’études, plus vous êtes con et méchant, en clair. Que ceux qui n’ont pas décroché un master lèvent le doigt ! L’argument d’autorité et le mépris culminent avec le titre donné à la nouvelle alliance électorale proposée – « la France de demain » – titre qui suggère très explicitement que ceux qui n’en font pas partie (les ouvriers et employés) sont à ranger au rayon des rebuts dépassés par l’histoire.
A la caricature s’ajoute, fort logiquement, le naturalisme : on décrit les évolutions électorales de ces catégories de population comme des phénomènes physiques inaltérables, sur lesquels la gauche n’aurait finalement aucune latitude d’action, et dont elle devrait juste prendre bonne note pour ajuster sa stratégie. Le texte ne se demande jamais, par exemple, si la dérive des classes populaires vers des valeurs « de droite » n’est pas en partie de la responsabilité de la gauche, si celle-ci ne pourrait pas enrayer ou inverser le processus, et si la stratégie Terra Nova ne va pas simplement amplifier les conséquences d’erreurs commises par le passé. A vrai dire, l’idée même d’un parti de masse, capable de peser sur la société, et de faire un travail de terrain de longue haleine auprès de ces populations, semble inconcevable pour Terra Nova ; prenant peut-être le cas des think tanks pour une généralité, le groupe de travail n’évoque jamais la dimension militante ou d’éducation populaire, si ce n’est pour parler du porte-à-porte qu’il faut faire « comme Obama » pour aller chercher les abstentionnistes de la jeunesse ou de la « diversité ». On reconnaît du bout des lèvres que Ségolène Royal a limité les dégâts sur le vote ouvrier en 2007, grâce à « son positionnement spécifique » … mais on n’en tire aucune conclusion.
Au fond, on comprend mieux, avec ce document, pourquoi Terra Nova se réclame plus du « progressisme » que de la gauche : alors que la gauche se définit à la fois par un ancrage populaire, un projet économique et social, et un ensemble de valeurs (morales et culturelles), le progressisme prôné par le think tank abandonne largement le premier, revoit à la baisse le second, et ne s’accroche vraiment qu’au troisième. La vision proposée par la fondation « progressiste » est sans doute respectable, mais elle n’est pas de gauche, au sens commun du terme... . Elle est une sorte de projection des fantasmes de la bourgeoisie éclairée (!) et humaniste sur le reste de la société. Elle est surtout à courte vue : il faut être bien naïf pour croire que l’on gagne une élection en faisant une arithmétique d’épicier, en ajoutant à la bonne franquette des haricots, des choux et des tomates pour arriver aux « 50% » fatidiques. Tout l’art de la politique consiste à bâtir des projets nationaux qui dépassent les antagonismes, et donnent des perspectives communes à des populations n’ayant pas forcément, au départ, d’intérêts communs. La proposition portée par Terra Nova, a contrario, ne peut générer que confusion, division, et défaite.
Plus d'articles de Romain Pigenel sur son blog.
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Computers are racist because they make them too hard to use
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No Comment !
Un petit morceau de Living Colour pour nous remonter le moral...
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Les principaux chantres de la réaction peuvent bien évoquer le Christ en permanence, leur seul saint patron est le monde des affaires
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« Les principaux chantres de la réaction peuvent bien évoquer le Christ en permanence, leur seul saint patron est le monde des affaires. Les valeurs peuvent bien passer "avant tout" pour leurs électeurs, ils se mettent toujours au service de l'argent une fois qu'ils l'ont emporté. C'est d'ailleurs là une des marques distinctives du phénomène qui fut d'une absolue régularité au cours des précédentes décennies. L'avortement n'est jamais interdit La discrimination positive n'est jamais abolie. L'industrie culturelle n'est jamais tenue de faire le ménage chez elle. Ce fait intrigue tout particulièrement les observateurs. Et l'on s'attendrait à ce qu'il en soit de même pour les vrais fidèles de la réaction. Leurs tribuns grandiloquents ne passent jamais à l'acte. La colère des électeurs s'exaspère mais ils réélisent pourtant tous les deux ans leur héros de droite pour la deuxième, la troisième ou la vingtième fois. Le truc n'est jamais éventé et l'illusion jamais dissipée.
Votez pour interdire l'avortement et vous aurez une bonne réduction de l'impôt sur le capital. Votez pour faire la nique à ces universitaires politiquement correct et vous aurez la déréglementation de l'électricité. Votez pour résister au terrorisme et vous aurez la privatisation de la sécurité sociale. Votez pour mettre une bonne taloche à l'élitisme et vous aurez un ordre social au sein duquel les riches sont plus riches qu'ils ne l'ont jamais été, les travailleurs dépourvus de tout pouvoir et les PDG rémunérés au-delà de toute imagination. »
Thomas Frank, Pourquoi les pauvres votent à droite
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25/08/2011
A vau-l’eau le respect, la résignation, l’obéissance et le vieil honneur !
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« Fils obéissant de l’Eglise, je suis néanmoins, en communion d’impatience avec tous les révoltés, tous les déçus, tous les inexaucés, tous les damnés de ce monde. Quand je me souviens de cette multitude, une main me saisit par les cheveux et m’emporte, au-delà des relatives exigences d’un ordre social, dans l’absolu d’une vision d’injustice à faire sangloter jusqu’à l’orgueil des philosophies. J’ai lu Bonald et les autres théoriciens d’équilibre. Je sais toutes les choses raisonnables qu’on peut dire pour se consoler, entre gens vertueux, de la réprobation temporelle des trois quarts de l’humanité...
Saint Paul ne s’en consolait pas, lui qui recommandait d’attendre, en gémissant avec toutes les créatures, l’adoption et la Rédemption, affirmant que nous n’étions rachetés qu’« en espérance », et qu’ainsi rien n’était accompli. Moi, le dernier venu, je pense qu’une agonie de six mille ans nous donne peut-être le droit d’être impatients, comme on ne le fut jamais, et, puisqu’il faut que nous élevions nos cœurs, de les arracher une bonne fois, de nos poitrines, ces organes désespérés, pour en lapider le ciel ! C’est le Sursum corda et le Lamma sabacthani des abandonnés de ce dernier siècle. [...].
A vau-l’eau le respect, la résignation, l’obéissance et le vieil honneur ! Tout est avachi, pollué, diffamé, mutilé, irréparablement destitué et fricassé, de ce qui faisait tabernacle sur l’intelligence. La surdité des riches et la faim du pauvre, voilà les seuls trésors qui n’aient pas été dilapidés !... Ah ! cette parole d’honneur de Dieu, cette sacré promesse de « ne pas nous laisser orphelins » et de revenir ; cet avènement de l’Esprit rénovateur dont nous n’avons reçu que les prémices, - je l’appelle de toutes les voix violentes qui sont en moi, je le convoite avec des concupiscences de feu, j’en suis affamé, assoiffé, je n’en peux plus d’attendre et mon cœur se brise, à la fin, quelque dur qu’on le suppose, quand l’évidence de la détresse universelle a trop éclaté, par-dessus ma propre détresse !... O mon Dieu Sauveur, ayez pitié de moi ! »
Léon Bloy, Le désespéré
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24/08/2011
L'illusion égalitaire
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« L'illusion égalitaire des démagogues est encore plus dangereuse que la brutalité des traîneurs de sabre... pour l'anarque, constatation théorique, puisqu'il les évite les uns comme les autres. Qu'on vous opprime : on peut se redresser, à condition de n'y avoir pas perdu la vie. La victime de l'égalisation est ruinée, physiquement et moralement. Quand on est autre que les autres, on n'est pas leur égal ; c'est l'une des raisons pour lesquelles on s'en prend si souvent aux juifs. »
Ernst Jünger, Eumeswil
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23/08/2011
Trouver de l'éclat dans l'infâmie
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« Quand on pense combien est rare la droiture, inconnue la probité, quand on songe à l'absence presque complète de la loyauté, sinon quand elle est utile, à l'ambition qui, sortant de ses propres limites, va jusqu'à trouver de l'éclat dans l'infamie, l'âme alors se laisse engloutir dans la nuit et, dans cette espèce de crépuscule des vertus où sombrent l'espoir de les rencontrer et le fruit de leur exercice, les ténèbres recouvrent tout. »
Sénèque , De la tranquillité de l'âme
Merci à Cougar
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22/08/2011
Le terrorisme de l'Etat culturel
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« Pour qui a contemplé, peu de jours après le 11 septembre, du haut d'un observatoire de fortune, avec un petit groupe d'étrangers conduits par Rudolph Giuliani, casque en tête, le paysage de désastre qu'il a nommé lui-même "Ground zero", le programme énoncé récemment par notre propre secrétaire d'Etat communiste au Patrimoine et à la Décentralisation culturelle a de quoi donner le frisson :
"Nous subventionnons de préférence les espaces alternatifs, les friches, les squats artistiques, les projets pluridisciplinaires, un laboratoire de l'émergence d'un nouveau rapport entre l'art et la société. Ces mutations répondent aux attentes et au désir d'art des populations exclues de la culture."
A ce compte, Ben Laden et Etat culturel, même combat. Pour faire accéder à "la culture" les populations qui en sont exclues, il faut créer à leur usage des no man's land répondant à leur "attente" et appeler "art" ce qui peut un peu plus les ensauvager et déboussoler ! Ce genre d'éructation officielle est du même tonneau que le raisonnement pseudo-sociologique par lequel on a, dans les années qui précédèrent 68, stigmatisé l'efficace ascenseur social et intégrateur de l'Education nationale, en le qualifiant de "reproduction", quitte à le remplacer au plus vite par une "créativité" pédagogique tous azimuts propre à enfoncer un peu plus dans la "misère du monde" les enfants défavorisés qui désespèrent de s'en sortir. Ce féroce paralogisme, qui cache un hautain mépris sous la plus démagogique compassion, inspire depuis des décennies en France les réformes incessantes et destructrices de l'enseignement public et l' "action culturelle" envahissante de l'Etat.
Soyons honnêtes envers nous-mêmes. L'agit-prop substituée à l'éducation, l'agit-cult substituée à l'art ne sont pas des inventions originales du génie français, mais sévissent aujourd'hui par génération spontanée dans tous les pays "avancés". Partout, à Los Angeles et à Tokyo comme à Paris, on rencontre de riches snobs, économiquement de droite et sentimentalement de gauche, qui éprouvent un besoin irrésistible de financer des "espaces alternatifs" et des "friches" coûteuses, déployant au moins autant de zèle que notre secrétaire d'Etat communiste au Patrimoine. Avec un instinct très sûr dans les deux cas, les snobs de tous pays, amateurs d' "avant-garde" nihiliste et coûteuse, se précipitent vers ce qui leur assure, croient-ils, "distinction" dans leur propre milieu nouveau riche, tandis que nos hauts fonctionnaires culturels, à la remorque de ces mêmes snobs et emballés pour la même "avant-garde" de champ d'épandage, s'assurent par là une supériorité imaginaire sur leurs petits camarades débranchés.
L'histoire n'est pas nouvelle. Toute son équivoque tient à la confusion entre "art moderne" et "art contemporain". L'art moderne, en concurrence avec un art réaliste et un impressionnisme bien vivants, est apparu à Paris entre 1905 et 1910. Paris est resté sa Mecque et la capitale mondiale de ses artistes jusqu'en 1960 environ. En revanche, sa publicité globale et sa montée en Bourse ont été organisées par le Museum of Modern Art de New York, créé en 1920 sous l'impulsion et avec l'argent personnel de Mrs Abby Aldrich Rockefeller, épouse du richissime John D. Rockefeller et fille d'un autre tycoon , Nelson W. Aldrich. Elle fut secondée par Stephen C. Clark, de la famille propriétaire des machines à coudre Singer, et par Frank Crowninshield, rédacteur en chef du newsmagazine Vanity Fair . Trinité efficace pour l'avenir de l'art moderne parisien, mais dont l'horizon n'avait rien de commun avec celui de la Revue blanche ni avec celui du Minotaure .
A partir de 1960, Manhattan, devenu le centre commercial de l'art moderne, franchit un nouveau pas. Ses "very rich" de la dernière couvée se convertissent à l'anti-art et aux practical jokes dont l'humoriste et dandy français Marcel Duchamp avait été l'évangéliste aux Etats-Unis depuis 1916. New York se pique alors d'être devenue la Mecque de l' "anti-art" contemporain, un tout et un n'importe quoi tellement plus excitants pour la spéculation de nouveaux riches que Picasso, Matisse, Balthus, Henri Laurens, Germaine Richier, Jean Bazaine, Roger Vieillard et autres maîtres incontestés de la tradition parisienne de l'art moderne !
Le Paris des gogos officiels ne tarda pas à donner dans le panneau. Rallié furieusement à l' "art contemporain", dont Niki de Saint-Phalle était alors la muse française, il n'eut de cesse d'humilier la dernière génération d'artistes modernes, qualifiés désormais avec mépris d' "Ecole de Paris". Le New York d'Andy Warhol et des "installations" avait gagné sa bataille. Plus de rot, mais de la fumée vantée à coups de pub et vendue très cher sous le nom ambigu d' "art moderne et contemporain". Cet habile label confond fructueusement dans le même sac "culturel" les effets du merchandising et les oeuvres reconnues des maîtres de l'art moderne. High et Low , or et assignats, montent et descendent désormais à égalité, selon l'humeur de la Bourse, sous le marteau du commissaire-priseur.
Le drame en France, c'est que le nihilisme culturel et l'ardeur pour les "squats artistiques" modernes et contemporains ne sont pas, comme en Amérique ou au Japon, cantonnés dans des coteries riches regroupées autour de musées privés, dont l'empire ne s'étend guère au-delà du milieu fortuné de leurs trustees et des belles adresses de chaque grande cité. Tandis que, chez nous, la frénésie des salles de ventes et des openings branchés est devenue une idéologie à prétentions sociales, qui inspire un ministère tentaculaire ayant la volonté et les moyens, depuis sa création à la fin des années 60, non seulement d'imposer au nom de la République et au moyen des subventions un "goût" unique et officiel, mais encore de corrompre ou d'intimider dans ses propres murs les anciennes et saines administrations patrimoniales qui lui ont été léguées par un Etat traditionnellement modeste, mais ayant une tout autre idée de ses responsabilités envers la nation et l'éducation de ses mandants. L'Etat culturel a adopté le nihilisme esthétique mondain comme un impératif démocratique, tout en se targuant d'une exception culturelle expurgée de son sens - car ce nihilisme culturel, par définition mondial, est à la globalisation ce que le vert-de-gris est au cuivre. Telle est l'une des singularités françaises actuelles les plus caractéristiques et les plus acharnées. Elle consiste à affirmer à cor et à cri une identité nationale que l'on a pris soin au préalable de vider de son contenu.
Exagération ? Polémiques ? Allez donc visiter au Palais de Tokyo, comme je l'ai fait l'autre jour, l'Espace de création contemporaine que notre ministre de la Culture a récemment inauguré ! Vous aurez, comme moi, le frisson de « Ground zero » en apercevant, étalé au sol, un mannequin féminin hyperréaliste en polystyrène nageant dans une feinte flaque de sang, évocation hideuse des malheureux pressés par l'enfer de feu, dans les plus hauts étages du World Trade Center, et qui se sont jetés en grand nombre dans le vide. Vous saurez ce qu'entend le secrétaire d'Etat au Patrimoine par la "nouvelle fonction sociale de l'art" et les "espaces alternatifs" répondant au désir des "populations exclues de la culture". Les magnifiques volumes, éclairés par de vastes verrières, de l'aile droite du Palais de Tokyo ont été à grands frais transformés en zone ravagée, ses murs dénudés ont été d'avance parsemés de tags et de dazibaos débiles, et dans cette ruine artificielle ont été exposés des détritus baptisés "installations" et des écrans dévidant d'insipides vidéos. Pour obtenir ce paysage de banlieue de "non-droit", il a fallu démolir coûteusement les amorces dans ces mêmes lieux d'un Centre du cinéma, qui trouvera abri dans d'autres ruines qui restent à restaurer, celles du mini-musée de Bilbao construit naguère par Frank Gehry en face de la BNF et destiné à un American Cultural Center privé qui a sombré dans la faillite.
Un vandalisme d'Etat est donc parvenu à creuser en plein Paris un "Ground zero" de pacotille, conçu et voulu par la délégation aux Arts plastiques de la Rue de Valois : "Détruire", dit-elle. Mis à part le luxueux saccage d'une architecture de grand style, le contenu de cette zone artificielle ne diffère en rien de ce que l'on peut voir un peu partout dans le monde, à Beaubourg, au Moma, dans les biennales et les galeries qui se spécialisent dans cet "art contemporain" qu'il faudrait plutôt nommer ennemi juré de tous les arts. Dans la librairie de l'Espace est exposée une sélection de coffee-table books , parmi les plus funk et junk de la planète. On a le réconfort ambigu d'y trouver un épais catalogue de l'Académie de France à Rome, préfacé par son directeur, Bruno Racine. C'est l'épave imprimée serré d'une exposition de « troisième type » qui fut généreusement offerte aux populations romaines "exclues de la culture" par le génie "culturel" français, dans le cadre d'une Villa Médicis où achevèrent de se former, pendant près de trois siècles, quelques-uns des plus grands peintres, sculpteurs, graveurs et architectes du monde. Mais j'ai cherché en vain le fameux catalogue illisible, préfacé par MM. Aillagon et Spies, qui nivelait les reproductions de chefs-d'oeuvre du musée d'Art moderne dans les couleurs électriques du kitsch warholien : ce monument de mépris pour le public a été, je le crains, mis au pilon.
Je vous l'accorde, rien n'oblige à visiter l'Espace du Palais de Tokyo. Avec un peu de flair et de doigté, on peut à Paris, pour nourrir fructueusement ses loisirs, découvrir et goûter des merveilles de talent et de goût. Dans ces derniers mois, le "Neveu de Rameau" avec Nicolas Vaude au Ranelagh, la "Rodelinda" de Haendel au Théâtre du Châtelet, "Le triomphe de l'amour" de Marivaux au Studio-Théâtre d'Asnières, le désopilant "Frou-Frou les Bains" du Théâtre Daunou ont été des chefs-d'oeuvre, chacun dans son ordre, au moins comparables au superbe "Ruy Blas" de la très officielle Comédie-Française. Gratis, on peut admirer dans une petite galerie privée, 56, rue de Verneuil, de sublimes photographies de Carlos Freire. Les expositions du musée Guimet, du musée Picasso, du Grand Palais et du Louvre ne déçoivent que rarement. Et j'en passe. Paris reste une fête. L'amour du travail bien fait et la passion de la beauté, ancienne et moderne, y sont trop profondément enracinés pour se soumettre volontiers aux bûcherons de la forêt de Gastine. Mais ces joies, pourtant à la portée de tous, ne sont pas patronnées volontiers par le ministère de la Culture, ni "trompettées" par les médias à son écoute. L'esprit de suite du nihilisme officiel, irrité par cette résistance incontrôlée, s'emploie avec d'autant plus d'obstination à multiplier le désert des "Espaces" et des "Centres" partout où il en a le pouvoir. Ce n'est pas peu dire.
M. Jacques Renard, directeur de la Caisse nationale des monuments historiques (rebaptisée par lui "Centre des monuments nationaux"), a pu vandaliser à grands frais l'Hôtel de Sully, siège du "Centre" restauré naguère avec soin et décoré en style Louis XIII par Jacques Dupont. Il avait d'emblée traité de "vieilleries" les tapisseries d'après Simon Vouet, les portraits de rois et de ministres que le grand décorateur avait réussi à réunir. Sous les plafonds armoriés, les "vieilleries" ont donc été évacuées, et un bastringue des années 50, conçu par un ancien "beaubourgeois" de Support-Surface, a surgi dans les murs du noble hôtel du Marais. Quand ce vandalisme actif n'est pas de mise, les nihilistes officiels recourent au vandalisme passif. On laisse ainsi se dégrader le musée des Monuments français, fermé depuis de longues années au public. Ce trésor scientifique cette merveille authentiquement éducative, que la IIIe République, fidèle à la leçon du jacobin Alexandre Lenoir, avait installé au large dans le Palais de Chaillot, est devenu une ruine, et par cette méthode il est à craindre qu'il ne devienne tôt ou tard un "squat" pour "exclus de la culture". L'Ecole des beaux-arts, dont les cours intérieures ressemblent à des décharges publiques, a renoncé depuis longtemps à enseigner autre chose que "l'art vivant", c'est-à-dire à désapprendre toute discipline artistique et toute mémoire des chefs-d'oeuvre anciens ou modernes. On n'y enseigne plus la gravure, cet art austère dont Paris avait conquis et conservé le privilège depuis quatre siècles. Schizophrène, l'Ecole, qui a formé jusqu'en 1969 de grands artistes et architectes pour le monde entier, continue d'abriter une riche bibliothèque, un fonds de manuscrits et de dessins de maîtres à rendre jaloux le futur Institut national d'histoire de l'art, enclavé, selon un provisoire et un contentieux qui perdurent, dans une partie des locaux de l'ancienne Bibliothèque nationale. Il y a fort à parier que, si ses programmateurs l'avaient intitulé "Espace" ou "Centre de créativité postmoderne", il occuperait déjà tout le bâtiment, et même tout le quartier.
De leur côté, tout aussi mal nommées et mal-aimées, les Archives nationales sont en état de crise aiguë. "Otez ce sein d'érudition que je ne saurais voir !" Il est donc question de les déporter, comme les Archives du Quai d'Orsay, dans une autre monumentale BNF éloignée des quartiers anciens, et décourageante pour les derniers étrangers qui songeaient encore, pauvres ringards, à étudier l'histoire de France.
Certes, le Centre Pompidou, avec ses rides et sa rouille prématurées effacées à grande dépense, bénéficie de divines protections qui le garantissent, au moins en apparence, contre tout chagrin. Il peut continuer à faire coexister dans ses tubulures sa "pluridisciplinarité contemporaine" favorite et le musée d'Art moderne qui lui sert de caution bourgeoise : "e suis oiseau, voyez mes ailes ; je suis souris, vivent les rats !" Les chefs-d'oeuvre accumulés par ce musée-otage ne peuvent être exposés que très partiellement. A ce prix, le Centre peut poser orgueilleusement pour le vaisseau amiral des "Espaces d'Etat".
Mais le Louvre et Versailles, regardés de haut par les dieux de droite et les idéologues de gauche, restent incurablement, en dépit des pétards mouillés sous pyramide de M. Régis Michel ("La peinture comme crime !"), à contre-courant du torrent "contemporain" de la déséducation et de l'anti-art. Les experts cherchent les causes « structurelles » des maux dont souffrent ces musées et ils en trouvent, car il y en a. Mais la cause des causes est l'irritation diffuse dans les hauteurs et les profondeurs du ministère de la Culture, et de l'énarchie qui le colonise, contre ce qu'on y qualifie de "vaches sacrées" de la conservation patrimoniale. Tel de ces puissants personnages (de ceux qui roulent "à droite") ne cache pas son intention, au cas où il deviendrait ou redeviendrait ministre français de la Culture, de mettre fin à la notion de "patrimoine national inaliénable" et d'alimenter abondamment son budget d'action culturelle par la vente sur le marché international, comme en Union soviétique au temps de la NEP, des trésors des Musées nationaux. Christie's et Sotheby's verraient alors leurs bénéfices monter au ciel. Ce serait la foire de Cocagne, un second Nasdaq, tout "français" celui-là. Gageons que la gauche "culturelle", qui fraternise si volontiers avec les "héritiers" branchés dans les cocktails, applaudirait des deux mains à cet assèchement radical et rapide de la souche-mère des "inégalités culturelles".
En attendant cette décisive "avancée" de droite dans l' "émergence d'un nouveau rapport entre l'art et la société", un début de cette maladie à la mort qui a frappé le musée des Monuments français et son voisin, le musée de l'Homme, tourmente déjà le Louvre et Versailles. Une notable partie des salles du Louvre reste fermée pendant de longs intervalles ; la galerie des Batailles de Versailles et son riche musée des Portraits - conçus avec soin sous Louis-Philippe pour enseigner l'histoire de leur pays aux jeunes Français, et qui seraient aujourd'hui, si l'on se souciait d'eux, une révélation pour les enfants d'immigrés - restent à demeure inaccessibles au public. Ils ne sont pas seuls dans ce cas. Il est peu de musées en France dont toutes les salles soient ouvertes. Le musée d'Art moderne enclavé dans le Centre Pompidou ne montre qu'une anthologie. La fuite en avant dans la diffusion de la "culture" aboutit à une rétraction sans précédent des voies d'accès du public aux chefs-d'oeuvre des arts.
La "culture" ne supposant aucune formation, cette "jivarisation" se communique à l'enseignement des arts. Le ministère de la Culture a eu beau récupérer celui de l'architecture, qui naguère était parti au ministère de l'Equipement, on n'étudie plus en France l'histoire de l'architecture dans les écoles où se forment les futurs architectes. Où est le temps, qui a duré près d'un siècle, où il ne se construisait pas d'édifice important en Amérique qui ne fût conçu dans le style Beaux-Arts par des architectes locaux, mais longuement formés à dure école à Paris ? Aujourd'hui, les futurs architectes formés en France potassent les sciences sociales, ils ont désappris à dessiner et leur mémoire ne remonte pas au-delà de Le Corbusier. Ce déni d'éducation va dans le même sens que l'abandon du musée des Monuments français et l'extrême rareté à Paris d'expositions relatives à l'architecture. Elles risqueraient sans doute d'éduquer l'oeil critique du public.
On m'objectera le soin et la dépense consacrés par l'Etat à la restauration du vaste parc des grands monuments classés lui appartenant, et notamment des cathédrales auxquelles le romantisme a définitivement attaché le coeur du public français et international. C'est là en effet que la tradition inaugurée par la monarchie de Juillet est la plus tenace. Elle trace nettement la différence entre le bien commun (et même l'intérêt général, qui bénéficie du tourisme) dont l'Etat se tient pour responsable dans les pays d'antique civilisation comme la France et les autres nations européennes et la conception étroite que peut s'en faire le gouvernement fédéral américain. L'ex-président Bill Clinton a pu déclarer, peu avant de quitter la Maison-Blanche : "Tant que nous préférerons l'ambition de l'avenir à l'attachement au passé, nous serons la plus puissante nation du monde." En Europe, et notamment en France, l'attachement au passé, inséparable de l'ambition de l'avenir, devrait retenir celle-ci sur la pente de la mégalomanie et de la paranoïa. »
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21/08/2011
Paul Rumsey : Demons on Globe
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Immigration : ce sondage terrible dont personne ne parle
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Un récent sondage Ipsos fait état d’un durcissement des opinions dans le monde face à l’immigration. A qui la faute ?
Effets de la crise
Un lien avec l'extrême-droite ?
En réalité, la xénophobie apparait comme l’arbre qui cache la forêt des frustrations sociales davantage que comme le seul symbole d'une conversion idéologique au fascisme. Face aux difficultés, on cherche des boucs émissaires.
Pas d'écho en France
Significatif de ce malaise, aucun média français n’a repris cette étude. Hormis Fdesouche, on trouve quelques traces du sondage sur des médias belges (ce qui peut s’expliquer par les scores obtenus dans ce pays) mais rien dans nos contrées. Comme si l’émergence d’une opinion majoritairement hostile aux immigrés était un sujet tabou. Au risque de laisser le thème aux plus extrémistes.
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Time is money
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« En aucun domaine, les sociétés occidentales existantes ne se distinguent des sociétés antérieures, qu’elles soient européennes ou orientales, que dans celui de la conception du temps. Pour le Chinois ou le Grec anciens, pour le berger arabe ou le paysan mexicain d’aujourd’hui, le temps est représenté par le cour cyclique de la nature, l’alternance du jour et de la nuit, le passage de saison en saison. Les nomades et les agriculteurs mesuraient et mesurent encore leurs jours depuis le lever jusqu’au coucher du soleil et leurs années en fonction du temps de la semence et du temps de la récolte, de la chute des feuilles et de la fonte des neiges dans les lacs et rivières.
Le paysan travaillait en fonction des éléments, l’artisan tant qu’il pensait nécessaire de perfectionner son produit. Le temps était perçu à l’intérieur d’un processus de changement naturel et les hommes n’étaient pas intéressés par son décompte exact. C’est pourquoi des civilisations hautement développées sous d’autres aspects usaient des moyens les plus primitifs pour mesurer le temps : le sablier avec son filet de sable ou d’eau, le cadran solaire inutilisable par temps couvert et la bougie ou la lampe dont la partie non consumée d’huile indiquait les heures. Tous ces dispositifs étaient approximatifs et inexacts, qui plus est, rendus souvent peu sûrs par les aléas météorologiques ou la paresse de l’approvisionneur. Nulle part dans le monde antique ou médiéval, il n’y eut plus d’une petite minorité d’hommes concernée par le temps en terme d’exactitude mathématique.
L’homme moderne occidental vit toutefois dans un monde régi par les symboles mathématiques et mécaniques du temps de l’horloge. L’horloge dicte ses mouvements et domine ses actions. L’horloge transforme le temps, de processus naturel qu’il était, en marchandise, qui peut être quantifiée, achetée et vendue comme de la soupe et du raisin. Et, parce que sans quelques moyens de garder l’heure exacte, le capitalisme industriel n’aurait jamais pu se développer et ne pourrait continuer à exploiter les travailleurs, l’horloge représente un élément de tyrannie mécanique dans la vie des hommes modernes, plus puissant que n’importe quelle autre machine. Il est utile de suivre la trace du processus historique par lequel l’horloge a influencé le développement social de la civilisation européenne moderne.
Il est fréquent dans l’histoire qu’une culture ou civilisation développe le dispositif qui sera utilisé ultérieurement pour sa destruction. Les Chinois anciens, par exemple, inventèrent la poudre à canon qui fut développée par les experts militaires de l’Ouest et qui en fin de compte entraina la destruction de la civilisation chinoise même par les explosifs de la guerre moderne. De même, le comble de l’ingéniosité des artisans des villes médiévales d’Europe fut l’invention de l’horloge mécanique qui, avec l’altération révolutionnaire de la conception du temps que cela entraina, aida matériellement à la croissance de l’exploitation capitaliste et à la destruction de la culture médiévale.
Il y a une tradition selon laquelle l’horloge serait apparue au 11e siècle comme mécanisme pour faire sonner les cloches à intervalles réguliers dans les monastères qui, avec la vie réglée qu’ils imposaient à leurs occupants, étaient l’approximation sociale du moyen âge la plus proche des usines d’aujourd’hui. Toutefois, la première horloge authentique est apparue au 13e siècle et ce n’est pas avant le 14e siècle que les horloges devinrent des ornements ordinaires sur les bâtiments publics des villes germaniques.
Ces premières horloges, actionnées par des poids, n’étaient pas particulièrement précises, et ce n’est pas avant le 16e siècle qu’une grande fiabilité fut obtenue. En Angleterre par exemple, on dit que l’horloge de Hampton court, fabriquée en 1540, était la première horloge de précision dans le pays. Et la précision même des horloges du 16e siècle est elle relative, puisqu’elles ne donnaient que les heures. L’idée de mesurer le temps en minutes et secondes avait été émise par les mathématiciens du 14e siècle, mais cela n’exista pas jusqu’à l’invention du pendule en 1657 dont la précision était suffisante pour permettre d’ajouter l’aiguille des minutes. Et la trotteuse ne vit pas le jour avant le 18e siècle. Il convient de noter que ces deux siècles furent ceux pendant lesquels le capitalisme crut d’une manière telle qu’il fut en mesure de profiter de la révolution industrielle en terme technique pour établir sa domination sur la société.
Comme le remarque Lewis Mumford [1], l’horloge est la machine clé de l’âge de la machine tout autant pour son influence sur la technologie que sur les habitudes humaines. Techniquement, l’horloge a été la première machine réellement automatique qui ait pris une quelconque importance dans la vie des humains. Avant son invention, les machines usuelles étaient de telle nature que leur fonctionnement dépendait d’une force extérieur et peu fiable : les muscles humains ou animaux, l’eau ou le vent. Il est vrai que les grecs avaient inventé un certain nombre de machines automatiques primitives, mais elles étaient utilisées, comme la machine à vapeur de Héron, pour obtenir des effets "surnaturels" dans les temples ou pour amuser les tyrans des cités du levant. mais l’horloge fut la première machine automatique à atteindre une importance publique et une fonction sociale. La fabrication des horloges devint l’industrie à partir de laquelle les hommes apprirent les éléments de la fabrication des machines et acquirent les compétences techniques qui devaient produire la machinerie complexe de la révolution industrielle.
Socialement, l’horloge a eu une influence radicale sans commune mesure avec n’importe quelle autre machine, dans la mesure ou elle fut le moyen d’atteindre au mieux la régulation et la discipline de vie nécessaires au système d’exploitation industriel. L’horloge a fourni le moyen par lequel le temps - une catégorie si évasive qu’aucune philosophie n’a encore déterminé sa nature - a pu être mesuré concrètement par les formes plus tangibles de la circonférence du cadran. Le temps comme durée commença à être méprisé, et les hommes commencèrent à toujours parler et penser en terme de laps de temps tout comme s’il s’était agi de portions de calicot. Et le temps, désormais mesurable en symboles mathématiques, finit par être considéré comme un bien qui pouvait être acheté et vendu de la même manière que n’importe quel autre bien.
Les nouveaux capitalistes, en particulier, développèrent une conscience farouche du temps. Le temps, symbolisant ici le travail des ouvriers, était conçu comme s’il s’était agi de la principale matière brute de l’industrie. "Time is Money" (le temps, c’est de l’argent) devint un des slogans clés de l’idéologie capitaliste et le chronométreur fut le plus significatif des employés introduits par la pratique capitaliste.
Dans les premières usines, les patrons allèrent jusqu’a trafiquer leurs horloges ou faire retentir le coup de sifflet de l’usine à de fausses heures pour escroquer leurs ouvriers d’un peu plus de ce nouveau bien si précieux. Ultérieurement, de telles pratiques se firent plus rares mais l’influence de l’horloge imposa une régularité aux vies de la majorité des gens qui n’était connue jusqu’alors que dans les monastères. Les hommes se transformèrent de fait en horloges, agissant avec une régularité répétitive sans plus rien de commun avec le rythme de vie naturel d’un humain. Ils devinrent, comme le dit la phrase victorienne,"réglés comme des horloges". Il n’y a plus que dans les régions rurales où la vie des animaux et des plantes ainsi que les éléments continuent à imprimer leur rythme qu’une large partie de la population est parvenue à échapper au tic-tac mortel de la monotonie.
Au début, ce nouveau rapport au temps, cette nouvelle régularité de la vie fut imposée aux pauvres récalcitrants par les maitres possesseurs d’horloges. L’esclave de l’usine réagissait en vivant son temps libre (disponible) avec une irrégularité chaotique qui caractérisait les taudis abrutis d’alcool de l’industrialisme du début du 19e siècle. Les hommes fuyaient vers le monde sans temps de la boisson ou de l’inspiration méthodiste. Mais, peu à peu, l’idée de régularité se diffusa de haut en bas jusqu’aux ouvriers. La religion et la moralité du 19e siècle jouèrent leur rôle en proclamant qu’il était péché de "perdre son temps". L’introduction de montres et horloges produites en masse dans les années 1850 permit la diffusion d’une conscience du temps jusqu’à ceux qui jusque la réagissaient surtout aux stimuli du "knocker-up"(réveilleur) ou du coup de sifflet de l’usine. A l’église comme à l’école, dans les bureaux et les ateliers, la ponctualité fut érigée en la plus grande des vertus.
De cette dépendance esclave au temps mécanique qui s’est diffusée insidieusement dans toutes les classes au 19e siècle, s’est développé cette discipline démoralisante de vie qui caractérise le travail d’usine aujourd’hui. La personne qui refuse de s’y soumettre risque la désapprobation de la société et la ruine économique. S’il est en retard à l’usine, l’ouvrier perdra son travail ou même, aujourd’ hui [1944 : les réglementations de temps de guerre sont encore en vigueur], se retrouvera en prison. Les repas pris à la va-vite, les éternelles bousculades matins et soirs pour prendre trains ou bus, la pression de devoir travailler à horaires fixes, tout contribue à provoquer des troubles digestifs et nerveux, à ruiner la santé et à raccourcir la vie.
L’imposition financière de la régularité ne tend pas, sur le long terme, à une plus grande efficacité non plus. En fait, la qualité du produit est d’ordinaire beaucoup moins bonne parce que le patron, considérant le temps comme une matière première qu’il doit payer, oblige l’ouvrier à maintenir une cadence telle que son travail en sera nécessairement bâclé. La quantité plutôt que la qualité, tel est le critère, et le travailleur commence à son tour à "compter son temps", n’étant plus interessé que par le moment où il pourra s’enfuir vers les maigres et monotones loisirs qu’offre la société industrielle où il "tue le temps" en se vautrant dans les plaisirs tout autant réglés et mécanisés du cinéma, de la radio, des journaux que son enveloppe de paye et sa fatigue lui autorisent. Il n’y a que celui disposé à accepter de vivre au gré des hasards de sa foi ou d’expédients qui puisse éviter de vivre comme un esclave de l’horloge, s’il n’a pas d’argent.
Le problème de l’horloge est, en général, similaire à celui posé par la machine. Le temps mécanique est précieux comme moyen de coordination d’activités dans une société hautement développée, tout comme la machine est précieuse comme moyen de réduire le travail superflu à son minimum. Les deux sont précieuses pour la contribution qu’elles apportent à une société fonctionnant sans heurts et devraient être utilisées dans la mesure où elles aident à travailler ensemble et à éliminer les tâches monotones. Mais en aucun cas on ne devrait les laisser prendre le dessus sur les vies humaines comme c’est le cas aujourd’hui.
Maintenant, le mouvement de l’horloge donne la cadence aux vies humaines : les humains sont asservis à la conception du temps qu’ils ont eux mêmes produite et sont maintenus dans la peur, comme Frankenstein par son propre monstre. Dans une société saine et libre, une telle domination arbitraire de la fonction humaine par l’horloge ou la machine serait hors de question. Le temps mécanique serait relégué dans sa vraie fonction de moyen de référence et de coordination, et les hommes et les femmes reviendraient à une vision équilibrée de la vie qui ne serait plus dominée par le culte de l’horloge.
L’oppression de l’homme par une de ses inventions est encore plus ridicule que l’oppression de l’homme par l’homme, la liberté pleine et entière implique de se libérer de la tyrannie des abstractions tout autant que de celle des lois humaines. »
George Woodcock, War commentary - For anarchism, mars 1944.
[1] Lewis Mumford, Technique et civilisation, Seuil 1976 (1950).
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La Noblesse
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« Qu'est-ce que la noblesse ?
La noblesse du guerrier, c'est l'honneur.
La noblesse de l'esclave, c'est la révolte.
La noblesse du savant, c'est le doute.
La noblesse de la femme, c'est l'amour.
La noblesse de l'intellectuel, c'est la rigueur.
La noblesse du prisonnier, c'est l'évasion »
Anonyme
Merci à Cougar
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20/08/2011
Notre vie sera plus sérieuse en même temps que plus simple
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Que la transformation s'opère : notre vie sera plus sérieuse en même temps que plus simple. Ce que la femme exige de luxe pour plaire à l'homme et, par ricochet, pour se plaire à elle-même, deviendra en grande partie inutile. Il y aura moins de gaspillage, et aussi moins d'envie. Luxe, plaisir et bien-être se tiennent d'ailleurs de près, sans cependant avoir entre eux le rapport qu'on se figure généralement. On passerait par voie de gradation ascendante ; quand nous nous serions assurés le bien-être, nous voudrions y superposer le plaisir, puis viendrait l'amour du luxe. Mais c'est là une psychologie purement intellectualiste, qui croit pouvoir calquer nos états d'âme sur leurs objets. Parce que le luxe coûte plus cher que le simple agrément, et le plaisir que le bien-être, on se représente la croissance progressive de je ne sais quel désir correspondant. La vérité est que c'est le plus souvent par amour du luxe qu'on désir le bien-être, parce que le bien-être qu'on n'a pas apparaît comme un luxe, et qu'on veut imiter, égaler, ceux qui sont en état de l'avoir. Au commencement était la vanité. Combien de mets ne sont recherchés que parce qu'ils sont coûteux !
... Le besoin toujours croissant de bien-être, la soif d'amusement, le goût effréné du luxe, tout ce qui nous inspire une si grande inquiétude pour l'avenir de l'humanité parce qu'elle a l'air d'y trouver des satisfactions solides, tout cela apparaîtra comme un ballon qu'on remplit furieusement d'air et qui se dégonflera aussi d'un coup. »
Henri Bergson, Les Deux Sources de la Morale et de la Religion
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