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13/06/2008

Cohorte

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Parfois, comme ce jour, me reviennent ces lointains souvenirs, telle une cohorte bariolée et sanglante, un défilé de fantômes, mes frères passés d’un instant perdu dans les limbes de la destruction, avec lesquels j’ai partagé des dérives creuses, des naufrages plein des rêves éteints, des espoirs futiles. Stéphane M., Guy D., Kiki (guitariste prometteur), Gauge, Gros Bob, Tifton, Titi (batteur de métal redoutable), Pupuce, Mingo, Milo, David B., Jean-Michel D. (guitariste avec moi au sein d’un groupe de hard rock pendant six mois), et tous ceux que j’ai oubliés qui m’apparaissent, parfois, subreptissement, malgré moi, sans que je saches pourquoi, et, enfin, tous ceux dont j’ai oublié le nom mais dont les visages sont restés gravés sur le celluloïde de ma mémoire. Une bande de pirates nocturnes, d’agités du bocal, de « dingues et de paumés », de déglingués de la vie. Toujours dans des piaules sordides, sombres et sales, humides, puantes et enfumées. Fournaise de joints et aiguilles semeuses d’éclairs. Pilules et buvards. Acides de toutes sortes. Alcools qui rendent fou. Et même tout en même temps. Tous sont morts. Overdose, Sida. La déchéance spectaculaire projetée sur nos écrans argentés étalée dans nos médias vampires ne présente au grand public que la partie visible de l’iceberg de la souffrance. Comment ai-je fait pour survivre à cette longue chute de deux longues années ? 1983-1985. Est-ce ma bonne étoile ? Dieu existe-t-il ? Ai-je été touché par une grâce céleste ? Couché sur des matelas aux tâches douteuses, de sang, de foutre, de sueur et d’urine, tandis que mes compagnons d’infortune refaisaient le monde guère mieux que des piliers de comptoirs, c’est-à-dire capables de s’enterrer dans les plus sordides certitudes avant de briller quelques instants en se surprenant eux-mêmes, moi, de corps présent mais d’âme absente et alors que mes yeux les fixant leur signifiaient mon accord de principe, mon regard, en vérité, basculait progressivement vers les territoires intérieurs où, en secret silence, je radiographiais mes cellules, mes neurones, mon système lymphatique et musculaire, équarrissais mon âme que je suspendais aux crocs de ma boucherie interne. Géographe de mes viscères, de mon foie, de mon cœur, de mes poumons, de ma bite accrochée à mes bijoux de famille. Cartographe de ma colonne. Explorateur de ma moelle. Curieusement je n’ai pas désintégré mon esprit. Mon âme vivante. Je n’ai pas anesthésié mes énergies dans cette longue et éblouissante liturgie personnelle. Hallucinante théologie. Cosmogonie écarlate. Quel outrage que cette comète qui fut la mienne. Six heures du matin, quatorze heures : sommeil profond. Après-midi entières passées à la bibliothèque à lire comme un pèlerin possédé par le Verbe. En début de soirée un unique repas de la journée : des pâtes et des œufs au plat. Ma mère me faisant la guerre ne faisait plus aucune course. Les meubles de la cuisine étaient désespérément vides mais je me débrouillais. Il y a prescription. À partir de 20h, la nuit une fois installée, je m’enfonçais dans la jungle des fièvres futuristes et antiques avec mes frères de défonce. À la maison vers 2 ou 3h du matin, j’écrivais jusqu’à ce que l’exorcisme et la catharsis réduisent mes forces à néant. Alors je sombrai comme un cadavre au fond de mes abysses. Mais au réveil je trouvais sur la table de ma chambre les feuilles et les cahiers dans lesquels gisaient des quartiers de viandes : mes mots concrets que je pouvais sentir, toucher, sucer, mâcher et même vomir jusqu’aux larmes. Bah ! Que les souvenirs demeurent mais que la chasse se poursuive.

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12/06/2008

Homme précaire

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« Combien d’œuvres avons-nous choisies, ou par combien d’œuvres avons-nous été choisis ? »
André Malraux, L’Homme précaire et la littérature

« L’Homme précaire » s’adonne, entre autres choses, à la littérature. Elle donne à chaque plume l’orientation adéquate correspondant à chaque caractère par une sorte de distanciation avec la Réalité afin de saisir le Réel. On se doit de s’emparer de cet Ordre qui est innommable, tel le saint tétragramme.
Ecrivant, je ne souhaite être le guide de personne, perdu que je suis sur mon propre chemin. Mais si mon lecteur pouvait user de ma modeste contribution en guise de boussole et de carte, j’en serai ravi. Car quel chemin prendre ? Je ne sais. Par contre, savoir les divergences, les contradictions des chemins ainsi que leurs nœuds aux carrefours et tendre à les résoudre est la seule manière pour demeurer sur et dans LA Voie. Correspondances. Ainsi, où que l’on aille, on sort de la brume de la noire forêt et on s’avance, éclairé par les éclairs de l’orage, vers le soleil du Grand Midi.

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11/06/2008

Réel

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Lorsque le Réel se donne à voir, il est explosif et transfigurant.

Souffrance, si je te murmure, c’est comme pour te mettre sous une roche, mais tôt ou tard tu te manifestes à nouveau et me délabres, me dévastes, comme une demeure offerte à un ouragan. Cyclone de l’Equateur, la jungle à même la mer, océan de l’inconscient scrutateur. Etuve de ma mémoire blessée, bordel de mes déraisons nocturnes. Trois heures du matin devant ma page qui exige sa pitance. Irina dort d’un sommeil profond. Les dalles de béton qui nous portent sont celles d’un caveau paisible. Une barre HLM parmi tant d’autres, perdues à l’horizontal dans leurs verticalités orgueilleuses. Le ciel tourne au-dessus de nous comme un malheur et une espérance. Nous sommes vivants.

« Le milieu physique où nous vivons nous tous ceux du Soleil, est le pus qui convient aux bactéries que nous sommes. »
Louis Scutenaire, Mes inscriptions. 1943-1944

Me frayer au milieu de tout ça par l’écriture, comme par un repli sur soi en même temps qu’une ouverture qui est intrusion. Le sens de LA Présence je le trouve en un Exil Absolu et l’encre de mes spasmes est un acide corrosif. Une fois l’impossibilité d’exister digérée on peut tout prendre et le mettre en abîme, c’est-à-dire chercher à voir ce qui tient la route et ce qui glisse et s’échappe comme des couleuvres. Je sais jouir dans la négativité, ma jeunesse en est la preuve, mes jours actuels aussi dans une certaine mesure c’est que je ne me dérobe pas à ce que décrit Louis Scutenaire.

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10/06/2008

Caravane

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« L’état de ce monde me révulse, m’indigne, me déchire, et c’est mieux que l’indifférence, mais rien ne sera changé si je n’entre pas dans la compassion. »
Christiane Singer, Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?

Mais nous aurons nos querelles, nos massacres, nos envolées festoyantes, nos râles ravalés jusqu’à la nausée ultime, jusqu’à ce que la terre transformée par nos soins en désert nous prenions la décision de former une caravane pour le traverser et partir à la recherche de LA Présence qui est, pourtant, à portée de main.

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Issues secrêtes

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Notre époque est paradoxale. Elle est lourde et rapide. Et elle est d’autant plus lourde et rapide qu’elle est violente dans l’abjection la plus totale. Les issues secrètes, dont je parlais hier, sont des expériences musicales intérieures. Notre époque est wagnérienne, pathologique, bruyante. L’issue secrète est mozartienne, un feu qui brûle mais ne consume pas, purifie.

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09/06/2008

La Glèbe en nous...

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L’Homme ne serait-il réduit qu’à n’être qu’une statistique, un chiffre binaire codé dans la Matrice qui l’a chié ?

« Les droits de l’homme ne nous feront pas bénir le capitalisme. Et il faut beaucoup d’innocence, ou de rouerie, à une philosophie de la communication qui prétend restaurer la société des amis ou même des sages en formant une opinion universelle comme « consensus » capable de moraliser les nations, les États et le marché. Les droits de l’homme ne disent rien sur les modes d’existence immanents de l’homme pourvu de droits. Et la honte d’être un homme, nous ne l’éprouvons pas seulement dans les situations extrêmes décrites par Primo Levi, mais dans des conditions insignifiantes, devant la bassesse et la vulgarité d’existence qui hantent les démocraties, devant la propagation de ces modes d’existence et de pensée-pour-le-marché, devant les valeurs, les idéaux et les opinions de notre époque. L’ignominie des possibilités de vie qui nous sont offertes apparaît du dedans. Nous ne nous sentons pas hors de notre époque, au contraire nous ne cessons de passer avec elles des compromis honteux. Ce sentiment de honte est un des plus puissants motifs de la philosophie. Nous ne sommes pas responsables des victimes, mais devant les victimes. Et il n’y a pas d’autre moyen que de faire l’animal (grogner, fouir, ricaner, se convulser) pour échapper à l’ignoble : la pensée même est parfois plus proche d’un animal qui meurt que d’un homme vivant, même démocrate. »
G. Deleuze, F. Guatari, Qu’est-ce que la philosophie ?

C’est l’enfer sur terre. « Tout ce qui est en haut est en bas. Tout ce qui est en bas est en haut. » dit la sapience des alchimistes. Et l’Enfer, ici-bas, est bien implanté : Ignorance revendiquée, répétition programmée, lourdeur inconsciente, esclavagisme du corps soumis au puritanisme ou à la jouissance orgiaque (ce qui est la même chose), mensonge généralisé, absence de sortie (« s’il y avait une sortie, je l’aurais trouvée » disait espièglement Emile Michel Cioran). Quelques issues secrètes ici et là, données aux pèlerins seuls, issues pleines de promesses paradisiaques. Car c’est un voyage que peu assument. Un souffle intérieur qui vient gonfler la voile et même immobile, le monde dans son intégralité vient tourner autour de nous, yeux clos et souriants, regard pur et attentif. Pleinement Homme, l’espace d’un brin d’éternité. Printemps ensoleillé dont nous voudrions faire passer la lumière à travers les murs de la Citadelle grise et sanglante de ces hommes binaires qui ont oublié leur glèbe en eux.

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04/06/2008

Clergé

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Je ne saurai dire avec précision, pris de court, pour quelle raison précise j’écris toutes ces lignes. Je pourrais, bien sûr, en me penchant sur la question élaborer une suite de réponses diverses fusionnées en une sorte de réponse générale unique et étayer mes propos par des allusions à la purge, à l’angoisse existentielle et métaphysique, à la volonté de poser des questions et de tenter des percées par des réponses créatrices, progressivement, de valeurs nouvelles au fil des ans et des pages tracées dans la fièvre et la brume. Mais je sais que j’écris pour survivre et avoir suffisamment de forces pour m’aménager des instants de pure vie bienheureuse. J’écris, surtout, pour les bienheureux, la vérité est là. Les bienheureux inquiets. Ceux dont le front se plisse devant le précipice du cosmos, mais qui dansent de joyeuses prières face à lui. Poètes qui s’assument ou s’ignorent, musiciens sachant jouer et même, mieux, composer sur le clavier de l’Être, sur la guitare du Réel, sur la harpe de la Création qu’ils transcendent de leurs notes. J’écris, donc, pour les insoumis légers, les rebelles propices à la valse.

Les incultes pénétrés d’eux-mêmes, les sinistres mondains « people », les certains de leur merde, les assurés sentant la naphtaline, les pétitionnaires ambitieux, les politicards rayonnants, les éditeurs véreux, les journaleux à l’âme propre, les universitaires bilieux, les révolutionnaires bobos, les médiatiques cancéreux, les moralistes immoraux, les affairistes littéraires, les religieux sclérosés, les apocalyptiques de la haine de soi, les pétainistes masqués, les fascistoïdes populistes, les démocrassouillards humanitaristes, les rancuniers vengeurs, les sacraliseurs de la chair, les contempteurs du corps, les peine-à-jouir, les employés grisâtres, les déprimés contaminants, les militants de gôche et les militants de drouâte, les féministes couillues et les tapettes castrées, bref… tous les membres du clergé nihiliste : passez votre chemin. À moins que vous ayez pris la décision du risque de la métamorphose radicale, vous ne trouverez dans mes mots que vos propres marécages plutôt que mon haut soleil. Car c’est trop vous demander que d’apprendre à lire. Lire, à vos yeux, est une perte de temps. Lire, vous vous en passez à merveille. C’est votre force. Vous ne vous consacrez qu’à vos réseaux, votre domination ou votre soumission. Votre contrôle. Votre Golem abstrait, votre Big Brother virtuel tellement présent, comme le Diable. Vous aimez que ça fourmille, que ça s’agite, que ça sautille, dans la fureur, la violence ou la paix calculée, qui n’est pas moins violente. Un géant de fer et d’acier et de câbles de communication aux pieds d’argile, avec entre les jambes un petit pénis ridicule mais, juste en dessous, une chatte béante, puante et pondeuse de clones, pondeuses de bruit, pondeuse de mauvais livres, de pitoyables films, de tableaux insignifiants, de pensées obtuses, d’artifices sans culture, de mort. De mort vers laquelle nous devrions l’encourager à aller se dissoudre, ô Matrice purulente.

La solitude de l’écrivain, la solitude de l’artiste, est récupérée par la jolie société qui est la nôtre sur le mode de la sacralisation de sa souffrance. Mais peu sont ceux qui parviennent à en lire la profondeur, à en éprouver l’ardeur, à en mesurer le poids. Un poids qui est celui d’une croix. Les crucifixions emmerdent notre époque qui se rêve propre et bien portante (grand bien lui fasse), puritaine elle abhorre les purs. L’antisémitisme supposé d’un film magnifique comme La Passion de Mel Gibson n’a été mis en avant que pour masquer le vrai problème : le dégoût que la croix, en tant que telle, inspire : instrument de supplice et de rédemption non assumé.

Méfiance. Le nihilisme qui consiste aussi à nier l’instinct violent, l’agressivité dans la sphère clinique du politiquement correct qui nous sculpte et nous domine finira par entrainer une violence et une agressivité supérieures à tout ce qu’a vécu le Christ, ont écrit Sade, Bataille ou Artaud. Le clergé aime à organiser et entretenir avec une constance volontaire l’abandon de ses ouailles à la servilité ambiante, à l’angoisse et à la dépression, à l’incapacité de regarder la mort en face.

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03/06/2008

Le déplacement immobile du point

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« La première éjaculation d’un môme est le premier signe de la mort. »
Léo Ferré Benoît Misère

Je cherche encore le sens profond de ce lien intime entre Eros et Thanatos. Quand on jouis on meurt un peu, mais quand on meurt est-ce qu’on jouis ? Je cherche à voir ce qui m’inclut afin d’inclure ce qui m’inclut. Expérience Dantesque. Voir tout et me voir tel que je suis vu, avec cet éloignement, dans le tout. Le déplacement immobile du point. Je marche pieds nus le long du rebord de mes phrases.

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Etuve...

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Tenir le cap, garder l’œil sur l’étoile, au milieu de ces métamorphoses. S’il faut mentir : mentir adroitement. Je me suis rasé la barbe et ayant vu le visage qui a émergé dans le miroir j’ai eu du mal à lui conférer un sens. Systématiquement, de me regarder dans les yeux convoque mes ombres, mes fantômes, mes illusions. Si je m’élève par la pensée dessus la ville, j’en vois les lumières pâles, à travers son nuage de pollution, qui transpercent les flancs de l’air et fument. Un tas doré d’ordures en fermentation avancée. S’il faut mentir : mentir adroitement, pour mettre à jour la vérité. Tenir le cap, garder l’œil sur l’étoile, au milieu du chuintement des vagues qui rend fou. Fixer les impressions qui viennent de loin avant qu’elles ne s’évanouissent dans l’âtre que je tisonne. Écrire. La valse des ombres tourbillonne comme des sheitans masqués en derviches tourneurs malsains, sans pivot, sans autre but que la noirceur. Je croupis dans mon étuve, emplis de dards empoisonnés. Plus de 42 années d’ampoules et de cornes aux pieds.

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02/06/2008

Rien II

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Peu, si peu. Si peu de forces. Si peu d’argent. Si peu de rêves. On croit faire sa vie mais c’est la Vie qui nous fait. Parfois mangeant je m’aperçois que c’est la nourriture qui me mange. Vaste sphère, le monde est devant moi. C’est ce qu’on croit. Mais c’est moi qui suis en le monde. La lumière vient se casser contre les murs. Naufrage. Que m’offre donc la vie ? Je ne sais. C’est, en vérité, à moi de lui faire des offres. Le ciel pèse sur tout, sur les arbres, sur les hommes, sur les chiens. Comment parvenir à faire basculer le jour en ma faveur ? D’y songer en cette aube de désastres, me donne la fièvre. Quand je perds pieds dans mes instants de désordres intenses, je m’aménage ma solitude en faisant grincer ma mémoire. La continuité cohérente des reliefs continentaux se trouve brisée lorsque on est face à l’océan. Et ma mémoire est un océan. À s’y noyer.

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01/06/2008

Rien

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Le monde est un lieu funeste dont s’est emparé un esprit de vertige, d’ivresse et de violence. Sodome, Gomorrhe, Babel fusionnés sur toute la face de cette misérable planète.
Début Juin dans cette opacité, cette brume. Ce ciel d’acier, bas, oppressant. Dans le cercle quotidien à l’incertaine pâleur. Reflets d’ardoise sur des murs de craie et d’aluminium. Thé et whisky. Tabac. Lectures possédées. Conjuration du temps contre ma carne. Je retournerai à la poussière dont cette farce fut tirée. Que restera-t-il des mots tracés par les hommes pour défaire la conjuration en question ? Que signifie la pensée humaine de l’autre côté des étoiles des Pléiades ? Même les massacres, les orgies, les génocides, les cathédrales, les pleurs d’enfants, les gémissements solitaires, les odes de Novalis, les Nations, les Empires, la syphilis de Nietzsche, la main gauche de Ravel, la jambe de Rimbaud. Ce souffle qui fouille la chair, la tend la taille, la coupe, la cisaille en tous sens pour s’emparer de l’âme secrète qu’elle renferme et lui donner le don d’avaler toutes les couleuvres de la condition humaine, toutes les angoisses de la terre et les porter à l’incandescence expiatrice dans l’Athanor intérieur des supplices existentiels. Gangrène. Putréfaction. Fumier propice à l’émergence des fleurs les plus délicates.

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11/05/2008

Sommeil...

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Cet hémisphère quotidien qui est le mien durant mes fins de semaines prolétariennes est celui du sommeil profond qui vient me prendre, à peine levé aux alentours de midi et quelques fruits secs avalés en compagnie d’un thé vert brûlant, sur les coups des deux heurs de l’après-midi je sombre à nouveau, parfois pour quatre ou cinq heures d’affilée, dans une nuit diurne qui m’emporte profondément vers mes abysses sereins. Bercé par les bruits de la maison, la télévision et les ronronnements de Minette qui vient se blottir contre moi. Lorsque je me réveille je m’en veux. Mais que puis-je faire contre une fatigue physique et morale à laquelle ma profession me condamne inexorablement ? De l’intérieur, cependant, ma rétine exulte à la vue des paysages que mon royaume compose selon l’humeur de mon verbe. Au-dedans de mes muscles, de mes nerfs et par-delà. Je songe à la masse prolétaire au jour où elle travaillait 12h00 par jour, 6 jours sur 7.

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09/05/2008

Petits bouts de papiers

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Triste sort que celui-là. Je n’ai que cette écriture qui m’allège et c’est tout. Petits bouts de papiers ou carnets secrets, fiches insignifiantes où je me délasse de ma lourdeur et de quelques stridences excessives. Le lendemain, j’ai déjà oublié et le tout brûlerai que cela ne me ferait presque, ni chaud ni froid. Si je regarde tout cela de très près, en l’intérieur, je constate que cela ne règle rien, la solution (à supposer qu’il y en ait une) demeure absente et je ne reçois pas même de l’argent à dépenser d’un éditeur admiratif, ou, au moins, convaincu. Brûlez donc, petits papiers, quelle importance, puisque mes mots ne trouvent guère le moindre échos obsessionnel et ne sont pas même un fil d’Ariane. Je rêve de me glisser dans un silence comme on se glisserait sous un voile, et de vivre satisfait d’un mutisme de poète.

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08/05/2008

Provocateur

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Je songe à ces personnes qui me considèrent, de par mes propos, mes idées (à supposer que j’en ai), mon aspect d’homme social, comme un provocateur ! Alors que je ne me construis pas de personnage pour les faire sursauter dans leurs candides certitudes. Je suis ce que je suis tout le temps, je suis comme je suis que cela plaise ou non, d’ailleurs qu’y puis-je ?

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07/05/2008

Être là, ici et maintenant.

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Douce lumière du réveil. Sentir le corps à nouveau. Renouer le contact. Reprendre le fil. Vivant. Partir sur la voie comme chaque jour. En avoir conscience. La pensée s’enroule, se déroule, se propage. Voici, comme à chaque fois, le Domaine où tout a lieu, où tout se perpétue. Point nodal se liant et se déliant en même temps sous le regard de Dieu, ou l’œil impitoyable du Néant.

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06/05/2008

Seigneur... t'es là ?

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« En Californie, il y avait de vieilles femmes avec un drôle de regard convaincues que la fin du monde était pour bientôt, ou encore que des hommes de l’espace n’allaient pas tarder à atterrir pour le Jugement dernier. On avait le choix entre les Vénusiens, les Martiens, Jésus-Christ, quand ce n’étaient pas des gens avec douze bras, des Indiens à la peau bleue. Sodome et Gomorrhe avaient été détruites par une bombe atomique larguée d’une fusée.
Jamie entendit le faible ronflement de la plus petite des deux sœurs, qui était censée prier. Dieu connaissait la chanson par cœur et ne prit même pas la peine de la réveiller. Surgie de nulle part, la rose aux couleurs vives était réapparue et elle l’étranglait à deux mains dans son sommeil. »

Denis JohnsonLa Débâcle des anges

Il me prend parfois l’envie de recevoir concrètement un baiser venu du Ciel, l’étreinte spirituelle donnant les larmes de la quiétude, de la joie couronnée.

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04/05/2008

Dans la nuit

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Nuit gonflée de vent. On entend le murmure de la ville et les fureurs retenues de l’immeuble. Gargouillis d’estomac. Ciment, tuyauterie, chuchotements chute d’objets, voix de béton, morts-vivants à l’affut. Ô fous qui s’ignorent. Grande dépression sur le système moléculaire général. Vision holoscopique. Comme une toile géante qui fourmille d’un suicide. Point terminal qui s’éternise. Ça suinte. Seule faille, ici, dans cette épaisse réalité visqueuse de tout le mal que l’homme engendre depuis la chute : Dieu ?

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03/05/2008

Écrire - XI

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Mes meilleurs auto-exorcismes sont ceux qui consistent, ayant écrit des phrases de sang, à lire, seul, à haute voix les mots de l’abandon sournois auquel je me suis livré pour le meilleur comme pour le pire. Ce sont de curieuses noces que celles de l’écrivain. Des noces quotidiennes. Des invocations ancestrales et futuristes. Des prières incarnées l’espace d’un spasme toujours recommencé. Parvenir au manuscrit qui annulerait tous les précédents. Impossible pari puisque, la plupart du temps, les nouveaux écrits ne viennent que compléter en aval les jaillissements en amont.

Écrire est une mise à l’écart, un labeur apocalyptique au sens étymologique du terme.

« Comme Shéhérazade sauve sa vie en racontant des histoires, aussi je sauve la mienne ou la maintient à force d’écrire. » Sören Kierkegaard

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02/05/2008

Écrire - X

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Ce sentiment, parfois, d’avoir des souvenirs qui ne sont plus vraiment à moi, comme s’ils étaient d’un autre corps, d’une autre voix, d’une langue qui n’est pas la mienne. Je suis déjà tombé sur des bouts de papiers non datés, clairsemés d’une écriture que je ne parviens même pas à déchiffrer, des mots qui disent l’agonie avec délectation et candeur, et quand je réalise par je ne sais quel sinueux parcours mental que j’en fus l’auteur je reste estomaqué par la fureur de cet acte de survie, lointain et probablement nocturne, alcoolisé et fiévreux, alors je soupire ou je souris, mais aussi, parfois, je pleure.

Je sais néanmoins, même si cela ne sert à rien, que la seule quiétude que j’ai pu trouver ici-bas, je l’ai enfermée dans cet immense amas de feuilles, de nappes de table, de cahiers écornés, de carnets décolorés par la violence de la lumière des longs jours qui reposent dans un monstrueux désordre dans la boite en carton débordée de toutes parts.

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01/05/2008

Meuh !

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Les vaches grasses qui peuplent ce monde (et je ne parle pas de ces vaches dont se sert Nietzsche pour inviter ses lecteurs à s’exercer dans l’art de la rumination afin de bien peser ce qu’ils absorbent), les bovidés tatoués, installés confortablement, le cul dans leur bouse, qui mâchent leur herbe et leur foin en regardant passer les trains ont le sens de la pérennisation, puisque, croient-ils, c’est en se goinfrant, en tapissant leurs bourses de billets et en l’alourdissant de pièces de monnaie, en pondant de la marmaille qui mâchera et chiera à son tour qu’ils se préserveront de la disparition inéluctable. À les considérer j’éprouve bien souvent un gouffre sidéral, en moi, monstrueux, aux effluves de métal froid. Abasourdi par leur bêtise sale et hautaine, je tente parfois une prière pour me laver de mon dégoût. Puis je m’allume un joint en ouvrant un livre avant, tard le soir, d’écrire mes mots éteints que je tente, maladroitement, d’allumer comme un âtre désespéré par son bois humide. Le temps compte soudain triple dans ces conditions de détresse. Je bois du picon-bière et dresse mes propres latitudes. En feu. Je me retrouve terrassé, déchiré, à la dérive et me répète, comme pour me donner du courage, ou est-ce pour justifier l’injustifiable ? que ma situation destructrice est mille fois préférable à la terreur métaphysique que suscite en moi l’état confortable de ces bovidés mâchant sous le ciel de Dieu. Ô putréfaction onctueuse des étables garnies de paille. De la viande aux étals à perte de vue.

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30/04/2008

Oui

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« Ta joie est ton chagrin démasqué, et le même puits d’où jaillit ton rire fut maintes fois empli de tes larmes. »
Khalil Gibran

C’est le même moi qui versa des larmes pour les raisons qui, à présent, me font sourire, l’expérience ayant creusé son sillon et les moissons douloureuses ayant donné du bon pain. Le bonheur, comme l’imaginent aisément les consciences naïves n’est pas et, probablement, n’a jamais été. On le croit en possession par d’autres que nous afin de se donner le faux espoir d’un jour être en mesure de le posséder nous-mêmes. Ce qui existe, en outre, ce sont les petits instants de bonheur qu’il ne tient qu’à nous de cueillir chaque fois qu’ils se présentent à nous, les cueillir pour nous, les offrir aussi dans une gratuité totale, par simple soucis jubilatoire. Un proverbe chinois dit : « Une seule joie disperse cent chagrins. » Jouir de cette incarnation, profonde, intime, c’est parvenir à remplir les grains de sable du temps tueur de sens et ne s’embarrasser d’aucune entrave, ne laisser aucune brèche pour un remord ou, même, un faux consentement. Être dans une acceptation légère, dansante, sans petit « oui » ni petit « non ». Dans un grand « oui » total.

« Considérons comme perdu chaque jour où nous n’avons pas dansé au moins une fois. Et considérons comme fausse chaque vérité qui ne fut pas accompagnée d’un rire. »
Friedrich Nietzsche

Combien de fausses vérités ai-je, ainsi, embrassé et combien de jours ai-je perdu ? oui !

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29/04/2008

Shalom

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J’ai rêvé que j’étais un juif, marchant dans le froid humide du ghetto de Venise. Usurier le jour, seule charge professionnelle autorisée par le Doge. Dieu donne et il reprend, qu’il soit béni. Formidable religion flirtant avec le blasphème, où Dieu, Adonaï, Eternel, tétragramme imprononçable, qui bénit et vous donne le don de le bénir en retour. Kabbaliste au soir descendant, avec quelques autres sages, je parcours la sainte Torah en souriant, ivre de son Amour et de ses mystères. C’est l’hiver. Seules nous réchauffent les candélabres à sept branches qui nous rappellent depuis Moïse le feu du Buisson Ardent. Porteur de l’Ancienne Alliance. Je la porte, là, gravée dans ma chair, ce prépuce cisaillé proprement par le vieux barbier du quartier, mort avant qu’ayant grandi je puisse me le remémorer, au huitième jour de ma vie, alliance scellée par la prière du Rabin de la communauté, un vieillard à présent qui s’inquiète des avancées de mes travaux mystiques et n’a de cesse, souriant, irradié de me mettre en garde contre la tentation de franchir la frontière, car l’Ancienne Alliance est toujours à la limite. À l’extrême limite des confins de la vie et de la mort.

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28/04/2008

Connection

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Alcools forts. Toujours à me connecter à mon alchimie interne selon des voies néfastes. L’album du jour, THE VINES, Vision Valley. Dehors le froid nocturne d'Avril. La nuit épaisse. La fumée qui me glace, le joint une fois éteint. Les mots qui, soudain, se bousculent et me basculent dans le précipice d’une musique que l’écrivain seul connaît. Je me garde le reste des impressions, par peur de faire se tarir le jaillissement nuptial qui invite au rire et à la danse.

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27/04/2008

En attendant la Rédemption...

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« Pour écrire, pour dormir et pour penser, j’allais au drugstore local et j’achetais de la Sympatine pour m’exciter, du Diosan pour le rêve à la codéine et du Sonéryl pour dormir. — En outre, Burroughs et moi achetions également de l’opium à un gars coiffé d’un fez rouge dans le Zoco Chico, et nous préparions des pipes maison avec de vieux bidons à huile d’olive. Et nous fumions en chantant : Willie le Mendiant ; le lendemain, nous mélangions du haschisch et du kif avec du miel et des épices et nous faisions de gros gâteaux « Majoun » que nous mastiquions lentement, en buvant du thé brûlant ; et nous partions faire de longues promenades prophétiques vers les champs de petites fleurs blanches. — Un après-midi gorgé de haschisch, je méditais sur mon toit, au soleil, et je me disais : « Toutes les choses qui se meuvent sont Dieu, et toutes les choses qui ne se meuvent pas sont Dieu » et, à cette nouvelle expression du secret ancien, tous les objets qui se mouvaient et faisaient du bruit dans l’après-midi de Tanger parurent se réjouir soudain, et tout ce qui demeurait immobile sembla satisfait.
Tanger est une ville charmante, fraiche, délicieuse, pleine de merveilleux restaurants continentaux comme El Paname et L’Escargot, avec une cuisine qui vous fait venir l’eau à la bouche ; on y dort très bien, il y a du soleil et on y voit des théories de saints prêtres catholiques, près de là où je m’étais installé, qui prient tous les soirs, tournés vers la mer. — Qu’il y ait des oraisons partout ! —
Pendant ce temps, Burroughs, génie démentiel, tapait, échevelé, dans sa chambre qui s’ouvrait sur un jardin, les mots suivants : — « Motel Motel Motel la solitude traverse le continent en gémissant comme le brouillard au-dessus des fleuves calmes et huileux qui envahissent les eaux de la marée… »
(Il voulait parler de l’Amérique.) (On se souvient toujours de l’Amérique quand on est en exil.)
Le jour de l’anniversaire de l’indépendance marocaine, ma bonne, une grande négresse arabe, séduisante malgré ses cinquante ans, a nettoyé ma chambre et plié mon T. shirt crasseux, sans le laver, bien proprement sur une chaise…
Et pourtant Tanger parfois était intolérablement morne ; aucune vibration ; alors je faisais à pied trois kilomètres le long de la plage au milieu des pêcheurs qui scandaient les rythmes ancestraux, ils tenaient les filets, en groupe, chantant quelque ancien refrain le long du ressac, laissant tomber le poisson sur le sable de la mer ; et parfois je regardais les formidables matchs de football que jouaient de jeunes fous arabes, dans le sable ; parfois il y en avait qui marquaient des buts, en envoyant le ballon dans le filet avec l’arrière de la tête ; des galeries d’enfants applaudissaient à ce spectacle. —
Et je marchais, à travers cette terre maghrébine, cette terre de huttes qui est aussi belle que le vieux Mexique avec ces vertes collines, les ânons, les vieux arbres, les jardins. —
Un après-midi, je m’assis dans le lit d’un cours d’eau qui se jetait dans la mer, non loin de là, et je regardai la marée montante, envahir la rivière qui allait grossir, dépasser la hauteur de ma tête ; un orage soudain me fit partir en courant le long de la plage, pour rentrer en ville comme un champion de petit trot, trempé comme une soupe ; tout d’un coup, sur les boulevards bordés de cafés et d’hôtels, le soleil apparut, illumina les palmiers mouillés et je ressentis alors une impression qui m’était familière. — J’avais déjà éprouvé cela — je pensai à tous les hommes. »

Jack KerouacGrand voyage en Europe

Je rêve de retrouver, parfois, cette douce perdition, cette dérive, ce flottement, ce largage calme dans le tumulte rugissant du monde des hommes, comme au temps de ma dernière jeunesse, 17/20 ans et armé juste de désir, me laisser mener par les courants du fleuve impétueux du « Bateau ivre » en mâchant la fièvre du Harrar par une curieuse synesthésie. Relire Les Mémoires de Zeus de Maurice Druon en me saoulant au Sauternes en fumant et en parlant aux dieux comme un prophète d’une race nouvelle sur son chemin de Damas, dans le désert des visions et des révélations souveraines. Hirsute. Pâle malgré le brûlant soleil. Ivre de cette sainte fatigue que ne connaissent que les ermites, les camés, les artistes. Pèlerin. Esclave en fuite. Roi sans royaume. Crève-la-faim. Mendiant Céleste. Voyou en cavale. Imprécateur hilare. Clown métaphysique. Virus Divin. Porteur de flambeau, seul dans la nuit. Cerné d’une cohorte de fantômes. Traqué par les démons anciens, protégé par les anges. Confiant. Inconscient. Singulier. Hors-la-loi. Hors la norme. Apôtre. Se purifiant. Bénissant. Aimant. Fou. Proie du Verbe. En érection. Jusqu’à la Rédemption.

Pâques Orthodoxe ce jour.

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26/04/2008

Eden intérieur

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« Il n’est rien de plus noble que de s’accomoder de quelques désagréments comme les serpents et la poussière pour jouir d’une liberté absolue. »
Jack Kerouac
Le Vagabond américain en voie de disparition


Je vis, à ma manière dans la poussière, entouré de serpents et ce n’est que par une retraite intérieure que je parviens à relever le défi qui consiste à me confronter à la grande illusion quotidienne que tout le monde vit sans moufeter. Triste et nauséabonde pitance agitée comme une laisse. Il y a une part en moi, inatteignable, un Eden Secret sans Mal ni moraline où je me délecte de la Beauté, en jouissant comme bon me semble : lecture, écriture, pensée vive, tendresse et courtoisie, bien-être. Dieu merci. À croire que Dieu existe vraiment. Champs des possibles. Paix.

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