21/01/2007
Le Sexe des mots
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"Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges. Le français achèvera de se décomposer dans l'illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots. La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu'il n'existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l'allemand. D'où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n'a rien à voir avec le sexe de la personne qu'ils concernent, laquelle peut être un homme. Homme, d'ailleurs, s'emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l'espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d'une incompétence qui condamne à l'embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille. De sexe féminin, il lui arrive d'être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l'homme aux hommes ? Absurde ! Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.
Certains mots sont précédés d'articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu'à l'autre. On dit: «Madame de Sévigné est un grand écrivain» et «Rémy de Gourmont est une plume brillante». On dit le garde des Sceaux, même quand c'est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme. Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d'un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n'est qu'une banale faute d'accord.
Certains substantifs se féminisent tout naturellement : une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d'Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l'esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l'antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c'est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c'est un homme.
L'usage est le maître suprême. Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu'accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l'opportunisme des politiques.
L'Etat n'a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire. Il tombe en outre dans l'abus de pouvoir quand il utilise l'école publique pour imposer ses oukases langagiers à tout une jeunesse.
J'ai entendu objecter: «Vaugelas, au XVIIe siècle, n'a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française?». Certes. Mais Vaugelas n'était pas ministre. Ce n'était qu'un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n'avait pas les moyens d'imposer ses lubies aux enfants. Il n'était pas Richelieu, lequel n'a jamais tranché personnellement de questions de langues. Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d'abord à ce qu'on l'enseigne en classe, ensuite à ce que l'audiovisuel public, placé sous sa coupe, n'accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants.
La société française a progressé vers l'égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique. Les coupables de cette honte croient s'amnistier (ils en ont l'habitude) en torturant la grammaire.
Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique : faire avancer le féminin faute d'avoir fait avancer les femmes."
Jean François Revel
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13/01/2007
Toi et la Mort
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« En premier, c’est toi que j’aime, et la mort en second,
car elle m’aime plus que toi quand tu n’es pas là.
Elle s’assied en face de moi,
aiguise sa faux.
Nous nous adressons plein de mots sages,
aussi sages que les derniers mots peuvent être.
Tiens, on frappe à la porte :
"C’est elle", dit la mort, "Alors je m’en vais."
"C’est ça", je lui dis, autrement distrait.
Ton sourire, découvrant à peine tes dents,
plus luisant que l’acier de la sinistre faux,
brille de mille éclats. Nous nous embrassons.
Nous nous roulons sur le plancher.
Ce craquement de planches,
comme si l’on brisait et quittait un cercueil,
c’est l’amour qui se relève et ne meurt pas. »
Visar Zhiti, Toi et la mort
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03/05/2006
Pourquoi plaindre toujours Prométhée et jamais le vautour ?
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« Pourquoi plaindre toujours Prométhée et jamais le vautour? L'acharnement de cet oiseau de proie, avec le foie pour seul plat de résistance, sa fidélité à la douleur d'autrui, ont pourtant quelque chose de troublant comme un amour. »
Natalie Clifford Barney, Nouvelles pensées de l'amazone
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13/01/2006
Absente je te parle...
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« "Te loquor absentem".
Absente je te parle.
C'est toi, unique, que ma voix nomme derrière tout ce que je désigne.
Aucune nuit ne monte sans toi.
Aucun jour ne s'élève. »
Pascal Quignard, Les Ombres errantes
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Adonis : Visage
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« J’ai habité le visage d’une femme
Qui habite une vague
jetée par le flux contre un rivage
Au port perdu parmi ses coquillages
J’ai habité le visage d’une femme
qui me fait mourir
Phare éteint, elle veut rester
dans mon sang qui navigue
Jusqu’aux confins du délire »
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04/11/2005
Tout nous ment et nous sépare...
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« Terreur de t’aimer en ce lieu si fragile qu’est le monde.
Souffrance de t’aimer sur cette terre d’imperfection
Où tout casse et tout nous rend muets
Où tout nous ment et nous sépare. »
Sophia de Mello Breyner Andresen, Corail
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01/11/2005
Chanson du miroir déserté
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« Où es-tu toi dans moi qui bouges
Toi qui flambes dans moi soudain
Et ce mouvement de ta main
Pour mettre à tes lèvres du rouge
Où es-tu plaisir de ma nuit
Ma fugitive passagère
Ma reine aux cheveux de fougère
Avec tes yeux couleur de pluie
J’attends la minute où tu passes
Comme la terre le printemps
Et l’eau dormante de l’étang
La rame glissant sur sa face
Dans mon cadre profond et sombre
Je t’offre mes grands secrets
Approche-toi plus près plus près
Pour occuper toute mon ombre
Envahis-moi comme une armée
Prends mes plaines prends mes collines
Les parcs les palais les salines
Les soirs les songes les fumées
Montre-moi comme tu es belle
Autant qu’un meurtre et qu’un complot
Mieux que la bouche formant l’o
Plus qu’un peuple qui se rebelle
Sur les marais comme à l’affût
Un passage de sauvagines
Et battant ce que j’imagine
Anéantis ce que tu fus
Reviens visage à mon visage
Mets droit tes grands yeux dans tes yeux
Rends-moi les nuages des cieux
Rends-moi la vue et tes mirages »
Louis Aragon, Chanson du miroir déserté in Elsa
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11/10/2005
L'Attente
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« Avant que ne sonne l’impatient timbre
Et que l’on ouvre la porte et que tu entres, ô toi
Qu’attend mon anxieux désir, l’univers est tenu
D’avoir exécuté une infinie
Série d’actes concrets. Personne ne peut
Compter ce vertige, le chiffre
Des choses que multiplient les miroirs,
Des ombres qui s’allongent et régressent,
Des pas qui divergent et convergent.
Le sable ne saurait les dénombrer.
(Dans ma poitrine, l’horloge de sang mesure
Le redoutable temps de l’attente.)
Avant que tu n’arrives,
Un moine est tenu de rêver d’une ancre,
Un tigre est tenu de mourir à Sumatra,
Neuf hommes sont tenus de mourir à Bornéo. »
Jorge Luis Borges, L'attente
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01/10/2005
Laisse-moi
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« Non, laisse-moi, je t’en supplie ;
En vain, si jeune et si jolie,
Tu voudrais ranimer mon coeur :
Ne vois-tu pas, à ma tristesse,
Que mon front pâle et sans jeunesse
Ne doit plus sourire au bonheur ?
Quand l’hiver aux froides haleines
Des fleurs qui brillent dans nos plaines
Glace le sein épanoui,
Qui peut rendre à la feuille morte
Ses parfums que la brise emporte
Et son éclat évanoui !
Oh ! si je t’avais rencontrée
Alors que mon âme enivrée
Palpitait de vie et d’amours,
Avec quel transport, quel délire
J’aurais accueilli ton sourire
Dont le charme eût nourri mes jours.
Mais à présent, Ô jeune fille !
Ton regard, c’est l’astre qui brille
Aux yeux troublés des matelots,
Dont la barque en proie au naufrage,
A l’instant où cesse l’orage
Se brise et s’enfuit sous les flots.
Non, laisse-moi, je t’en supplie ;
En vain, si jeune et si jolie,
Tu voudrais ranimer mon coeur :
Sur ce front pâle et sans jeunesse
Ne vois-tu pas que la tristesse
A banni l’espoir du bonheur ? »
Gérard de Nerval, Laisse-moi
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04/09/2005
N'y crois pas !
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« L'amour est charmant, pur, et mortel. N'y crois pas !
Tel l'enfant, par un fleuve attiré pas à pas,
S'y mire, s'y lave et s'y noie. »
Victor Hugo, Les voix Intérieures
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