10/03/2009
Radeau
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Mille pensées différentes m’assaillent. Mon état physique. Ces vingt dernières années. Ma situation professionnelle et sociale. Ma vie que raconte, d’une certaine façon, mon écriture. Mon écriture qui prolonge ma vie, mais je ne parle pas, ici, dans le domaine du temps. Je parle du milieu même de l’écriture, de la redoutable synesthésie qu’elle opère en moi, aiguisant ma conscience, me donnant des armes. Je pense à tout ça, non sous forme de bilan, mais comme un défilé, une cohorte bariolée d’images ivres, joyeuses et douloureuses. Les frôlements du bonheur, parfois. La mort, déjà, présente et me clignant de l’œil. Salope ! O rivages d’aube ouverts. Règne supérieur. Tourbe, sel et sable. Vents. Pluies. Possibles qui se roulent à l’orée guettant la vive présence qui les fera advenir ou se dissoudre dans la poubelle de l’histoire. J’ai traversé ce lieu funeste et tenté de vivre en homme.
Jeune je voulais marier l’insolence et la beauté. Convulsion post-surréaliste. Puis le temps a fait son œuvre. Et le temps ne triche pas. C’est nous qui tentons constamment le subterfuge, la dérobade, la tricherie. Le temps vient nous réclamer sans arrêt les examens de passage. L’expérience. Fais tes preuves le loustic.
Je suis ce que je suis. Je tiens le rôle qui est le mien. Avec difficulté. Tentant d’en écrire, selon mes modestes moyens, quelques luxuriances, à défaut d’en écrire le scénario, pour faire référence à un débat constant que j’eus jadis avec un ami qui soutenait que la volonté n’existe pas contre mon avis nietzschéen. Le temps, donc, cœur central de l’art, (fixations dans la trame de sa géhenne d’instants qui transcendent notre condition d’épaves portées par son impétueux torrent) cœur central de la pensée depuis la chute, qui me fait prendre la mesure de mon âge, du chemin parcouru, de l’œuvre tentée et non réalisée et du sentiment d’échec qui est une tentation à combattre (ô démon de la pesanteur) pour tenir debout comme un homme, du socle qui est le mien, de ma fondation, de mon chantier. J’ai écrit quelques chansons, fait souffrir mes doigts sur des guitares qu’il me fallait dompter, joué de la plume trempée dans mon sang sur les pages vierges de mes viols de survie, me suis marié et fait des enfants. Et je me démerde chaque jour que Dieu fait avec cette route qui est la mienne. Si je suis la preuve que la volonté n’existe pas, j’aurai plutôt tendance à croire que je n’ai tout simplement pas la volonté en question en moi car noué par un fatras de nœuds que je n’ai pas réussi à dénouer ou eu le courage de trancher d’un coup d’épée décisif. Le corps cloué sur mon radeau, transfuge d’un long hiver qui n’en finit plus, au milieu de la dérive tectonique des continents, point insignifiant dans la multitude du monde. Je ne grandis plus mais je vieilli. Mais je tente l’évolution, la poursuite du chemin sans lacune. L’apprentissage. Aux pays des morts.
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Couple...
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« Je suis pour l’amour absolu avec tout ce qu’il a d’infâme ou de resplendissant. Et aussi pour ces bons petits coïts de compère à commère, à la va-vite entre deux portes ou bien à l’aise quand le besoin vous prend. Mais j’exècre les accords mondains, où le sentiment s’abaisse et la friction se hausse, ces accords de monnaie courante qui vivotent d’accommodements et d’omissions ; plutôt que de vivre une telle passion fade, je préférerais me nourrir de croutons frottés de bran à la lueur d’un puant godet de pétrole lampant à usage domestique. »
Louis Scutenaire, Mes inscriptions 1943-1944
La vie de couple est une fausse paix hypocrite. Ça a la couleur et le goût de l’amour, mais ce n’est pas de l’amour. Mais, comme disait Apollinaire, Dieu merci « J’ai dans ma maison, une épouse dotée de raison »
« Aucune amitié ne peut assumer ce que le mariage exige. » écrit Hannah Arendt dans son Journal de la pensée, décembre 1950, « L’amour, lui, le peut lorsque le mariage en tant qu’institution est réduit à néant en vertu de la libre décision de deux êtres. »
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09/03/2009
Guerre
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« Gardez-vous donc toujours prodigue. La création artistique […] est la guerre même. Et vous êtes guerrier. »
Saint-John Perse, à Igor Stravinski, Washington, 25 janvier 1962
Enfant que ce temps a pétri et au sein duquel je me débat, avec violence, dans l’atrocité de la tâche, il arrive que mon intériorité fusionne aux circonstances et conditions extérieures et alors, avant même que je ne me sois saisi d’un stylo pour me tailler un chemin praticable à travers la multitude… c’est la guerre.
« Autrement dit, la liberté ne peut se concevoir que comme le lieu d’un sacrifice particulier où l’homme doit se séparer de lui-même et de tous les autres pour pouvoir se trouver et engager le dialogue avec eux. »
Maurice Dantec, Le Théâtre des opérations 2000-2001. Laboratoire de catastrophe générale
Bâtir et faire habiter... mais le recours aux forêts, d'abord, s'impose...
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Polisseurs de l'Être
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Je suis touché au plus profond à l’évocation des petits métiers, des petites taches journalières, des artisans, des paysans, à l’évocation de tous ces polisseurs de verres au quotidien auxquels nous ne prêtons plus attention, j’assiste alors médusé, à une sorte de recension des fonctionnaires de l’être. Il doit bien exister quelque part un éboueur lecteur de Spinoza qui se transperce le cerveau de questions pointues, autant que j’existe , moi, magasinier à la Fnac, lecteur de Nietzsche, trainant mon incarnation dans la fournaise impitoyable de la banalité broyante. Un éboueur, aristocrate crasseux, qui nous lave de notre merde, nos déchets de bien portants et y trouve pâture à une méditation métaphysique. Un qui rejoindrait l’essence des choses et qui, par sa vie, chanterait l’être.
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08/03/2009
Fièvre
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Ô Dames lascives, corps huilés,
effleurez-moi l’épiderme de vos colliers,
vos bagues d’or et vos boucles d’oreilles tressées.
L’encens brule dans les coupes.
Brûle aussi le vin
dans les verres scintillants
à la flamme des bougies.
Les percussions rythment
le flux et le reflux des déplacements
chaleur de l’air
senteurs de musc
pâleur écarlate
effluves de sueur
palpitation holoscopique
comme si tout était
dans le moindre souffle, Tout dans
le moindre brin de respiration
haletante et sainte dans son péché.
Douce décadence de l’extase,
violente extase en l’âtre blasphématoire
de ma carne désossée.
Cyclone de l’équateur.
J’ai monté les marches, ouvert la porte, estimé les lieux et me suis engouffré dans l’alcôve moite et chaude comme un cœur agonisant.
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La tension et l’écorchure
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Les qualités que la société exige avec insistance de nous pour en gravir les échelons illusoires et sanglants ne sont pas les qualités qui font les artistes, les guerriers chevaleresques, les moines, les chercheurs et les saints. Une morale sans transcendance. La fosse à purin. Prédateurs. Egocentriques. Névrosés. Puritains. Grenouilles de bénitier pontifical ou crapauds de barrique à pinard laïc. Je suis du côté des jésuites contre les jansénistes. Malgré la force d’un Pascal qui a, par ses pensées, balisé des aires de réflexion dont on ne peut faire l’économie. On peut s’amuser à éviter Pascal, mais sa manière de questionner l’angoisse qui l’étreint (et dont il tire son espérance) est difficilement destructible. La flamme de la foi qui vient de bruler est une extase, dans une certaine mesure, contaminante. Mais je ne suis pas un contempteur du corps, cette enveloppe charnelle qui porte la tension et l’écorchure que je suis sur le champ de bataille du monde.
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Privilège
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Quel privilège que de vivre cette vie éphémère !
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07/03/2009
Comédie
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Au milieu de la comédie sociale avoir un sens aigu de sa propre contingence. Refuser la mythologie d’une rédemption politique. Quelle qu’elle soit. Après, avancer du mieux que l’ont peut, avec ses semblants de certitudes, évidente propension à s’adonner à des illusions pécheresses qui trompent l’âme en semblant, pour quelques fulgurants instants, arrêter le temps et le cours des âges. Face à tout ça, s’en remettre à Dieu, en espérant qu’il existe.
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Oui
=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=
Tous mes échecs, mes rêves perdus, mes défaites au goût de sel. Toutes mes piètres souffrances face au trou noir du monde. Et mes délices, aussi, sous le dôme oculaire du ciel. Je suis prêt, oui, à les revivre, comme un nécessaire et joyeux redéploiement. Je suis prêt, oui, à dire « oui ».
J’écris tout ça la sueur au front, moi même porté par l’oblat de mon acte qui me fait oublier que vivre est peut-être un malentendu. Suis-je moi, ou l’autre ? Celui qui parle tel un druide ? Celui qui s’anéanti entre ces quatre murs pour accéder à la part manquante ? Vivre, ne serait-ce plutôt — surement — une lumineuse nécessité ? Tenir tête au vertige et prendre place dans la spirale comme on prendrait place dans un manège de foire ? J’écris, certes, pour guérir. J’écris aussi pour les hommes… j’écris pour les femmes. Je veux dire pour la vision saisissante que m’envoie la Femme. Seigneur, je pourrais dire que j’écris ces lignes tortueuses comme des chemins de traverse, avec l’abîme au bout de la bouche, ou plutôt l’abîme m’enserrant le cœur, les entrailles dans sa main de fer noir. J’écris pour toutes les saintes, les salopes, les amantes, les mères, les sœurs, les douces les tendres amies, les dévergondées et les putains, toutes les suceuses de queues qui nous abreuvent de leurs sucs, leurs parfums de crèmes ou de sueurs, leurs purifications menstruelles ou leurs pertes blanches, leurs sèves saines ou nauséabondes, nous soulèvent dans les airs où nous piétinent, mais finissent toujours par bruler nos cervelles à la lueur de leurs bougies en nous enfonçant des aiguilles dans la moelle épinière comme dans des poupées en terre vaudou. On se retrouve alors vidés, livides, la bite pantelante, en descente sur l’Orénoque, ou alors grandis, jouisseurs et forts comme la mort et même plus. En partance pour les sentiers anciens, celle que raconte John Lee Hooker dans ses blues humides, la guitare désaccordée, le bourbon suintant sa tourbe aux commissures de ses lèvres ; celle que raconte Jim Morrison dans Soul Kitchen ou The End, Wagner dans Tristan et Yseult… où le Seigneur Dieu lui-même dès les premières pages de la Genèse. C’est une histoire de damnation, de foyer perdu, d’enfance soudoyée, de crime et d’inceste, où l’amour et la haine, la paix et la violence sont les deux extrémités d’une même pièce qui se conjugue toujours en simultané !
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Gran Torino - II
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
Je songe à "Gran Torino", le dernier film de Clint Eastwood qui outre la grande maîtrise de son sujet est un hommage de grande classe à son maître John Ford et un film très catholique sur le sens du pardon, de l'ouverture à l'autre, et du sacrifice pour le bien de la communauté. Non content de le réaliser, Monsieur Clint Eastwood y campe un personnage en acier trempé dans le politiquement incorrect du début à la fin du film quand il a cette tirade testamentaire à propos de sa Gran Torino qu'il désire léguer à un jeune asiatique, véritable bras d'honneur, par-delà sa tombe à un monde sans repères moraux où la permissivité est telle qu'on en est arrivé à ne plus oser nommer les choses. Mais Monsieur Clint Eastwood les nomme, sans prendre de gants, en homme libre.
Durant tout le film on a l'impression d'être face à une sorte d'inspecteur Harry vieux et aigri, grossier, fumeur et buveur, irrespectueux vis-à-vis d'un prêtre dont il pourrait être le grand-père, qui chique et crache comme il respire. Le réac' libertarien dans toute sa splendeur. Sauf que le personnage qu'interprète monsieur Eastwood est un ancien ouvrier de chez Ford Motor Company (et je prends ça pour un clin d'oeil direct à John Ford) qui s'est customisé sa propre Gran Torino (une voiture bien américaine de bout en bout) dans son âge mur, en 1972 ! La Gran Torino, symbole du rêve américain, imaginé, inventé et réalisé par des américains n'est plus qu'une antiquité que tout le monde dans le film désire, comme la poussière d'une époque dorée où des valeurs communautaires, familiales prévalaient encore et faisaient tenir le monde. A présent les voitures sont japonaises, les voisins sont asiatiques, les jeunes blancs s'habillent comme les noirs et voudraient les considérer comme des frères tandis que ces derniers s'en fouttent - la scène relative à ces derniers propos que je viens d'écrire est très forte -, les gangs sont ethniques et toutes les maisons de ce qui fut jadis une résidence de la classe moyenne blanche sont occupées par des pauvres ou des étrangers et tombent en ruine. Kowalsky, c'est le nom du personnage qu'interprète Monsieur Clint, est raciste, sur ses gardes vis-à-vis de tout le monde mais il va très vite se rapprocher de ses voisins asiatiques, d'abord parce qu'il est seul (le film s'ouvre sur son épouse morte à l'église) mais surtout parce qu'il va réaliser que ces honnêtes asiatiques incarnent bien plus les valeurs traditionnelles auxquelles il croit que les membres de sa famille qui n'attendent qu'une seule chose : qu'il parte en maison de retraite pour crever afin qu'ils puissent hériter de sa maison... et de sa Gran Torino.
La maison de Kowalsky, seule maison potable du quartier, propre, rangée et arrangée comme il se doit, par les mains d'un ouvrier qui a fait la guerre de Corée, dont l'âme souffre de certaines choses qu'il y a commis, mais qui a travaillé honnêtement toute sa vie en tenant debout droit dans ses pompes, cette maison est la seule au milieu de la désolation à y arborer quotidiennement le drapeau américain. La bannière étoilée prend, ici, une signification de résistance face à la décrépitude et au laisser-aller général. Normalement, ça devrait en faire chier plus d'un dans notre joli pays où l'anti-américanisme le plus primaire s'est développé ces derniers temps, de la Gôche la plus crétine à la Drouâte la plus passéiste. Du coup les critiques bobos ont trouvé la parade pour encenser le film : c'est un hymne à la tolérance, bien-sûr, à l'ouverture à l'autre, évidemment. Ils se refusent à décrypter les agencements, les passerelles entre la culture de Kowalsky (américain d'origine polonaise) et celle de ses voisins (d'origine Hmong) et un universalisme qui transcende de loin leurs petites certitudes socio-politiques aux contours polis, sans relief ni aspérités. L'Amérique s'est construite sur l'immigration et jusqu'à présent ça lui a plutôt réussi. Je ne suis pas un spécialiste des projections géo-stratégiques futuristes et ne suis pas en mesure de préciser si ça le sera encore à l'avenir. Mais la mondialisation tend à y importer, aussi, son lot de difficultés et d'inadaptations que les Gôchistes voudraient taire pour s'assurer que leur rêve d'aplanissement général se poursuit selon leur code éthique, tandis que quelques Drouâtards bien arrêtés également dans leurs certitudes racialistes voudraient régler avec du muscle en guise de cerveau et sans état d'âme. Kowalsky, probablement, au début du film est de ces derniers : intransigeant, patriote et d'une sévérité sans mesure. Cependant, à la fin du film il est toujours intransigeant, patriote et sévère, ce que ne semblent pas avoir relevé nos criticailleurs qui se croient pertinents. Les Valeurs que respecte Kowalsky sont les mêmes du début à la fin, il a juste réalisé que la barrière raciale peut se trouver franchie par... des valeurs communes. Et c'est cette mesure qu'il n'avait pas au début qu'il a trouvé, me semble-t-il, à la fin.
La surprenante fin du film par-delà sa leçon très forte d'humanité et de sacrifice indique que si les valeurs qu'incarne la Gran Torino s'héritent, surtout et avant tout elles se méritent ! Et lorsqu'on en hérite on n'est pas sensé en faire n'importe quoi :
"Je voudrais léguer ma Gran Torino 1972 à mon ami Tao Van Lor à la condition que tu ne coupes pas le toit comme le font ces sales tacos, que tu ne peignes pas dessus des flammes débiles comme le font un tas de pecnos de tarés blancs et que tu ne mettes pas un aileron de pédé sur le coffre arrière comme on en voit sur toutes les voitures de bridés, c'est absolument horrible, si tu arrives à t'abstenir de ces conneries là elle est à toi."
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06/03/2009
Hors la crypte...
=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=
Est-ce que mon lecteur peut, après avoir quitté les mots qui sont les miens et s’être engouffré dans son quotidien pavé de repères bien connus, régurgiter quelques parcelles de ma cervelle dans ce qu’il peut penser et dire de la réalité qu’il appréhende ? Est-ce que le souffle qui est le mien, ou tout du moins ce souffle qui Me traverse et que je communique comme un flux qui m’emporte bien souvent par-delà moi-même, parvient à insuffler un peu d’air dans les terres en manque de fertilité, les sols en jachère, durcis par l’abandon, en proie aux intempéries, dans l’attente du socle de la charrue ? Mon expérience vive porte-t-elle des fruits pour autrui ?
"Aux Poètes
Tout comme un jour de fête, afin de voir son champ,
Le matin sort un paysan, quand de toute la nuit
Ardente les éclairs n’ont cessé de tomber, rafraîchissants,
Et que dans les lointains résonne encore le tonnerre,
Le fleuve de nouveau s’avance entre ses rives,
Le sol avec fraîcheur se fait tout verdoyant
Et la pluie bienfaisante du ciel
Ruisselle de la vigne ; étincelants, debout
Dans la paix du soleil sont les arbres de la futaie.
De même ainsi, debout sous un temps favorable
Sont ceux, formés non par un maître seul,
Mais par la merveilleuse, l’omniprésente en son très doux
Embrassement, la puissante, la divinement belle Nature.
Et c’est pourquoi, dans ce temps de l’année où elle semble
dormir
Au ciel ou dans les plantes ou les gens,
Alors s’endeuille aussi la face des poètes
Qui semblent être abandonnés ; pourtant toujours ils sont
Pressentiment, car elle aussi dans son repos n’est que
pressentiment
Or maintenant il fait jour ! J’ai patienté et je l’ai vu venir ;
Oh ! que cette voyance, ce sanctuaire soit mon verbe !
Celle en effet, celle-même qui est plus vieille que les
temps
Et par-delà les dieux du Soir et de l’Orient
Existe, la Nature, à présent, se réveille au froissement des
armes,
Et du haut de l’Éther au profond de l’abîme.
Selon la loi très immuable, comme autrefois, surgi hors du
Chaos sacré
L’enthousiasme flamboie et se sent neuf,
De toutes choses à nouveau, le créateur.
Et tel pour l’homme, un feu s’allume dans son œil
S’il entreprend quelque tâche sublime, tels de nouveau
Les signes, maintenant, et les actes du monde
Font s’allumer un feu dans l’âme des poètes.
Et tout ce qui s’était accompli jusque-là, pourtant à peine
ressenti,
Ne vient que maintenant à l’évidence,
Et celles, souriant, qui nous avaient travaillé notre champ
Ainsi que des servantes, elles sont révélées,
Les très vivantes, ces puissances des dieux !
T’inquiéterais-tu d’elles ? Leur esprit souffle dans ce chant
Que le soleil du jour et que la chaude terre
Ont libéré, et ces orages, qui habitent les airs, et ces
autres
Plus amplement mûris au creux profond du temps,
De pire augure et bien plus près de notre intelligence,
Qui vont errant entre le ciel et la terre, ou bien parmi les
peuples ;
De l’esprit unanime, ce sont les pensées
Qui viennent s’achever et trouvent le repos dans l’âme des
poètes.
Ah ! qu’elles soient promptes à la toucher, cette âme
depuis longtemps
En contact avec l’infini, et toute frémissante encore
Du souvenir, afin qu’incendiée par le rayon sacré
Elle accomplisse avec bonheur ce fruit né dans l’amour,
Œuvre des dieux et de l’homme : son hymne
Qui se fait leur témoin réciproque.
Ainsi tomba, les poètes l’ont dit, sur le palais de Sémélé
Cette foudre divine, après son vœu de contempler le dieu
Dans sa splendeur, lorsque cendre au sein de la mort, elle
enfanta,
Fruit de l’orage, Bacchus le sacré.
Au feu du ciel, dès lors, ils peuvent s’abreuver
Maintenant sans péril, les enfants de la terre.
Mais c’est à nous, pourtant, sous les orages de Dieu,
O poètes ! à nous qu’il appartient de se dresser et tête nue,
C’est à nous de saisir de notre propre main
Jusqu’au rayon du Père et de le tendre ainsi,
Recélé dans le Chant, ce don du ciel, de l’offrir aux
nations ;
Car c’est nous, entre tous, qui sommes de cœur pur
Ainsi que des enfants, et nos mains ne sont qu’innocence.
Venu du Père, et pur, l’éclair ne le brûlera point,
Bien qu’ébranlé profondément, souffrant en compassion
Les souffrances d’un dieu, ce cœur en son éternité
Qui pourtant reste inébranlable.
Hölderlin – Hymnes, élégies et autres poèmes
« Je dis d’emblée que je ne suis pas maîtresse des mots qui vont suivre : ils coulent de source. Plutôt, une lymphe couleur d’encre suinte de la paroi en peau qui limite le gouffre que je suis pour ma solitude. Cela, parce que je ne puis rien dire que je n’aie éprouvé. Eprouvé il y a du temps. Du temps a coulé en moi, il est devenu mon temps — que j’exsude, et qui goutte en mots.
Si les mots coulent de source, ma pensée, elle, tâtonne. Je vois (physiquement, ai-je envie de dire) ma pensée tâtonner en avant des mots entrainés par le tâtonnement ; c’est paradoxal. C’est que le sentiment de solitude est paradoxal.
Et contradictoire.
Si je le suis à la trace, mes propos aussi auront l’air contradictoire. Il se pourrait qu’ils ne soient pas tout à fait conformes à ce que j’aimerais qu’ils soient. Or, je dois suivre ma pente, laquelle commande la nature et l’allure des mots. Ainsi je me hasarde dans une forêt presque hercynienne, en rêvant d’une clairière sacrée (d’un nemeton) au bout du tracé consciencieux.
Parce que l’entreprise m’affole, j’ai besoin d’imaginer un lecteur, et je lui interdis de sauter une ligne… Enfin, non… Qui m’aime me suive, comme on dit. »
Claire Fourier - Au clair de la solitude
Il y a une entre-zone, un no man’s land, d’où me provient l’appel, l’obligation. Lieu de toutes les pertes. M’y aventurer est une profonde angoisse. Et pourtant, y échapper est la première des lâcheté, celle qui engendre toutes les autres lâchetés dont nous sommes coutumiers, à commencer par celle qui consiste à ne pas se sentir concerné, à tempérer sans entendement la gravité de la purulente plaie et s’endormir sevré de distraction et le cœur humaniste. « Où sont mes anges ? Je suis une âme nue. » La résurrection est une espérance. Mais ici et maintenant nous sommes confrontés à une descente quotidienne, accompagnés par notre psychopompe, vers les cercles concentriques de l’enfer. Mais ressusciter ici et maintenant ? Dans l’immédiateté de l’instant.
"Another holiday from all the vampires
and all the sycophants caught on the highwire
so sexy, sexy babe you know i need some
to pass the time away to get relief from
all this life that's filled with wanton tragedy
just like a runaway with no escape zone
you'd think i'd find a way you'd think i'd fake one
but all my life's been filled with wanton tragedy
where's my angels i'm a naked soul
where's my angels i'm a naked soul
so just for heaven's sake i'll try to face this
it's just a chance you take to get a last kiss
so sexy, sexy babe you know i need some
to pass the time away to get relief from
all this life that's filled with wanton tragedy
where's my angels i'm a naked soul
where's my angels i'm a naked soul
now don't you hide from me
don't you hide from me
don't you hide from me
all my life's been filled with wanton tragedies
where's my angels i'm a naked soul
where's my angels i'm a naked soul
now don't you hide from me
don't you hide from me
don't you hide from me
don't you hide from me
please don't"
Tea Party – Angels
"You wanted this
So sad to see
The sweet decay
Of ecstasy
And you want it all
And you want it all
A frozen sun,
Would guide you there
As shadows hide
The deep despair
And you want it all
I'll give you something more
And you'll fade away
One last kiss before
You fade away.
So sleep tonight,
In idle dreams
The pain will drown,
Your silent screams
And you want it all
And you want it all
I'll give you something more
And you'll fade away
One last kiss before
You fade away
Lives you once adored
will fade away
Lies you can't ignore
You soon repay
As you fade away
As you fade away
As you fade away
As you fade away
And you'll fade away"
Tea Party – Psychopomp
À chaque fois on a le sentiment d’émerger d’un long rêve ou d’un effroyable cauchemar. C’est selon. Lorsque hors la crypte on sort au haut soleil, guidé par la trame de l’écriture. Immense courroie de transmission. Langue de feu de ce lieu d’entre-deux où la violence tente de me posséder avec langueur, cette même langueur qui fait que depuis la nuit des temps l’espèce dont je suis se perpétue en perpétuant, aussi, sa souffrance.
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05/03/2009
Point Fixe d'une Vérité
=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=
L’inspiration est verticale, les influences, quant à elles, sont horizontales. Il y a une continuité entre la chose, le fait et la lecture du phénomène. Pour toucher au but mon esprit doit être tendu et porté par les sensations dans lesquelles je dérive mais qui l’éclairent et le soutiennent sans la moindre défaillance. Je ne suis alors aucunement la marionnette des dieux. Il faut se saisir du bon masque et prendre part sans hésitation à l’élaboration du simulacre. Le devenir est un possible mais un néant aussi, un non-être, une espérance illusoire et désespérée, un trouble angoissant que l’esprit ne parvient pas à saisir dans le cercle de la pensée rationnelle. Car, en même temps, tout autour de nous, la course du temps indique le changement permanent, la vibration damnée de l’histoire des hommes. L’infini néant, face à la vie infinie, menace de sa mâchoire béante chaque pas de chaque carne. L’écriture se pose là quelque part, dans cette imperceptible humeur et cherche à faire surgir le point fixe d’une vérité.
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Ce jour...
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J’ai le sentiment bien souvent de ne faire qu’une seule et unique chose : mobiliser toutes mes forces pour une ultime, brève et vaine résistance. Et puis tout se projette à nouveau en avant dans le cours des faits et des choses.
J’en suis parfois à me demander face au grand ronflement de la bêtise ambiante si nous ne sommes pas nos propres bourreaux, prenant un indiscutable plaisir à nous exécuter pour répondre aux imprécations d’un jugement rendu en vitesse, une épuration en profondeur, passionnée et sans usage de la raison. Cette citation de Bertrand de Jouvenel :
« Nous finissons par où les sauvages commencent. Nous avons redécouvert l’art perdu d’affamer les non-combattants, de brûler les huttes et d’emmener les vaincus en esclavage. Qu’avons-nous besoin d’invasions barbares ? Nous sommes nos propres huns. »
Il n’y aurait pas l’islamisation en cours, la désintégration progressive de tout ce qui fait notre civilisation, de tout ce qui fait le surgissement de l’être dans le flux temporel de notre historicité, nous trouverions autre chose pour nous auto-enculer avec allégresse. Le masochisme est vraiment général et le sadisme nous enserre de ses griffes, hélas, trop réelles.
Sur la frontière le sacre devient évidence, là où se côtoient la mort et la vie, là où l’écriture prend toute sa dimension, dans la lumière claire de l’équilibre retrouvé. Je suis, alors, là, face à l’esprit des foules, cet « éternel non » dont parla Goethe.
Dansez, dansez, pauvres fous, Obama est président tout est à nouveau possible, croyez-vous, bande de nains. Vous vous étoufferez un jour, votre cœur cessera de battre. La vie est belle, vos postures l’affirment avec une prestance ridicule mais sévère. Vous êtes convaincants, surtout pour vous-mêmes. Pauvres chiens malades.
Alexandra David-Neel, dans ses Textes tibétains inédits cite Lobzang Rigdzu Tsang Yang Gyatso, sixième Dalaï-Lama, poète et libertin :
« Si l’on a pas présente à l’esprit l’idée de l’instabilité et de la mort bien que l’on soit, d’autre part, intelligent, l’on est pareil à un idiot. »
Le profil de l’écriture est difficile à cerner. J’ouvre juste le cahier et j’écris. Le processus en cours n’est pas de mon ressort. Le personnage est coincé dans une vie compliquée, une histoire de groupe rock sur fond chaotique. Ici, dans son environnement immédiat la cité dortoir dans laquelle il vit et encore telle dans les années de son adolescence se transforme sous ses yeux en nécropole bariolée aux odeurs d’épices fortes mises en musique par NTM. Là-bas, en sa terre natale coule le sang d’une guerre qu’il ne ressent pas comme la sienne et qui le fait vomir car elle lui arrache ce qui lui restait de son enfance. Certains soirs il boit de la Slivovitz en écoutant les vieilles chansons folkloriques de Muharem Serbezovski et il pleure en compagnie de fantômes. Il lit des passages de « La déclaration islamique » d’Alija Izetbegovic et il ressent son impuissance face à l’appel des armes.
Là-bas... les salauds tuent même les chiens.
Muharem Serbezovski
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Gran Torino
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
"Je voudrais léguer ma Gran Torino 1972 à mon ami Tao Van Lor à la condition que tu ne coupes pas le toit comme le font ces sales tacos, que tu ne peignes pas dessus des flammes débiles comme le font un tas de pecnos de tarés blancs et que tu ne mettes pas un aileron de pédé sur le coffre arrière comme on en voit sur toutes les voitures de bridés, c'est absolument horrible, si tu arrives à t'abstenir de ces conneries là elle est à toi."
Un très Grand Film de Monsieur Clint Eastwood, qui rend ici un hommage appuyé à son Maître John Ford.
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04/03/2009
Starting-Block
=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=
A la maison. Repos.
Rêves et désirs en une voluptueuse spirale, gigantesque et sans fin, surgissent et me saisissent et m’emportent. Je passe l’après-midi, les yeux rivés sur l’ordinateur à écrire, à copier et coller des bouts de textes, des phrases voluptueuses, des mots de chair ou de marbre qui s’en viennent me dire et me conter sur l’écran argenté de pixels où ma conscience s’éveille au trône de la pensée.
Parfois, on étouffe d’aimer avec passion et violence et d’être aimé en retour.
J’ai changé du jour où j’ai retrouvé mon père. Comme une lointaine plaie qui s’est refermée mais reste douloureuse. Parfois, encore, j’en caresse les contours, le relief sacadé, comme pour me rassurer de la présence de la cicatrice. Cette décoration de guerre est ma seule médaille. Avoir grandi dans la certitude d’une absence et m’être construit malgré tout. Ô vie mémorielle, sereine abondance. Mon roman enfoui, ma palme d’allégresse.
Cette pièce d’où j’écris n’est pas le monde. Le flux du temps conduit à travers l’espace bien au-delà de toutes les espérances.
De la noirceur de mon âme bouillonne la lumière d’un livre à écrire qui fait apparaître les premiers vestiges, les récifs enfouis qui refont surface. Surtout, béni soit le Verbe, ne pas lâcher le fil. Conserver chaque jour intacte la pureté de cette clameur qui monte.
Laura, fruit de mes reins, souffle de mon souffle, part en vrille. Elle veut arrêter, déjà, ses études. Puis elle ne veut pas les arrêter. Elle ne sait pas sur quel pied danser. A croire qu’elle vit sa crise d’adolescence à retardement. Ça lui tombe sur le coin de la gueule alors qu’elle vient d'avoir ses 19 ans en décembre dernier. Si Laura avait 14/16 ans, je couperais court à ses états d’âme, comme je l’ai déjà fait de par le passé pour certaines de ses fréquentations. Mais là, vu son âge, je ne puis que la mettre au pied du mur, tout en l’assurant de mon amour et de ma présence, et lui signifier que c’est à elle de faire ses choix de vie : une vie de jeune pétasse médiocre qui finira, comme nous tous, par vieillir et par être rattrapée par ses échecs ; ou une vie brillante avec un avenir ouvert si elle, et elle seule, décide de s’en donner les moyens.
Parents, nous avons le système entier contre nous.
L’aiguille, dans ma fesse gauche, de retour, comme enfoncée par des coups de marteau, qui communique à toute ma jambe la douleur, la lourdeur, mon destin de mortel. Mon nerf sciatique, décidément, m’en veut. Physiquement et moralement épuisé.
Immense joie, néanmoins, des deux pages écrites, dans la virginité pure de l’œuvre naissante. Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est vital en même temps que jouissif que d’écrire. Sans pression. Juste parce que ça veut sortir à l’air libre par les mots. Juste deux pages. Deux simples pages dans un cahier d’écolier. Sarajevo sous la neige maculée de sang. L’air vif, saturé par l’odeur de la poudre. Le bruit lointain de la mitraille. L’explosion, proche, d’une roquette. Et un habitant pas rasé qui fume une cigarette "Drina" en buvant son café turc, devant la télévision éteinte par manque d’électricité. Serbe ? Croate ? Musulman ? Aucune importance. C’est un européen. L’ex-Yougoslavie de Tito fut sa matrice. Il survit juste en attendant la fin du monde.
15:34 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (2) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
24/02/2009
Gorgeous and Cynical...
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
Avenante... la soldatesque féminine israélienne... et avec un sens de l'humour évident.
20:18 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (22) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
23/02/2009
U2 / Get On Your Boots
=--=Publié dans la Catégorie "Music..."=--=
J'attends d'entendre l'album... mais ce morceau est pas mal du tout.
20:55 Publié dans Music... | Lien permanent | Commentaires (3) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
21/02/2009
Insaisissable Bernanos
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
Paul Valéry : "L’homme moderne est l’esclave de la Modernité : il n’est point de progrès qui ne tourne pas à sa plus complète servitude."
Bernanos. Le voici, l'obsédé de Dieu, l'angoissé de vérité. Dans "Journal d'un curé de campagne" il trouve Dieu en toute chose, en tout lieu, même dans le cancer qui ronge le curé, même dans l'absurde qui le dévore, même dans la course pour aller conquérir les cœurs fermés de rudes campagnards aveugles à leur bonne fortune qui préfèrent s'adonner à la banalité du Mal. En tant que concerné, avec sa fibre militante, il ne trouve la vérité nulle part. Là où d'autres se seraient satisfaits de la posture idéologique convenable par rapport à un maître, Maurras, ou par rapport à un engagement, la Monarchie, lui quitte les Camelots du Roy pour conspuer les franquistes et après avoir pris le parti de la résistance avec De Gaulle comme héraut il devint après la libération, tout naturellement, antigaulliste. De Gaulle fut, dans son adolescence naissante, son compagnon d'études, à Paris, chez les Jésuites, au collège de Vaugirard. Il refusa par trois fois la légion d'honneur et composa en une dizaine d'années ce qui me semble être de plus en plus une œuvre majeure du vingtième siècle qui fait encore sens de nos jours. Il eut même le toupet d'épouser Jeanne Talbert d'Arc, descendante en droite ligne d'un frère de Jeanne d'Arc. Le déterminé qu'il est s'inscrit dans cette volonté d'aller jusqu'au bout de ses questions dans ce cadre de sa Foi qui lui indique la bonne démarche. Il est plein d'Espérance et d'affectueuse Charité. "Felix qui potuit rerum cognoscere causas !" Heureux celui qui a pu pénétrer le fond des choses. Conviction ou illusion ?
Il y a une indocilité chez Bernanos, qui le place aussitôt chez les francs-tireurs, les inclassables. Sa vérité est une convulsion qui ferait passer celle des surréalistes pour un jeu du langage, une fantaisie de l'esprit. Bernanos est dans le concret des carnes. Il se veut chrétien jusqu'à la fin. Et s'il ne parvient pas à toucher les âmes avec La Parole de Dieu, au moins cherche-t-il à s'y perdre. Dans "la douce pitié de Dieu". Il y a un fort sentiment d'honneur chez Bernanos, à une époque qui annonce celle d'aujourd'hui, précisément une époque où l'honneur n'a plus lieu d'être, se présentant comme un simple orgueil stupide, une fierté mal placée chez les plus têtus, ou comme une vieille valeur poussiéreuse chez le plus grand nombre. L'écrivain disait de lui : "J'ai été élevé dans le respect, l'amour, mais aussi la plus libre compréhension possible, non seulement du passé de mon pays, mais de ma religion. Comprendre pour aimer, aimer pour comprendre, c'est bien là, probablement, notre plus profonde tradition spirituelle nationale, c'est ce qui explique notre horreur de toute espèce de pharisaïsme. Dans ma famille catholique et royaliste j'ai toujours entendu parler très librement et souvent très sévèrement des royalistes et des catholiques. Je crois toujours qu'on ne saurait réellement "servir" - au sens traditionnel de ce mot magnifique - qu'en gardant vis-à-vis de ce qu'on sert une indépendance de jugement absolue. C'est la règle des fidélités sans conformisme, c'est-à-dire des fidélités vivantes." Nous pouvons remercier ses parents d'avoir planté en lui cette confiance sereine en la Liberté lorsqu'elle est structurée par les mêmes valeurs qui ont contribué à faire émerger toute une civilisation. Car il y a un sens du passé, chez Bernanos, et non pas un sens "passéiste". La nuance, voyez-vous, est de taille. D'où des contradictions et des extravagances. Sa seule mesure, son unique modération est celle de Dieu. Tout ce qui s'inscrit en contre-sens de l'attente de la Présence n'est pas à considérer. Et pourtant, il lui faut vivre dans un temps qui préfère enivrer les esprits pour affaiblir les corps. Il lui faut traverser les morts de 14-18, puis le défaitisme de 39-45, les vociférations des traîtres de Vichy.
"J'ai fait la guerre de 1914, engagé volontaire, comme simple caporal, c'est-à-dire dans une familiarité et une fraternité quotidiennes avec mes camarades ouvriers et paysans. Ils ont achevé de me dégoûter pour toujours de l'esprit bourgeois. Ce n'est pas la misère ou l'ignorance du peuple qui m'attire, c'est sa noblesse. L'élite ouvrière française est la seule aristocratie qui nous reste, la seule que la bourgeoisie du XIX e et du XX e siècle n'ait pas encore réussi à avilir."
Voilà qui est définitivement terminé et Bernanos le pressens déjà il y a 60 ans lorsqu'il écrit "La France contre les robots".
La rébellion, chez Bernanos, est une vertu cardinale, une vertu chrétienne. Un chrétien soumis aveuglément aux fortes personnalités n'est qu'un idolâtre qui s'ignore. Ce qui a lassé bien des proches autour de lui quand il a rompu avec Maurras ou avec De Gaulle en gardant la tête haute. Si on peut trouver de fortes résonances entre Bernanos et Bloy, Clavel (me dit-on, que je n'ai pas lu) et Boutang (me dit-on de même, que je n'ai pas lu non plus), je me demande quelle est la postérité de cet écrivain ? Mes mises en parallèle entre Bernanos et Houellebecq (ici et là) ne sont pas une audace immodérée, il se trouve juste que je lis les deux livres en même temps, l'un de jour, l'autre le soir, et que je trouve saisissant que le premier prophétise et que le deuxième fasse vivre ses personnages dans l'angoisse et le vide prophétisés par le premier. En vérité, ce qui semble le grandir, c'est qu'il n'a pas d'authentiques postérité, quelques pâles imitateurs ou décortiqueurs de textes qui leurs font dire ce qui arrange. La récupération est une force évidente pour le colosse aux pieds d'argile qui nous mène au doigt et à l'oeil.
Bernanos marche contre le vent. Il tient tête à la bêtise et analyse les choses, les faits, les actes à leur racine. Polémiste, il extirpe du passé tout ce qui doit être montré au grand jour de notre temps pour nous en faire comprendre la signification. Romancier, il scrute les âmes et décharne les corps pour les rendre visibles selon des angles insoupçonnables. Dans les deux cas il est en dehors des sentiers, là où on ne l'attend pas, avec une humanité prégnante qui ne demande qu'à accoucher d'un avenir plus conforme à sa constitution. Choses oubliées sous le soleil de Satan. Les chemins ravinés sont difficiles d'emprunt, c'est une guerre que d'y avoir accès et d'en revenir pour dire ce qu'il y a à dire. Et c'en est une autre encore que de se faire entendre dans la tourmente qui est la nôtre depuis le début du XX e siècle. Gaëtan Picon a écrit un des premiers livres consacrés à l'écrivain en 1948, "Bernanos, L'impatiente Joie". Beau sous-titre. Il écrit : "A travers les redites et les négligences du texte, cependant, une voix perce, passe, magnifique, nous frappe en plein cœur. Le pathétique, l'éloquence naturelle de cette voix, nul ne les conteste. Mais quelques-uns s'étonnent de l'audience qu'elle rencontrait. Mais quelques-uns s'étonnent de l'audience qu'elle rencontrait. Car l'autorité de Bernanos excédait de beaucoup celle de la foi religieuse et politique dont il était le héraut. Que Bernanos fût écouté par ceux-là mêmes qui ne partageaient ni sa croyance en une rédemption surnaturelle ni sa nostalgie d'un passé traditionnel - qui l'ait été, parfois, par ceux-là plus que par les autres -, que sa parole, sans effort, se soit élevée à une sorte d'autorité élémentaire et universelle : voilà le mystère, voilà le scandale". Mystère et scandale, probablement pour Sartre et Beauvoir qui voyaient dans "Journal d'un curé de campagne" une oeuvre de première importance, une description au scalpel (comme l'aurait peut-être signalé Nietzsche) de notre funeste condition dont nous nous battons pour en maintenir une signification digne de ce nom. Gaëtan Picon écrivait, dans un autre livre, consacré à Nietzsche ("Nietzsche, la vérité de la vie intense") : "Définir la philosophie de Nietzsche par la liaison étroite qu'elle établit entre la connaissance et l'existence, par la corrélation qu'elle maintient d'un bout à l'autre entre la qualité de la pensée et la qualité de la vie, c'est sans doute l'atteindre dans sa tendance constitutive, rejoindre sa direction la plus personnelle. On peut définir la pensée de Nietzsche tout entière par la conception du jugement de valeur qu'elle inclut. Son originalité consiste à ne jamais dissocier le jugement de valeur du jugement de vérité. La valeur recouvre toujours un fait réel : une illusion ne peut jamais être la source d'une valeur. Et, puisque ne valent que les faits, seule la pensée exacte, respectueuse des faits, peut fonder une forme valable de l'existence. Chez Nietzsche, la vérité, que la théorie de la connaissance garantit, devient, dans la théorie de la culture et, plus largement, de l'existence, le principe des jugements de valeur." Le hasard m'a fait tomber sur ce passage et il suffit de remplacer le nom de Nietzsche par celui de Bernanos pour réaliser à quel point les deux hommes sont frères par-delà leurs différences. Mais le hasard existe-t-il ? Car Bernanos a bien compris qu'il y a des lanternes et qu'il y a des vessies, comme le philosophe allemand l'avait compris en son temps. Gaëtan Picon affirme à propos de Bernanos : "Dans chaque livre le voyageur qui toujours s'égare sur les routes nocturnes parmi les haies, les chênes tordus, les flaques ou l'on glisse (...) : et arrive ce moment où l'on tombe, où l'on croit mourir, pour se réveiller à la lueur d'une lanterne inconnue." Et Bernanos l'indique clairement dans "La France contre les robots", les clignotements faussement lumineux de la politique le dégoûtent, car une nouvelle tyrannie se prépare en laquelle se fonderont toutes les tyrannies pour, avec le masque de la douceur et de la mansuétude, venir nous câliner comme une putain. Jean-Luc Nancy dans "Le Sens du monde" (Galilée, 1993, p. 11) écrit : "Il y a, chez les femmes et chez les hommes de ce temps, une manière plutôt souveraine de perdre pied sans angoisse, et de marcher sur les eaux de la noyade du sens. Une manière de savoir, précisément, que la souveraineté n’est rien, qu’elle est ce rien dans lequel le sens, toujours, s’excède. Ce qui résiste à tout, et peut-être toujours, à toute époque, ce n’est pas un médiocre instinct d’espèce ou de survie, c’est ce sens-là." Car comment s'interdire, à la lecture de "La France contre les robots" de songer au "dernier homme" chez Nietzsche encore, qui cligne des yeux devant "la vache bariolée" sans plus se poser de question mâchant sobrement ce qu'on lui ordonne de mâcher et n'en parlons plus. A croire que l'homme a honte d'être un homme, que ce fait est un problème en soi, le premier qui soit. Gilles Deleuze et Félix Guattari écrivent dans "Qu’est-ce que la philosophie ?" : "La honte d’être un homme nous ne l’éprouvons pas seulement dans les situations extrêmes décrites par Primo Levi, mais dans des conditions insignifiantes, devant la bassesse et la vulgarité d’existence qui hante les démocraties, devant la propagation de ces modes d’existence et de pensée-pour-le-marché, devant les valeurs, les idéaux et les opinions de notre époque. L’ignominie des possibilités de vie qui nous sont offertes apparaît du dedans. Nous ne nous sentons pas hors de notre époque, au contraire nous ne cessons de passer avec elle des compromis honteux. Ce sentiment de honte est un des plus puissants motifs de la philosophie. Nous ne sommes pas responsables des victimes, mais devant les victimes. Et il n’y a pas d’autre moyen que de faire l’animal (grogner, fouir, ricaner, se convulser) pour échapper à l’ignoble : la pensée même est parfois plus proche d’un animal qui meurt que d’un homme vivant, même démocrate." Conformiste, docile et moutonnier, oisif de la pensée, voici pour Nietzsche comme pour Bernanos le terme d'un long processus de dégénérescence d'une humanité shootée aux narcotiques que sont les valeurs démocrassouillardes et chrétiennes et qui n'ont plus rien de démocratique et de chrétiennes si on y regarde de plus près. Comme l'écrit Gilbert Keith Chesterton, dans ce qui fut un Best Seller, "Orthodoxie" : "Le monde moderne est envahi de vieilles vertus chrétiennes devenues folles." Et cet homme régnant, ou plutôt qui ne règne sur rien, est l'homme le plus méprisable, celui qui s'est renié et, par là, qui a tout renié d'un revers de la main, malgré les charniers, malgré les guerres, malgré les massacres qui ne s'arrêtent jamais. Il n'aspire plus qu'à une paix de vache, dans son jolie prés carré, avec la protection de clôtures électriques et l'assurance de regarder passer les trains. Une vache et un puceron. Un bâtard de la nature qui se satisfait juste de n'être qu'un sur-singe en nettement moins amusant. Cheetah, au moins, sait nous amuser. Le "dernier homme" n'apporte que le dégoût, avec ses espoirs politiques, son troupeau unique, son esprit grégaire, soumis, domestiqué. Pauvre Bernanos. Pauvre Nietzsche. Leur appel, leur hurlement dans le désert, dessus le gouffre dont tout le monde se moque. Mais aucun des deux n'est dupe, la naïveté n'est pas leur for intérieur. Dans "Ainsi parlait Zarathoustra", Zarathoustra, justement, après avoir tenté d'enseigner le Surhomme au peuple et constatant son échec fait éclore sous les yeux de la plèbe la figure humaine la plus abjecte et la plus avilissante afin de déclencher en elle le désir d'un autre type d'être :
"Il est temps que l’homme se fixe à lui-même son but. Il est temps que l’homme plante le germe de sa plus haute espérance.
Maintenant son sol est encore assez riche. Mais ce sol un jour sera pauvre et stérile et aucun grand arbre ne pourra plus y croître.
Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne jettera plus par-dessus les hommes la flèche de son désir, où les cordes de son arc ne sauront plus vibrer !
Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos.
Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde. Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même.
Voici ! Je vous montre le dernier homme."
Et ne sachant plus se mépriser lui-même il se méprise effectivement plus que jamais. La foule rit de Zarathoustra et lui quémande :
"Fais de nous ces derniers hommes ! Et garde pour toi ton surhumain !"
Habité par cette "impatiente joie", Bernanos, malgré la tristesse qui le tenaille constamment, ne désarme pas, il veut garder confiance au moment où tout condamne sa confiance. Le monde techno-scientifique et économico-industriel dans lequel nous nous soumettons ne vise qu'une seule et unique chose : accroître l’autoproduction de l’humain, faire tomber le cash, vivre vite et mourir le plus tard possible, si possible avant la fin du monde. Demain les clones. L’homme ne se découvrant plus que dépendant que de lui-même (Dieu étant mort) est saisi d'angoisses, il bascule dans le nihilisme, espère trouver des idoles de replacement. Mais Dieu est seulement dans l’absence privative. Il mute. Le crépuscule des idoles est une promesse d'aurores nouvelles, sanglantes et factices. Le faux divin bien présent est en réalité une lourde et effroyable absence, sombre, menaçante et l'homme n'étant plus que l'ombre de lui-même quel refuge peut on choisir ? "L'homme est l' "abri" dont l'Être aurait lui-même besoin pour échapper à la détresse" écrit Heidegger. Mais le "dernier homme" n'est plus l'Homme en tant que tel, il en est un terrifiant amoindrissement. Et c'est de ce lieu de désolation où l'homme s'anéantit que surgira la rédemption, le lien avec ce qui importe vraiment, aussi il faut parler et dire l'essentiel acte de foi.
Tout comme Rembrandt introduit dans ses tableaux de cette Ténèbre et de cette Clarté qui ne sont pas de ce monde, l'Ombre et la Lumière de l'incompréhensible et impénétrable ontologie qui nous inquiète. "Le don magnifique de Bernanos, c'est de rendre le surnaturel naturel" écrit François Mauriac. Et Paul Claudel, dans la même veine mais plus précis : "Ce qui est beau, c'est ce sentiment fort du surnaturel, dans le sens non pas d'extranaturel mais du naturel à un degré éminent." Même dans un essai pamphlétaire comme "La France contre les robots" on sent bien en retrait, dans les interstices du labyrinthe, entre les lignes, la présence d'un souffle qui n'est pas de ce monde et que Bernanos parvient à rendre famillier, palpable. Car nous avons tous, à un moment ou à un autre, été ému par un instant unique, lorsque les conditions étaient réunies pour nous indiquer que cette place où nous nous trouvions n'était pas la nôtre. "J'écris pour me justifier" a dit Bernanos "aux yeux de l'enfant que je fus." Et aussi : "Rien ne m'a jamais poussé à écrire, sinon le besoin de retrouver le langage ancien." Et si le découragement peut saisir le lecteur lambda face à l'oeuvre qui semble sentir les vieilles nostalgies cléricales, il lui faudrait aller chercher plus loin, dépasser ses petites crispations qui exigent une lecture facile, n'est pas Dan Brown, Marc Lévy ou Lauren Weisberger qui veut. Dans "Journal d'un curé de campagne", le romancier a tenté de mettre à jour les croisements, les situations, les points d'achoppements si je puis dire, ces instants d'absolution, de rédemption où la vérité fondamentale, la vérité originelle rejoint l'heure ultime, l'instant de la fin. Dans "La France contre les robots", l'essayiste fait la même chose, en parcourant le suc de l'Histoire de France pour dire notre désastre actuel, au moment où tout semble fini, achevé et qui ne l'est point. L'Histoire, comme le lecteur, emprunte de tortueux chemins, aux abords des gouffres, pour cheminer vers une lumière possible, un Jardin d'oliviers, pour une transfiguration souhaitée. L'essayiste-pamphlétaire veut indiquer les symptômes, leurs maladives nervures qui se déploient de part en part de ce qui fut jadis la Création de Dieu et n'est plus que le souffreteux royaume du Diable. Le romancier s'efforce de sauver des âmes. Les larmes me sont venues à la lecture du "Journal d'un curé de campagne". Purge lacrymale. Il exige de ses lecteurs une capacité à mettre en cause le Salut de leur âme. Voilà. Le reste importe peu. Du reste, il ne souhaite pas être de la compagnie des gens de lettres. "Personne ne se voit moins que moi à travers la littérature. Personne n'a d'une équivoque hideuse une horreur plus vive..." Il est d'une autre interrogation, d'une respiration parallèle, et son interrogation est d'une telle force qu'elle parvient, selon le mot de Malraux dans sa préface au Journal, à révéler à l'agnostique cette part de divin qui habite en l'Homme, qu'il le veuille ou non. C'est un Sacerdoce, pour utiliser le langage qui convient, qui consiste à mettre à jour la Lumière et l'Ombre combinées, unies de l'enfance et de la mort, c'est la parole cédée aux Démons et au Christ qui s'affrontent et s'équilibrent, s'observent comme en un miroir les uns voyant l'autre et l'autre voyant ceux-là, comme l'avait, aussi, compris Bloy, dont ma découverte ne fait que commencer.
Dieu et Satan sont des révélateurs d'Ombres, ces lieux de perdition d'où surgit également la rédemption espérée, du sein de l'ambïguité et de l'indicible tâtonnement.
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20/02/2009
Houellebecq... Bernanos... Bernanos... Houellebecq...
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
Etonnant comme Houellebecq parvient à décrire la psychologie qui règne au sein des entreprises post-modernes, leur misère sexuelle, morale, intellectuelle, sentimentale, inutile de dire spirituelle.
« Les degrés de liberté selon J.-Y. Fréhaut
Ensuite, je retourne au siège de ma société. On m’y fait bon accueil ; j’ai, semble-t-il, réussi à rétablir ma position dans l’entreprise.
Mon chef de service me prend à part ; il me révèle l’importance de ce contrat. Il sait que je suis un garçon solide. Il a quelques mots, d’un réalisme amer, sur le vol de ma voiture. C’est une espèce de conversation entre hommes, près du distributeur automatique de boissons chaudes. Je discerne en lui un grand professionnel de la gestion des ressources humaines ; intérieurement, j’en roucoule. Il me paraît de plus en plus beau.
Plus tard dans l’après-midi, j’assisterai au pot de départ de Jean-Yves Fréhaut. C’est un élément de valeur qui s’éloigne de l’entreprise, souligne le chef de service ; un technicien de haut mérite. Sans doute connaîtra-t-il, dans sa future carrière, des succès au moins équivalents à ceux qui ont marqué la précédente ; c’est tout le mal qu’il lui souhaite. Et qu’il repasse, quand il voudra, boire le verre de l’amitié ! Un premier emploi, conclut-il d’un ton égrillard, c’est une chose qu’on a du mal à oublier ; un peu comme un premier amour. Je me demande à cet instant si lui-même n’a pas un peu trop bu.
Brefs applaudissements. Quelques mouvements se dessinent autour de J.-Y. Fréhaut ; il tourne lentement sur lui-même, l’air satisfait. Je connais un peu ce garçon ; nous sommes arrivés en même temps dans l’entreprise, il y a trois ans ; nous partagions le même bureau. Une fois, nous avions parlé civilisation. Il disait — et en un sens il le croyait vraiment que l’augmentation du flux d’informations à l’intérieur de la société était en soi une bonne chose. Que la liberté n’était rien d’autre que la possibilité d’établir des interconnexions variées entre individus, projets, organismes, services. Le maximum de liberté coïncidait selon lui avec le maximum de choix possibles. En une métaphore empruntée à la mécanique des solides, il appelait ces choix des degrés de liberté.
Nous étions je me souviens assis près de l’unité centrale. La climatisation émettait un léger bourdonnement. Il comparait en quelque sorte la société à un cerveau, et les individus à autant de cellules cérébrales, pour lesquelles il est en effet souhaitable d’établir un maximum d’interconnexions. Mais l’analogie s’arrêtait là. Car c’était un libéral, et il n’était guère partisan de ce qui est si nécessaire dans le cerveau : un projet d’unification.
Sa propre vie, je devais l’apprendre par la suite, était extrêmement fonctionnelle. Il habitait un studio dans le 15e arrondissement. Le chauffage était compris dans les charges. Il ne faisait guère qu’y dormir, car il travaillait en fait beaucoup — et souvent, en dehors des heures de travail, il lisait Micro-Systèmes. Les fameux degrés de liberté se résumaient, en ce qui le concerne, à choisir son dîner par Minitel (il était abonné à ce service, nouveau à l’époque, qui assurait une livraison de plats chauds à une heure extrêmement précise, et dans un délai relativement bref).
Le soir j’aimais à le voir composer son menu, utilisant le Minitel posé sur le coin gauche de son bureau. Je le taquinais sur les messageries roses ; mais en réalité je suis persuadé qu’il était vierge.
En un sens, il était heureux. Il se sentait, à juste titre, acteur de la révolution télématique. Il ressentait réellement chaque montée en puissance du pouvoir informatique, chaque pas en avant vers la mondialisation du réseau, comme une victoire personnelle. Il votait socialiste. Et, curieusement, il adorait Gauguin. »
J’en vois passer des comme ça à la pelle, cravatés et souriants, décisionnaires, impeccables et implacables, la tronche saturée de statistiques, de prévisions, d’analyses, de projets. Des robots à la file qui ne savent guère ce qu’est le silence, le repli, le recentrage, la respiration méditative, la jouissance de la lecture, je veux dire d’une lecture autre que celle du dernier best-seller en cours chié par la machine qu’ils servent sans ciller. Passons, passons, vite, en disant « bonjour », la pointeuse veille.
« C’est là un fait unique dans l’Histoire. Les civilisations qui ont précédé celle des Machines ont certainement été elles aussi, à bien des égards, la conséquence d’un certain nombre de transformations morales, sociales ou politiques ; mais d’abord ces transformations s’opéraient très lentement, et comme à l’intérieur d’un certain cadre immuable. L’homme pouvait bénéficier ainsi des expériences ultérieures, même s’il en avait pratiquement oublié les leçons. A chaque nouvelle crise, il retrouvait les réflexes de défense ou d’adaptation qui avaient, en des cas presque semblables, servi à ses aïeux. Lorsque la civilisation nouvelle était à point, l’homme destiné à y vivre était à point lui aussi, on pourrait presque dire qu’il s’était formé avant elle. Au lieu que la Civilisation des Machines a pris l’homme au dépourvu. Elle s’est servie d’un matériel humain qui n’était pas fait pour elle. La tragédie de l’Europe au XIXe siècle et d’abord, sans doute, la tragédie de la France, c’est précisément l’inadaptation de l’homme et du rythme de la vie qui ne se mesure plus au battement de son propre cœur, mais à la rotation vertigineuse des turbines, et qui d’ailleurs s’accélère sans cesse. L’homme du XIXe siècle ne s’est pas adapté à la civilisation des Machines et l’homme du XXe pas davantage. Que m’importe le ricanement des imbéciles ? J’irai plus loin, je dirai que cette adaptation me paraît de moins en moins possible. Car les machines ne s’arrêtent pas de tourner, elles tournent de plus en plus vite e l’homme moderne, même au prix de grimaces e de contorsions effroyables, ne réussit plus à garder l’équilibre. Pour moi, j’estime que l’expérience est faite. — « Quoi ? en un temps si court ? Deux siècles ? » — Oh ! pardon. Lorsqu’au début de quelque traitement un malade présente de fortes réactions qui vont diminuant peu à peu de gravité, il est permis de garder l’espoir d’une accoutumance plus ou moins tardive. Mais si les symptômes, loin de s’atténuer, se font de plus en plus inquiétants, au point de menacer la vie du patient, est-ce que vous trouverez convenable de poursuivre l’expérience, imbéciles ! Vous me répondrez qu’il ne faut pas perdre patience, que tout le mal vient de ce que les machines se sont perfectionnées trop vie pour que l’homme ait eu le temps de devenir meilleur et qu’il s’agit maintenant de combler ce retard. Une machine fait indifféremment le bien ou le mal. A une machine plus parfaite — c’est-à-dire de plus d’efficience — devrait correspondre une humanité plus raisonnable, plus humaine. La civilisation des Machines a-t-elle amélioré l’homme ? Ont-elles rendu l’homme plus humain ? Je pourrais me dispenser de répondre, mais il me semble cependant plus convenable de préciser ma pensée. Les machines n’ont, jusqu’ici du moins, probablement rien changé à la méchanceté foncière des hommes, mais elles ont exercé cette méchanceté, elles leur en ont révélé la puissance et que l’exercice de cette puissance n’avait, pour ainsi dire, pas de bornes. Car les limites qu’on a pu lui donner au cours des siècles sont principalement imaginaires, elles sont moins dans la conscience que dans l’imagination de l’homme. C’est le dégoût qui nous préserve souvent d’aller au delà d’une certaine cruauté — la lassitude, le dégoût, la honte, le fléchissement du système nerveux — et il nous arrive plus souvent que nous le pensons de donner à ce dégoût le nom de la pitié. L’entrainement permet de surmonter ce dégoût. Méfions-nous d’une pitié que Dieu n’a pas bénie, et qui n’est qu’un mouvement des entrailles. Les nerfs de l’homme ont leurs contradictions leurs faiblesses, mais la logique du mal est stricte comme l’Enfer ; le diable est le plus grand des Logiciens — ou peut-être, qui sait ? — la Logique même. Lorsque nous lisions, en 1920, par exemple, l’histoire de la guerre de 1870, nous nous étonnions de l’indignation soulevée alors dans le monde entier par l’inoffensif bombardement de Paris ou de Strasbourg, l’enlèvement des pendules et le fusillement de quelques francs-tireurs. Mais, en 1945, nous pourrions aussi bien sourire des articles enflammés parus trente ans plus tôt sur le bombardement de Reims ou la mort d’Edith Cavell. En 1950… à quoi bon ? Vous resterez bouche bée, imbéciles, devant des destructions encore inconcevables à l’instant où j’écris ces lignes, et vous direz exactement ce que vous dites aujourd’hui, vous lirez dans les journaux les mêmes slogans mis définitivement au point pour les gens de votre sorte, car la dernière catastrophe a comme cristallisé l’imbécile ; l’imbécile n’évoluera plus désormais, voilà ce que je pense ; nous sommes désormais en possession d’une certaine espèce d’imbécile capable de résister à toutes les catastrophes jusqu’à ce que cette malheureuse planète soit volatilisée, elle aussi, par quelque feu mystérieux dont le futur inventeur est probablement un enfant au maillot. »
La France contre les robots – Georges Bernanos
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Extension du domaine de la lutte dans la France des Robots
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Je lis La France contre les robots de Bernanos d’une part et Extension du domaine de la lutte de Houellebecq d’autre part. La résonance entre les deux livres existe. Elle est palpable. Ce que Bernanos pressent au lendemain de la seconde guerre mondiale se réalise de façon précise dans la jolie société que décrit Houellebecq désabusé et qui est la nôtre.
Et qui dit que Houellebecq n’a pas de style ou que c’est un mauvais écrivain soit ne sait pas lire, soit est crispé sur de vieilles certitudes esthétiques qui le laissent dans la pure macération réactionnaire. Amusant que certains réactionnaires ne soient pas touchés par la plume froide et clinique de cet écrivain qui n’épargne pas notre temps.
« Vous aussi, vous vous êtes intéressé au monde. C’était il y a longtemps ; je vous demande de vous en souvenir. Le domaine de la règle ne vous suffisait plus ; vous ne pouviez vivre plus longtemps dans le domaine de la règle ; aussi, vous avez dû entrer dans le domaine de la lutte. Je vous demande de vous reporter à ce moment précis. C’était il y a longtemps, n’est-ce pas ? Souvenez-vous : l’eau était froide.
Maintenant, vous êtes loin du bord : oh oui ! comme vous êtes loin du bord ! Vous avez longtemps cru à l’existence d’une autre rive ; tel n’est plus le cas. Vous continuez à nager pourtant, et chaque mouvement que vous faites vous rapproche de la noyade. Vous suffoquez, vos poumons vous brûlent. L’eau vous paraît de plus en plus froide, et surtout de plus en plus amère. Vous n’êtes plus tout jeune. Vous allez mourir, maintenant. Ce n’est rien. Je suis là. Je ne vous laisserai pas tomber. Continuez votre lecture.
Souvenez-vous, encore une fois, de votre entrée dans le domaine de la lutte.
[…]
Ce choix autobiographique n’en est pas réellement un : de toute façon, je n’ai pas d’autre issue. Si je n’écris pas ce que j’ai vu je souffrirai autant — et peut-être un peu plus. Un peu seulement, j’y insiste. L’écriture ne soulage guère. Elle retrace, elle délimite. Elle introduit un soupçon de cohérence, l’idée d’un réalisme. On patauge toujours dans un brouillard sanglant, mail il y a quelques repères. Le chaos n’est plus qu’à quelques mètres. Faible succès, en vérité. Quel contraste avec le pouvoir absolu, miraculeux, de la lecture ! Une vie entière à lire aurait comblé mes vœux ; je le savais déjà à sept ans. La texture du monde est douloureuse, inadéquate ; elle ne me paraît pas modifiable. Vraiment, je crois qu’une vie entière à lire m’aurait mieux convenu.
Une telle vie ne m’a pas été donnée.
[…]
Mon propos n’est pas de vous enchanter par de subtiles notations psychologiques. Je n’ambitionne pas de vous arracher des applaudissements par ma finesse et mon humour. Il est des auteurs qui font servir leur talent à la description délicate de différents états d’âme, traits de caractères, etc. On ne me comptera pas parmi ceux-là. Toute cette accumulation de détails réalistes, censés camper des personnages nettement différenciés, m’est toujours apparue, je m’excuse de le dire, comme pure foutaise. Daniel qui est l’ami d’Hervé, mais qui éprouve certaines réticences à l’égard de Gérard. Le fantasme de Paul qui s’incarne en Virginie, le voyage à Venise de ma cousine… on y passerait des heures. Autant observer les homards qui se marchent dessus dans un bocal (il suffit, pour cela, d’aller dans un restaurant de poissons). Du reste, je fréquente peu les êtres humains.
Pour atteindre le but, autrement philosophique, que je me suppose, il me faudra au contraire élaguer. Simplifier. Détruire un par un une foule de détails. J’y serai d’ailleurs aidé par le simple jeu du mouvement historique. Sous nos yeux, le monde s’uniformise ; les moyens de télécommunication progressent ; l’intérieur des appartements s’enrichit de nouveaux équipements. Les relations humaines deviennent progressivement impossibles, ce qui réduit d’autant la quantité d’anecdotes dont se compose une vie. Et peu à peu le visage de la mort apparaît, dans toute sa splendeur. Le troisième millénaire s’annonce bien. »
Et ces deux pages pleines d'humour...
« Bernard, oh Bernard
Le lundi suivant, en retournant à mon travail, j’appris que ma société venait de vendre un progiciel au ministère de l’Agriculture, et que j’avais été choisi pour assurer la formation. Ceci me fut annoncé par Henry La Brette (il tient beaucoup au y, ainsi qu’à la séparation en deux mots). Âgé comme moi de trente ans, Henry La Brette est mon supérieur hiérarchique direct ; nos relations en général sont empreintes d’une sourde hostilité. Ainsi il m’a d’emblée indiqué, comme s’il se faisait une joie personnelle de me contrarier, que ce contrat nécessiterait plusieurs déplacements : à Rouen, à La Roche-sur-Yon, je ne sais où encore. Ces déplacements ont toujours représenté pour moi un cauchemar ; Henry La Brette le sait. J’aurais pu rétorquer : « Eh bien, je démissionne » ; mais je ne l’ai pas fait.
Bien avant que le mot ne soit à la mode, ma société a développé une authentique culture d’entreprise (création d’un logo, distribution de sweat-shirts aux salariés, séminaires de motivation en Turquie). C’est une entreprise performante, jouissant d’une réputation enviable dans sa partie ; à tous points de vue, une bonne boîte. Je ne peux pas démissionner sur un coup de tête, on le comprend.
Il est dix heures du matin. Je suis assis dans un bureau blanc et calme, en face d’un type légèrement plus jeune que moi, qui vient de rejoindre l’entreprise. Je crois qu’il s’appelle Bernard. Sa médiocrité est éprouvante. Il n’arrête pas de parler de fric et de placements : les SICAV, les obligations françaises, les plans d’épargne-logement… tout y passe. Il compte sur un taux d’augmentation légèrement supérieur à l’inflation. Il me fatigue un peu ; je n’arrive pas vraiment à lui répondre. Sa moustache bouge.
Quand il sort du bureau, le silence retombe. Nous travaillons dans un quartier complètement dévasté, évoquant vaguement la surface lunaire. C’est quelque part dans le treizième arrondissement. Quand on arrive en bus, on se croirait vraiment au sortir d’une troisième guerre mondiale. Pas du tout, c’est juste un plan d’urbanisme.
Nos fenêtres donnent sur un terrain vague, pratiquement à perte de vue, boueux, hérissé de palissades. Quelques carcasses d’immeubles. Des grues immobiles. L’ambiance est calme et froide.
Bernard revient. Pour égayer l’atmosphère, je lui raconte que ça sent mauvais dans mon immeuble. En général les gens aiment bien ces histoires de puanteur, je l’ai remarqué ; et c’est vrai ce matin en descendant l’escalier j’ai vraiment perçu une odeur pestilentielle. Que fait donc la femme de ménage, d’habitude si active ?
Il dit : « ça doit être un rat crevé, quelque part. » la perspective, on ne sait pourquoi, semble l’amuser. Sa moustache bouge légèrement.
Pauvre Bernard, dans un sens. Qu’est-ce qu’il peut bien faire de sa vie ? Acheter des disques laser à la FNAC ? Un type comme lui devrait avoir des enfants ; s’il avait des enfants, on pourrait espérer qu’il finisse par sortir quelque chose de ce grouillement de petits Bernards. Mais non, il n’est même pas marié. Fruit sec.
Au fond il n’est pas tellement à plaindre, ce bon Bernard, ce cher Bernard. Je pense même qu’il est heureux dans la mesure qui lui est impartie, bien sûr ; dans sa mesure de Bernard. »
Extension du domaine de la lutte – Michel Houellebecq
Incisif, cruel et rieur.
Bernanos, désabusé également, au sortir de la seconde guerre mondiale, qui fut une guerre éclair, une guerre mécanique sans précédent, totale, voulant précipiter l’humanité vers une manœuvre éternelle dans une soumission absolue et fanatique et trouvant son macabre exutoire dans l’insondable abîme de la Shoah et la première explosion atomique, l’ancien Camelot du Roy assiste à la mise en jachère de l’esprit, à la disparition progressive de l’être au profit de l’avoir, à la soumission mécanique, programmée de l’homme au golem machinique.
« La liberté ne sera pas sauvée par les institutions, elle ne sera pas sauvée par la guerre. Quiconque observe les évènements, a très bien compris que la guerre continue de déplacer les questions sans les résoudre. Son explosion a détruit l’équilibre des dictatures, mais on peut craindre qu’elles ne se regroupent entre elles, sous d’autres noms, pour un nouveau système d’équilibre plus stable que l’ancien, car s’il réussissait à se constituer, les faibles n’auraient plus rien à espérer de la rivalité des forts. Une Paix injuste régnerait sur un monde si totalement épuisé qu’elle y aurait les apparences de l’ordre. »
« Ils s’efforcent, ils se hâtent de nous faire rentrer dans le jeu — c’est-à-dire dans le jeu politique traditionnel dont ils connaissent toutes les ressources, et où ils se croient sûrs de l’emporter tôt ou tard, calculant les atouts qui leur restent et ceux que nous avons perdus. Il est très possible que cette manœuvre retarde un assez long temps les événements que j’annonce. Il est très possible que nous rentrions dans une nouvelle période d’apaisement, de recueillement, de travail, en faveur de laquelle sera remis à contribution le ridicule vocabulaire, à la fois cynique et sentimental, de Vichy. Il y a beaucoup de manières, en effet, d’accepter le risque de la grandeur, il n’y en a malheureusement qu’une de le refuser. Mais qu’importe ! Les événements que j’annonce peuvent être retardés sans dommage. Nous devons même prévoir avec beaucoup de calme un nouveau déplacement de cette masse informe, de ce poids mort, que fut la Révolution prétendue nationale de Vichy. Les forces révolutionnaires n’en continueront pas moins à s’accumuler, comme les gaz dans le cylindre, sous une pression considérable. Leur détente, au moment de la déflagration, sera énorme. »
« Les régimes jadis opposés par l’idéologie sont maintenant étroitement unis par la technique. »
« Un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté. »
« Qu’il s’intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s’est fondé sur une certaine conception de l’homme, commune aux économistes anglais du XVIIIe siècle, comme à Marx ou à Lénine. On a dit parfois de l’homme qu’il était un animal religieux. Le système l’a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l’esclave mais l’objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s’en affranchir, puisqu’il ne connaît d’autre mobile certain que l’intérêt, le profit. Rivé à lui-même par l’égoïsme, l’individu n’apparaît plus que comme une quantité négligeable, soumise à la loi des grands nombres ; on ne saurait prétendre l’employer que par masses, grâce à la connaissance des lois qui le refissent. Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain. »
« Cette conception, je le répète, est à la base de tout le système, et elle a énormément facilité l’établissement du régime en justifiant les hideux profits de ses premiers bénéficiaires. Il y a cent cinquante ans, tous ces marchands de coton de Manchester — Mecque du capitalisme universel — qui faisaient travailler dans leur usines, seize heures par jour, des enfants de douze ans que les contremaîtres devaient, la nuit venue, tenir éveillés à coups de baguettes, couchaient tout de même avec la Bible sous leur oreiller. Lorsqu’il leur arrivait de penser à ces milliers de misérables que la spéculation sur les salaires condamnait à une mort lente et sûre, ils se disaient qu’on ne peut rien contre les lois du déterminisme économique voulues par la Sainte Providence, et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches… Les marchands de coton de Manchester sont morts depuis longtemps, mais le monde moderne ne peut les renier, car ils l’ont engendré matériellement et spirituellement, ils l’ont engendré au Réalisme — dans le sens où saint Paul écrit à son disciple Timothée qu’il l’a engendré dans la grâce. »
La France contre les robots – Georges Bernanos
Et si vous pensez que Bernanos, catholique, se tourne vers la tradition pur jus qui marine dans son eau croupie, vous vous trompez. Voilà ce que Bernanos le chrétien pense des catholiques bien traditionalistes dont il a croisé la criminelle bêtise lors de la guerre d’Espagne et qui continuent à faire de dangereux émules encore de nos jours :
« L’expérience de la vie m’a depuis convaincu que le fanatisme n’est chez eux que la marque de leur impuissance à rien croire, à rien croire d’un cœur simple et sincère, d’un cœur vil. Au lieu de demander à Dieu la foi qui leur manque, ils préfèrent se venger sur les incrédules des angoisses dont l’humble acceptation leur vaudrait le salut, et lorsqu’ils rêvent de voir rallumer les bûchers, c’est avec l’espoir d’y venir réchauffer leur tiédeur — cette tiédeur que le Seigneur vomit. »
Et il annonce le totalitarisme nouveau au sein duquel évoluent aujourd’hui les personnages de Houellebecq :
« Capitalistes, fascistes, marxistes, tous ces gens-là se ressemblent. Les uns nient la liberté, les autres font encore semblant d’y croire, mais, qu’ils y croient ou n’y croient pas, cela n’a malheureusement plus beaucoup d’importance, puisqu’ils ne savent plus s’en servir. Hélas ! le monde risque de perdre la liberté, de la perdre irréparablement, faute d’avoir perdu l’habitude de s’en servir… Je voudrais avoir un moment le contrôle de tous les postes de radio de la planète pour dire aux hommes : « Attention ! Prenez garde ! La Liberté est là, sur le bord de la route, mais vous passez devant elle sans tourner la tête ; personne ne reconnaît l’instrument sacré, les grandes orgues tour à tour furieuses ou tendres. On vous fait croire qu’elle sont hors d’usage. Ne le croyez pas ! Si vous frôliez seulement du bout des doigts le clavier magique, la voix sublime remplirait de nouveau la terre… Ah ! n’attendez pas trop longtemps, ne laissez pas trop longtemps la machine merveilleuse exposée au vent, à la pluie, à la risée des passants ! Mais, surtout, ne la confiez pas aux mécaniciens, aux techniciens, aux accordeurs, qui vous assurent qu’elle a besoin d’une mise au point, qu’ils vont la démonter. Ils la démonteront jusqu’à la dernière pièce et ils ne la remonteront jamais ! »
« Ils trouvent la liberté belle, ils l’aiment, mais ils sont toujours prêts à lui préférer la servitude qu’ils méprisent, exactement comme ils trompent leur femme avec des gourgandines. Le vice de la servitude va aussi profond dans l’homme que celui de la luxure, et peut-être que les deux ne font qu’un. Peut-être sont-ils une expression différente et conjointe de ce principe de désespoir qui porte l’homme à se dégrader, à s’avilir, comme pour se venger de lui-même, se venger de son âme immortelle. »
« Ceux qui voient dans la civilisation des Machines une étape normale de l’Humanité en marche vers son inéluctable destin devraient tout de même réfléchir au caractère suspect d’une civilisation qui semble bien n’avoir été sérieusement prévue ni désirée, qui s’est développée avec une rapidité si effrayante qu’elle fait moins penser à la croissance d’un être vivant qu’à l’évolution d’un cancer. »
« Pour nous guérir de nos vices, ou du moins pour nous aider à les combattre, la crainte de Dieu est moins puissante que celle du jugement de notre prochain, et, dans la société qui va naître, la cupidité ne fera rougir personne. »
Voilà, et toute la cohorte des hommes faussement libérés d’eux-mêmes participera à l’érection de cette jolie "République pacifique composée de commerçants".
« La seule Machine qui n’intéresse pas la Machine, c’est la Machine à dégoûter l’homme des Machines, c’est-à-dire d’une vie tout entière orientée par la notion de rendement, d’efficience et finalement de profit. »
« La paix venue vous recommencerez à vous féliciter du progrès mécanique. "Paris-Marseille en un quart d’heure, c’est formidable !" Car vos fils et vos filles peuvent crever : le grand problème à résoudre sera toujours de transporter vos viandes à la vitesse de l’éclair. Que fuyez-vous donc ainsi, imbéciles ? Hélas ! c’est vous que vous fuyez, vous-mêmes — chacun de vous se fuit soi-même, comme s’il espérait courir assez vite pour sortir enfin de sa gaine de peau… On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espère de vie intérieure. Hélas ! la liberté n’est pourtant qu’en vous, imbéciles ! »
« Mais la Machinerie est-elle une étape ou le symptôme d’une crise, d’une rupture d’équilibre, d’une défaillance des hautes facultés désintéressées de l’homme, au bénéfice de ses appétits ? Voilà une question que personne n’aime encore à se poser. »
« Or, je ne suis nullement "passéiste", je déteste toutes les espèces de bigoteries superstitieuses qui trahissent l’Esprit pour la Lettre. Il est vrai que j’aime profondément le passé, mais parce qu’il me permet de mieux comprendre le présent — de mieux le comprendre, c’est-à-dire de mieux l’aimer, de l’aimer plus utilement, de l’aimer en dépit de ses contradictions et de ses bêtises qui, vues à travers l’Histoire, ont presque toujours une signification émouvante, qui désarment la colère ou le mépris, nous animent d’une compassion fraternelle. Bref, j’aime le passé précisément pour ne pas être un "passéiste". je défie qu’on trouve dans mes livres aucune de ces écœurantes mièvreries sentimentales dont sont prodigues les dévots du "Bon Vieux Temps". Cette expression du Bon Vieux Temps est d’ailleurs une expression anglaise, elle répond parfaitement à une certaine niaiserie de ces insulaires qui s’attendrissent sur n’importe quelle relique, comme une poule couve indifféremment un œuf de poule, de dinde, de cane ou de casoar, à seule fin d’apaiser une certaine démangeaison qu’elle ressent dans le fondement. »
Profonde Joie, vraiment.
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19/02/2009
Comme une capitulation lente...
=--=Publié dans la Catégorie "Music..."=--=
Une seule chanson, « Goodnight tonight », par les Wings et on se sent vieux d’une longueur conséquente. La basse de Paul Mc Cartney me fait recevoir une trentaine d’années, d’un seul bloc, sur le coin de la gueule. D’un seul coup, la tronche en vrac. A croire qu’une part de moi-même, intime, cachée, que je ne considère même pas, n’a jamais quitté la fière adolescence, encore innocente et affamée de vivre, de conquérir, de donner l’assaut, de faire sonner l’attaque, assoiffée d’action, de marche enfiévrée et de mouvement, de frictions et de hasards lumineux. Vais-je vers mes 44 ans avec l’allégresse requise ?
Pour m’abandonner je me mets l’album de Tori Amos, « To Venus and Back » et je cherche en moi-même ce souffle perdu que la vie nous retire lentement mais surement. C’est comme un alcool sournois qui fait son travail dans nos bas-fonds, en secret, « une capitulation lente » aurait dit Jim Morrison.
04:05 Publié dans Music... | Lien permanent | Commentaires (1) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
18/02/2009
Corps Divin...
=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=
Mystère de l’incarnation. Vérité de l’homme pour Dieu. Vérité de Dieu pour l’homme. Fait unique. Couronnement du mystère d’Israël.
Ma luxation à la mâchoire, vieille de 29 années me fait souffrir. Je ne dis pas : « ma mâchoire a mal ». Je dis : « j’ai mal à la mâchoire ». Il nous faudrait nous en souvenir et nous pencher sur ce gouffre, car c’en est un.
1 Corinthiens 7
"7.1
Pour ce qui concerne les choses dont vous m'avez écrit, je pense qu'il est bon pour l'homme de ne point toucher de femme.
7.2
Toutefois, pour éviter l'impudicité, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari.
7.3
Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari.
7.4
La femme n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est le mari; et pareillement, le mari n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est la femme.
7.5
Ne vous privez point l'un de l'autre, si ce n'est d'un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence.
7.6
Je dis cela par condescendance, je n'en fais pas un ordre.
7.7
Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi; mais chacun tient de Dieu un don particulier, l'un d'une manière, l'autre d'une autre.
7.8
A ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu'il leur est bon de rester comme moi.
7.9
Mais s'ils manquent de continence, qu'ils se marient; car il vaut mieux se marier que de brûler.
7.10
A ceux qui sont mariés, j'ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare point de son mari
7.11
(si elle est séparée, qu'elle demeure sans se marier ou qu'elle se réconcilie avec son mari), et que le mari ne répudie point sa femme.
7.12
Aux autres, ce n'est pas le Seigneur, c'est moi qui dis: Si un frère a une femme non-croyante, et qu'elle consente à habiter avec lui, qu'il ne la répudie point ;
7.13
et si une femme a un mari non-croyant, et qu'il consente à habiter avec elle, qu'elle ne répudie point son mari.
7.14
Car le mari non-croyant est sanctifié par la femme, et la femme non-croyante est sanctifiée par le frère; autrement, vos enfants seraient impurs, tandis que maintenant ils sont saints.
7.15
Si le non-croyant se sépare, qu'il se sépare; le frère ou la sœur ne sont pas liés dans ces cas-là. Dieu nous a appelés à vivre en paix.
7.16
Car que sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari? Ou que sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ?
7.17
Seulement, que chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite, selon l'appel qu'il a reçu de Dieu. C'est ainsi que je l'ordonne dans toutes les Églises.
7.18
Quelqu'un a-t-il été appelé étant circoncis, qu'il demeure circoncis; quelqu'un a-t-il été appelé étant incirconcis, qu'il ne se fasse pas circoncire.
7.19
La circoncision n'est rien, et l'incirconcision n'est rien, mais l'observation des commandements de Dieu est tout.
7.20
Que chacun demeure dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé.
7.21
As-tu été appelé étant esclave, ne t'en inquiète pas; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt.
7.22
Car l'esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même, l'homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ.
7.23
Vous avez été rachetés à un grand prix; ne devenez pas esclaves des hommes.
7.24
Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé.
7.25
Pour ce qui est des vierges, je n'ai point d'ordre du Seigneur; mais je donne un avis, comme ayant reçu du Seigneur miséricorde pour être fidèle.
7.26
Voici donc ce que j'estime bon, à cause des temps difficiles qui s'approchent: il est bon à un homme d'être ainsi.
7.27
Es-tu lié à une femme, ne cherche pas à rompre ce lien; n'es-tu pas lié à une femme, ne cherche pas une femme.
7.28
Si tu t'es marié, tu n'as point péché; et si la vierge s'est mariée, elle n'a point péché; mais ces personnes auront des tribulations dans la chair, et je voudrais vous les épargner.
7.29
Voici ce que je dis, frères, c'est que le temps est court; que désormais ceux qui ont des femmes soient comme n'en ayant pas,
7.30
ceux qui pleurent comme ne pleurant pas, ceux qui se réjouissent comme ne se réjouissant pas, ceux qui achètent comme ne possédant pas,
7.31
et ceux qui usent du monde comme n'en usant pas, car la figure de ce monde passe.
7.32
Or, je voudrais que vous fussiez sans inquiétude. Celui qui n'est pas marié s'inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur ;
7.33
et celui qui est marié s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme.
7.34
Il y a de même une différence entre la femme et la vierge: celle qui n'est pas mariée s'inquiète des choses du Seigneur, afin d'être sainte de corps et d'esprit; et celle qui est mariée s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à son mari.
7.35
Je dis cela dans votre intérêt; ce n'est pas pour vous prendre au piège, c'est pour vous porter à ce qui est bienséant et propre à vous attacher au Seigneur sans distraction.
7.36
Si quelqu'un regarde comme déshonorant pour sa fille de dépasser l'âge nubile, et comme nécessaire de la marier, qu'il fasse ce qu'il veut, il ne pèche point ; qu'on se marie.
7.37
Mais celui qui a pris une ferme résolution, sans contrainte et avec l'exercice de sa propre volonté, et qui a décidé en son cœur de garder sa fille vierge, celui-là fait bien.
7.38
Ainsi, celui qui marie sa fille fait bien, et celui qui ne la marie pas fait mieux.
7.39
Une femme est liée aussi longtemps que son mari est vivant; mais si le mari meurt, elle est libre de se marier à qui elle veut; seulement, que ce soit dans le Seigneur.
7.40
Elle est plus heureuse, néanmoins, si elle demeure comme elle est, suivant mon avis. Et moi aussi, je crois avoir l'Esprit de Dieu."
Beaucoup de musulmans affirment que le corps est nié par les chrétiens. Après cette lecture où Paul distingue nettement les commandements d’en haut de ses conseils à lui, le corps est encadré par des règles strictes, mais néanmoins souples qui ne condamnent pas la jouissance et les plaisirs, ceux-ci cependant ne doivent pas devenir objets du seul désir, but et cible qui nous déraient manquer la vraie cible ! Manquer la cible, étymologie de « pécher ». « Car le corps est pour Dieu, mais Dieu est pour le corps ».
Et Jésus, né Juif, fut bel et bien une incarnation.
Proverbes, chapitre 5, versets 15 à 20
"Bois l'eau de ta citerne, les ruisseaux qui sortent de ton puits.
Que tes sources se répandent au dehors, que tes ruisseaux coulent sur les places publiques !
Qu'ils soient pour toi seul, et non pour des étrangers avec toi !
Que ta source soit bénie, et mets ta joie dans la femme de ta jeunesse.
Biche charmante, gracieuse gazelle, que ses charmes t'enivrent en tout temps, sois toujours épris de son amour !
Pourquoi, mon fils, t'éprendrais-tu d'une étrangère, et embrasserais-tu le sein d'une inconnue ?"
Ici le ciel est bas, les nuages sont sombres. Il me faut ma vallée d’illusions à moi pour me tirer de l’autre illusion, ennuyeuse, qu’on veut me faire avaler. Ô ma folie qui est mienne, ultime recours. La haine, purulente, est partout. La macération est visible, surtout derrière les sourires. Mais dans les yeux de mon épouse je vois les portes dérobées, les plaines verdoyantes, un ciel bleu cristal après des pluies tièdes fécondantes, un vent chaud, ô matrice qui révèle. La Royauté, Malkouth, sefira du 10e degré de l’arbre des sefiroth est féminine. C’est la femme qui nous couronne.
On se construit dans l’amour mais on se maintient dans une respectueuse distance. Trop d’amour tue l’amour. Une bonne distance l’alimente. C’est par un mariage réussi qu’on s’accomplit. L’union de la paix. Shalom. Mariage du feu et de l’eau. Oh, il y a eu des guerres, des champs de batailles, bestialités diverses. Anatomie de l’enfer. Gangue d’acier rouillé et acier liquide chauffé à blanc coulant comme un magma à perte de vue. Nos corps ont traversé des lieux avides de nos chairs, avides de nos âmes. Nous sommes vivants.
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16/02/2009
Me déboiteras-tu ma hanche ?
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Dieu, toi-même, si tu es bon médecin, lave-moi de mon simulacre, nettoie mes plaies, redresse ma colonne vertébrale, fais-moi sain, à défaut d’être saint, pour que je puisse m’abimer dans une douce prière et célébrer le simple fait d’être au monde, ce que je suis dans la joie. Ni puissance, ni richesse, ni gloire. Rien de tout cela ne me taraude. S’il y a une puissance c’est la tienne, s’il y a une richesse c’est ta parole, s’il y a une gloire c’est celle de ta puissance et de ta parole. Moi que suis-je ? un souffle lointain imperceptible dans la masse dont la voix veut se frayer un passage vers ton oreille gracieuse. Je m’y prends mal. Je piétine dans ma boue. Je les admire les croyants confirmés, munis du certificat des béatitudes, qui affirmés dans leurs mots s’affirment dans leur chair (qu’ils nient d’ailleurs, très souvent) et tancent avec un dédain mortuaire le singe que je suis. Je ne crois pas en toi. Je crois en toi. Je me mesure à mon dilemme. Je me bats. Me déboiteras-tu ma hanche ?
Christ prend pitié de nous !
Christ prend pitié de nous !
Christ prend pitié de nous !
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LE LIEU DE LA RELATION
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Sur le chemin on sème nos futures récoltes. Voie claire ou voie sinueuse, inconsciente plénitude. Beaucoup préfèrent se joindre à la parade, bariolée, festive, agitée, sûr d’elle-même. Route large remplie de vide. Faux bonheur. A contre-sens, étroit est le chemin qui évite les iniquités, fait aspirer au calme, fait désirer le point central, LE LIEU DE LA RELATION.
14:10 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le Lieu
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Le rêve de tout écrivain : se trouver dans cet espace et ce temps singulier qui transcende tous les espaces et tous les temps en étant, pleinement, de son espace et de son temps pour dire, juste dire, le poids, la charge et donner la joie du délestage.
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