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18/06/2007

Vivre... et se tenir prêt...

« Hâte toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie. »

Sénèque


Vivre chaque jour comme si c’etait le dernier. Vieille maxime Antique qui, des pré-Socratiques à l’Empire Romain, en passant par la bouche du Christ, nous invite à tenir nos affaires en ordre et à profiter du temps présent avant que la maladie, la guerre, la mort n’aient leurs mots à dire.

Je viens, justement, de visionner le film de Zack Snyder, "300" adapté de la bande dessinée de Frank Miller, lui-même inspiré par la Bataille des Thermopyles. Loin de jouer l'exactitude historique, le film met en avant le sens du sacrifice et la bravoure qui l'accompagne. Quelques sujets de réflexions auxquels devraient s'adonner les chiens qui nous font office d'hommes politiques... de "Drouâte" comme de "Gôche"... les extrêmes, de "Drouâte" comme de "Gôche", étant de pitoyables et vulgaires caricatures pseudo-traditionnalistes ou nationalistes bêlantes. Ce film, je vous conseille de le voir et puis votre intelligence en fera ce que bon lui semble. Quant à moi, je vais réouvrir "Paideia" de Werner Jaeger... et "Le Japon moderne et l'Éthique Samouraï" de Yukio Mishima.

Je m'en retourne à ma guitare.

 

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16/06/2007

United States of the World

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A l’origine, un fait, un acte, une information qu’on se donnait la volonté de diffuser faisait créer une communication propice à l’expansion de l’information en question. De nos jours, c’est le contraire qui s’est installé dans les habitudes de ce qu’on nomme à présent les médias : la communication tend à créer une information. Oui, faut tout de même pas déconner,y’a la boutique à faire tourner pour pouvoir casser la croûte, si possible chez Maxim et pas au bistrot du coin, encore moins dans une petite kitchenette aménagée. Le spectaculaire est bien intégré et il règne.

Il est cependant encore donné, à qui veut bien se creuser la cervelle, d’apercevoir la magouille, souvent grossière, la combine, le mensonge trafiqué, rendu acceptable, la ligne de front, la frontière du risque, l’injustice masquée, l’inégalité et la différence qui nécessitent un considérable effort de compréhension ; car, si les distances se sont amenuisées et que le Monde est disponible et vacant par un simple « click » de souris, il y a encore et toujours une réalité Historique (même si les abrutis pensent que nous accédons en ce moment même à la Fin de l’Histoire), Géographique, Géo-politique même, une réalité Sociologique, Religieuse, Culturelle, Militaire… Et dans chaque cas aux lectures et interprétations multiples . Jadis Réalité Ethnologique lointaine qui n’intéressait pas beaucoup les simples et braves gens mais faisait beaucoup rêver l’adolescent Rimbaldien, l’Archéologue, le Scientifique, l’Ecrivain, le Monde nous laissait le temps de le comprendre, de l’ignorer, de le savourer ou de le vomir. A présent la complexité est omniprésente, oppressante et semble toujours grandir, comme un monstre qui nous échappe.

La Mondialisation n'oeuvre qu’à une seule chose : simplifier cette réalité, la rendre plus uniforme en façade… mais créer toujours un peu plus de troubles en coulisses pour qu’une sorte de dictatoriale omniprésence de l’autre devienne un violent facteur d’éloignement, de repli sur soi, d’incompréhension et d’ignorance. Or, pour parvenir à aimer le monde il faut le complexifier.

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12/06/2007

"You're a Devil in disguise..."

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Ah! Le diable ! C’est une affaire de questions/réponses ! Ping-pong avec nos couilles dans les Sphères Méta-physiques ! Il fait de nous selon ce que nous faisons de lui ! Il n'est que notre projection « humaine trop humaine » et nous devenons bien vite la sienne. Il est vrai que lorsqu’ il nous échappe il prend ses aises qui s'avèrent souvent dévastatrices ! Mais c'est un Prince, disent les Saintes Écritures, et il faut lui rendre les honneurs d'un Prince, nous précisent-elles encore !

Je préfère de loin Dieu... même en tant qu'idée... pauvre agnostique que je suis. C'est le grand "Clandestin" de notre époque, comme dirait Sollers. Il se cache plus chez Rimbaud, Artaud et Picasso que dans les hosties et l'eau bénite !

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11/06/2007

Antenne brisée...

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Que ne donnerai-je pas pour être au meilleur de moi-même, afin d’avaler d’une bouchée, une seule, ce foutoir qui m’obsède, me torture et me fait me dresser dignement en de rares occasions où « quelque chose » de profond et de supérieur, s’empare de moi à son gré, malgré moi, sans me demander mon avis. Heureusement !

J’ai perdu le fil de ces instants particuliers que j’ai vécu maintes fois de par le passé, il n’y a pas si longtemps que ça d’ailleurs, mais qui me semblent aussi éloignées que le jour de ma naissance !

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10/06/2007

Spleen

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Le désespoir me tombe dessus sans aucune raison consciente. Il me faut l’accueillir tel quel. Que faire ?

« C’est peut-être cela que l’on cherche toute sa vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible, pour devenir soi-même avant de mourir. » Louis-Ferdinand CELINE

Toute la journée à demeurer sur le fil tranchant du rasoir. Il aurait suffi d’un léger vent pour que je bascule du mauvais côté. Un Spleen effroyable, toute la journée durant, m’a pilonné le cœur et la cervelle. Cette sensation désagréable m’a progressivement quitté en début de soirée sans aucune raison consciente. Ma séance d’enregistrement a dû jouer son rôle de catharsis. Cependant, comme toujours, une langueur morbide demeure. Me serre dans sa gangue. Me maintiens dans mes limites. Curieux comme je peux traverser divers cycles, très rapidement, au cours d’une simple journée. Soleil. Ténèbres. Crépuscule. Aurore lointaine et indistincte, à grande peine discernable.

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08/06/2007

Distance

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Tant de cons et de connes tout autour de nous... et en plus dans une promiscuité outrageuse ! Personne ne sait aimer... ou alors ce qu'ils nomment « amour » s'avère être bien souvent du CANNIBALISME couronné de NÉVROSES et décoré d'HYSTÉRIE ! De la joie ? NENNI ! De la légèreté ? NENNI ! De la tendresse ? Mon cul !!!! Rien que du PHAGOCYTAGE SANS HUMOUR! Même les plus chouettes des filles, femmes, amantes que je croise se dévoilent vite comme des POSSÉSSIVES, DOMINATRICES auxquelles il faut RENDRE DES COMPTES comme à des MAMANS !

Reproduction constante et éternelle des vieux schémas familiaux !

Destructeur !

Viendront un jour les dépressions, les chutes dans les gouffres, les cancers !


C’est triste, je trouve…

Avec le temps une distance s’impose à moi comme de toute première nécessité et de plus en plus et de plus en plus loin…
Être tranquille et en paix loin du remue-ménage quotidien…

L’écriture m’y aide, m’y invite constamment.
La chair des mots qui fait frémir les lettres du corps ?
Sans doute !

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07/06/2007

"Le Bonheur sur fond noir..."

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Un équilibre, en somme, que l'on cherche toute sa vie durant...avec plus ou moins de chance! Paraître ou être? Certes, certes, ÊTRE ! Mais... paraître, parfois, un certain temps, par stratégie... peut révéler une part de l'Être enfoui en nous ! Que la joie demeure !

Que les particules élémentaires tourbillonnent et circulent !
Déployons notre Verve Vivante…nos bénédictions ultimes en ces instants où le monde perd la tête.


Si épanchements d’âmes il y a…et bien, dans ce cas, qu’ils soient charnels ! Si les corps chancèlent…et bien, alors, que l’esprit demeure ! Mais que le plaisir règne…sinon… à quoi bon notre pitoyable incarnation ???!!! Je me le demande ! Une ascèse n’a de valeur que si elle est jouissive comme une danse au sabre… une maîtrise en somme de ce qui est et doit être et… sera… quelque chose qui conduit à une expansion de l’Être ! Un courant continu depuis la nuit des temps ! Energie Eternelle !

De l’allégresse…de la légèreté… de la douceur au terme d’une guerre ! La douceur est impossible pendant la guerre, car il faut compter ses balles ! Surtout quand on est encerclés par les cow-boys !

Un verre de Sauternes glacé… J’ouvre un livre (« La vie des femmes mariées » de Pierre Arétin- XVI ème Siècle)… L’aimée est là, à proximité, pleine de voluptueuses langueurs océanes… Jean Sébastien Bach par Pablo Casals en fond musical…

Oui… il faut jouir et être heureux, envers et contre tout…

…et parfois il faut faire la guerre ! Si possible sans haine…mais la faire !

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06/06/2007

Catacombes

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Pascal Quignard, dans « Les ombres errantes » : « Les sociétés secrètes d’hommes libres sont portées à devenir de plus en plus minuscules. Elles sont presque individuelles. Mes amis me sont de plus en plus chers et de moins en moins nombreux. »

Oui, certains jours je suis apprenti, compagnon et maître de loge à moi tout seul ! Une confrérie entière se tient dans ma bouche, au bout de ma queue et dans mon coeur !

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05/06/2007

Hurlement

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C’est comme si la terre entière, autour de moi, laissait échapper un hurlement lugubre et final de sa plaie béante. Comme si le point de non-retour était atteint. Comme si absolument tout s’écroulait. La confusion est générale et telle qu’on se demande, en ce monde, s’il y a une sortie. Ca se masturbe le bulbe de tous côtés !

J’ai bien envie, le moment est propice, de retourner à Montaigne.

Montesquieu écrivait : « Dans la plupart des auteurs, je vois l’homme qui écrit. Dans Montaigne, je vois l’homme qui pense. »

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04/06/2007

Sanctuaire

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Ma démarche est Spirituelle aussi. C’est une pénétration toute personnelle, un engagement (désengagé !) pour dire, formuler (dans l’exultation si possible) des liens supérieurs, la fracture intérieure vis-à-vis du monde, l’ouverture exacte et authentique, le dépassement de soi et de tout. Je suis seul face au monde et je peux m’y perdre. Je le désire probablement ! Il est vrai que c’est une errance. Bien entendu, je suis aussi structuré, bâti, étayé par ma relation au monde. Je cherche juste à pénétrer le sanctuaire d’une liturgie nouvelle. Son cœur.

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03/06/2007

Observance de la Parole...

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« Je trouve ma joie dans l’observance de la parole. » (Psaumes,119-14)

La texture du réel est là. La suivre de ma main comme une superbe étoffe en une caresse ou m’affirmer comme EN procédant est ce qui m’importe le plus. L’observance de la parole n’est pas pour les chiens obéissants. C’est une prière incarnée quand suinte autant le désastre. Les prêtres masqués ainsi que leurs dévots veillent. La guerre est bien-sûr déclarée.

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02/06/2007

Vivre et aimer...

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Un coup de dés qu’on lance. La fièvre dicte bien plus que la raison. Il reste l’Être et son expansion. La solitude est un Royaume béni des dieux. La transe souvent me devance dans mes découvertes. Toute cette réalité qu’on vit au quotidien est un gigantesque mensonge. Esclaves d’une totalité où règne la confusion. L’ordinateur n’aura pas de prise sur moi, ce n’est qu’un outil. La rébellion n’est pas dans la marge, elle est HORS LA MARGE, HORS LIMITES. La jouissance devrait être un bon cru tiré quotidiennement. Ecrire est peu de chose, s’incarner est beaucoup. Dire est plus essentiel que choisir ses mots, mais choisir ses mots est important quand on veut dire l’essentiel. La décadence est totale, multiple et unie. Le spectacle aveuglant est une constance de l’ère post-moderne. Nous tournons en rond dans une cage dorée où le pain et les jeux nous sont fournis presque à loisirs. D’un « click » de souris le monde ne s’ouvre pas à nous, il nous enferme.

A présent vivons et aimons si c’est possible.

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14/05/2007

Les Mots et les Maux

« Si l’on étudie volontiers aujourd’hui les structures linguistiques propres à une période historique révolue, en essayant de démontrer à quel point elles ont marqué le mode de pensée de l’époque en question, rien ne nous empêche de considérer de même notre siècle avec circonspection. » Czeslaw Milosz, Témoignage de la poésie.


Chaque époque finit toujours par être rongée par un mal qu’elle se plaît à accoucher elle-même jusqu’au bout, malgré toutes les attentions dont font preuve les esprits éclairés pour la mettre en garde. Ce n’est qu’au moment où, les siècles étant passés, l’historien se penche sur les berceaux des règnes et de leurs décadences que les reliefs apparaissent et participent à l’émergence d’un tableau qui nous indique ce qui fut, ce qui arriva et, d’une certaine manière, contribua aussi à faire de nous ce que nous sommes aujourd’hui.

Ainsi, on s’accordera pour dire que le fourmillement des idées dans la Grèce antique, s’il a concouru à poser des axes de pensées encore valables de nos jours s’est vu, sur sa fin, partir en d’insondables bavardages pleins de contradictions, ce qui participa à sa décadence, car quand la parlotte s’empare des esprits, les Légions en profitent.

Ce furent les Romains qui tirèrent leur épingle du jeu en fondant leur Empire non pas par le biais des idées et du commerce, mais par une organisation plus proche de Sparte que d’Athènes, autrement dit : par les armes. Puis, à leur tour, le relâchement hédoniste sans contrôle de Rome, affirma le début de sa fin par la division de l’Empire en deux entités dont le monde occidental souffre encore de nos jours et qui n’a pas été sans conséquences dans nos rapports avec la partie asiatique et méditerranéenne du monde.

Par la suite, le moyen-âge eut de belles heures de gloire, la scolastique prit part à cette gloire, mais très vite se heurta à des gloses incessantes qui diminuèrent les savoirs en engouffrant le monde intellectuel d’alors dans des excès de paroles, l’usage des mots pour les mots… ainsi, l’histoire est connue, à l’ouest, par Rome, le fanatisme religieux en imposa à la multitude, la chrétienté devint conquérante (Dante ne place pas pour rien, dans sa sublime « Divine Comédie » des papes en enfer, pas si loin de « Mahomet l’hérétique » d’ailleurs), alors qu’à l’est, Byzance tomba aux mains des Turcs le 29 mai 1459, tandis qu’à l’intérieur de la ville se tenait un concile où la dispute allait bon train à propos du sexe des anges. De là vient d’ailleurs l’expression : « Querelles Byzantines » pour indiquer le gouffre qu’il peut y avoir entre des discussions irraisonnées et les exigences de la réalité.

Mais je ne vais pas parcourir tous les détours de l’Histoire, tas de fainéants, et je vais en venir directement à notre temps. Je m’avance trop même. Pas en 2007. Mais disons : tout de suite après 1789. Le stupide 19ème Siècle que vomissaient Flaubert, Baudelaire, Rimbaud et duquel, selon ce qu’en ont dit Philippe Muray ou Philippe Sollers, nous ne sommes pas encore sortis, alors que nous sommes à l’ère des computers, des téléphones portables, du câble télévisuel, des satellites espions, des guerres propres, de l’énergie nucléaire et… des pensées quantiques. Quel est le mal dont souffre notre civilisation de décennies en décennies depuis le temps des révolutions politiques, industrielles et techniques ?

J’use volontiers des termes de « canular », « tromperie », « mystification », « charlatanisme », « escroquerie », « imposture », « falsification ». Mieux : « Subversion ».

Bah, me direz-vous, les faux dévots ont existé de tout temps et ont toujours cherché à régenter la vie de leurs semblables. Voilà qui est acquis. L’hypocrisie et l’affection de dévotion et de vertu, les calculs sociaux et politiques ne datent pas d’hier. Oui. Vous avez raison. Or, la nouvelle donne, à partir de la terreur de Robespierre, fut bien la collectivisation de l’imposture. Paré de sa vertu sanglante, Maximilien nous imposa les louanges à l’Être Suprême, sous le couvert de la déesse Raison. Syncrétismes et carnavals. Orgies populacières et hypnotisme général. De ce temps, à grands coups de têtes tranchées, s’est imposé à nous, puis au reste du monde (la France a eu quelque rayonnement suffisant pour impressionner le reste du monde par des influences bonnes comme néfastes) l’érection en règle d’une certaine pensée, une certaine manière d’être qui s’est progressivement, mais sûrement distillée dans les consciences occidentales par des cheminements divers et variés pour aboutir, au lendemain de la seconde guerre mondiale, au « politiquement correct » qui souligne à merveille notre sinistre époque d’un trait faussement bariolé.

Car j’ai toujours à l’esprit ce souvenir : Enfant, avec de fines tiges de pâte à modeler de multiples couleurs, je m’étais aperçu qu’il n’y avait que deux façon de mélanger les coloris ;

- En enroulant tout d’abord les tiges judicieusement choisies entre elles je parvenais à créer des mariages qui me charmaient, où les nuances de « rouge » et de « vert » s’agençaient en des colonnes antiques imaginaires que je voulais Atlantes ou martiennes. Des guerriers apocalyptiques, sombres ou lumineux, charpentés en couleurs roses et claires, ou ocres et noires. Puis je les habillais d’une armure blanche ou bleue. Casque avec pic. Cheval de fortune gris, tacheté de noir. Épées grises. Lances d’or. Je confectionnais même des étendards avec des armoiries.

- Ou alors, les jours où l’inspiration me manquait, énervé par une vie enfantine grisâtre et ennuyeuse, je malaxais toutes les couleurs ensemble, par dépit, pour obtenir à chaque fois, systématiquement un amas kaki sans vie, uniforme, sans détails, sans nuances.

Et je savais déjà, bien que je n’étais point capable de le formuler, que ces deux manières d’effectuer des mélanges se faisaient d’un côté avec bon sens, raison, amour et rigueur, qui n’excluaient nullement la légèreté enfantine, la fantaisie, l’extravagance et la convocation de la créativité sous le couvert de l’inspiration ; de l’autre côté, sans retenue, sans contrôle, avec dégoût, abdication, renoncement mortifère, névrose juste évacuée sur une réalité qui, à son tour, nourrit la suite des évènements.

Ordre et Volupté ou désordre macabre et purge tripale.

Bref, un nouveau langage s’est infiltré dans les brèches successives s’appliquant à évincer des mots, des faits par des sens voilés, indirects et obliques parfois, allusifs toujours, en tout cas dissemblables ou divergents. Les mots, bien entendu, sont en première ligne.

La signification initiale d’un mot n’a parfois plus le même sens, une fois qu’il est passé au filtre de la censure merdeuse de nos marxistes affichés ou masqués.

Pour nous faire un beau mélange kaki, nos bien-pensants aiment à manipuler les signifiants et les signifiés.

Ainsi le beau mot de « libération » fut utilisé pour célébrer les massacres et les déportations du Cambodge, sous les auspices de feu Jean-Paul Sartre, dans un quotidien qui avait le même nom.
« Jean-Sol Patre » disaient, à juste titre, Boris Vian et Louis Ferdinand Céline.

Il nous faut réapprendre à lire entre les lignes. Prendre avec précaution les nouvelles propagées par nos quotidiens très sérieux. Les enjeux de l’avenir se trouvent en grande partie liés au langage. C’est dans le domaine culturel et idéologique que les prémices de l’affrontement final prennent leurs racines. Car les chamboulements ou les révolutions, les guérillas ou les guerres ouvertes ne se gagnent pas par les urnes et les magouilles politiciennes aux calculs hypocrites et machiavéliques, ils se fraient leur voie de façon nébuleuse dans les âmes. Il ne faut pas perdre ce fait de vue et il faut tenter toujours d’y répondre à sa juste mesure.

La liberté meurt de la séduction qu’exerce sur nous la subversion.

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Bande son du moment : Living Out Of Time par Robin Trower

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citations du jour : « Les mots faisaient primitivement partie de la magie, et de nos jours encore le mot garde beaucoup de sa puissance de jadis. Avec des mots un homme peut rendre son semblable heureux ou le pousser au désespoir, et c'est à l'aide de mots que le maître transmet son savoir à ses élèves, qu'un orateur entraîne ses auditeurs et détermine leurs jugements et décisions. Les mots provoquent des émotions et constituent pour les hommes le moyen général de s'influencer réciproquement. » Sigmund Freud (Introduction à la psychanalyse)

« Nous nous servons des mots avec l'habileté mais aussi l'imprudence des ouvriers qui manipulent chaque jour des explosifs. Il faut avoir peur des mots. » Gilbert CESBRON (Journal sans date)

Humeur du moment : En Retrait...

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19/04/2007

Seul contre tous… la beauté du geste…

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Léon Bloy : « Tous les fétides et tous les lâches contre un seul qui ne tremble pas. »



Misère rance et moisie de notre temps. Qu’un œil lumineux surgisse du lot nauséabond et lavasse de la quotidienneté politiquement correcte et tous les frileux à la posture morale irréprochable évacuent tout débat, avec l’heureux élu, par l’insulte suprême, celle qui colle le dos de celui qui la reçoit au mur sanglant du 20ème Siècle, ou le fait s’agenouiller devant les monceaux de cadavres que la propagande utilise sans aucun respect pour les victimes de l’Histoire afin d’assoire sa primauté : « Sale Fasciste ! » La belle affaire. Au son de ce mot, les têtes se tournent vers le désigné, les regards pointent du menton vers le malheureux en même temps que les doigts et le pauvre type, ou la pauvre fille, n’a plus qu’à baisser les yeux et à suivre son chemin, pour peu qu’on en reste là avec elle ou lui.

Pourtant, la personne en question n’a pas d’admiration pour Hitler. Non plus pour Mao ou Staline. Elle se fait un point d’honneur, sans état d’âme particulier, à renvoyer dos à dos ces enculés génocidaires. Elle les vomit. Quant aux nationalistes, aventuriers du champ politique puant de notre démocratie en état de décomposition avancée, la personne en question ne soutient ni leurs thèses ni leurs formules. Quelques saines lectures lui ont fait réaliser que le véritable champ politique de l’avenir se trouve dans une transcendance, un sursaut presque quantique, une danse dessus la plèbe, une rigolade au-dessus du troupeau. Ce qui cogne, comme une Légion aux portails de notre civilisation appelle une vision politique supérieure, un au-delà les petits projets étriqués, un changement radical, un dépassement supposé offrir une postérité à notre culture, pour peu que cela ait encore un sens dans la petite tête du citoyen producteur-consommateur moyen qui se précipite le soir chez lui pour assoire sa panse libidineuse devant la télévision, en digne sujet de l’endoctrinement généralisé. Minus habens.

La personne en question considère l’Avenir, use des technologies nouvelles, ne s’empêche nullement d’être fière de ses racines, de sa langue, de son histoire. Elle sait regarder les épiphénomènes dont les médias l’abreuvent avec un certain sens critique. Si des larmes lui viennent à l’audition solennelle de la Grand-Messe en Ut mineur de Mozart, elle tape aussi du pied sur une chanson d’AC/DC ou d’Elvis Costello, se fige sur la Voix de Björk ou de Siouxie Sioux, contemple avec émoi un tableau de Picasso ou George Mathieu, échange à l’occasion un joint avec un frère d’arme, comme au temps du bivouac autour du feu, dans les temps antédiluviens. Ni Bush ni Ben Laden ne trouvent grâce à ses yeux. Les Anarchistes encore moins. Cette personne est, tout simplement, hors du système en place. Trop Libertaire pour les anars eux-mêmes. Trop amoureuse de la terre où dorment ses ancêtres pour les idéologues simplistes en mal de frontières fermées. Trop Libertine pour les mauvais baiseurs consuméristes de culs tristes et de phallus névrosés.

Autant le dire tout de suite, cette personne est inclassable, donc dangereuse.

Elle a lu Marx et en a retenu la teneur prophétique.

Elle s’est aventurée sur la pente glissante des méditations mystiques.

Elle a sondé avec détermination les penseurs pré-socratiques, s’est délectée de Goethe ou Huysmans, a jubilé sur la 5ème Symphonie de Beethoven en même temps que sur la guitare de Jimi Hendrix, a bu les mots de Lautréamont et de Rimbaud comme des liqueurs fortes, s’est enivrée d’Oum Kalsoum et Farid El Attrache comme de poisons aux goûts de miel extatiques. Alcools forts. Eau de Feu.

Elle a été violée, pour son salut, par la pensée de Max Stirner et Friedrich Nietzsche, a été renversée, anéantie, avant que de mieux sentir les parfums, mieux voir les couleurs et les contrastes, mieux toucher les épidermes, mieux goûter le miel, le lait et le vin, mieux entendre la musique du silence et se redresser plus fort et plus altier. En quête de nuances. Elle a réalisé, un jour, qu’elle était un Corps, une pensée en actes, un être libre, souverain de sa voie. Aussi, aspire-t-elle à renverser, de même, le statu quo insultant, pour rétablir la situation selon des arcanes nouveaux. Elle n’est pas de droite. Elle n’est pas de gauche. Elle aspire à l’Homme Total, celui qui sait danser sur ses deux jambes, la droite et la gauche, afin qu’il n’y ait plus d’ère Totalitaire. Elle est jeunesse et vivacité. N’appartient à personne. Personne ne peut la soumettre à sa botte, même dans la Mort. La Mort, justement, à aucun moment elle ne l’esquive, elle la considère bien dans les yeux car elle a lu Pascal. Elle aime la terre, ses forêts, ses déserts de sable et de glace, ses océans, ses champs fertiles, ses minéraux, ses végétaux, la faune et la flore. Elle aime le danger parce qu’elle est animale. Mais elle transcende le danger parce qu’elle pense et jouit d’être vivante avant que de mourir. L’artifice culturel est une bénédiction. D’ici et Maintenant elle pense au-delà. De ce Lieu vers la perspective ouverte. Michel Onfray ou Maurice G. Dantec, Philippe Sollers ou Alain Soral, les complémentarités qu’elle y trouve en emmerdent plus d’un, à commencer par les défenseurs idéologiques des chapelles, les dévots consternés, les pétasses accrochées à leur eau bénite. Un frémissement jouissif se saisit d’elle lorsqu’elle entend les discours de Malraux ou relit « L’étranger » d’Albert Camus. Elle aime les chants de guerre des indiens des plaines en même temps que la musique des gnawas ou celle de Nusrat Fateh Ali Khan. Écoute Léo Ferré et Jacques Brel, en même temps que Noir Désir ou le groupe Marquis de Sade. Trace sa voie sans se préoccuper des affamés jaloux qui ne comprennent pas le sens d’une vision à 360°. Cure et Joy Division l’inspirent. Stravinsky et Mahler également. Elle relit la Bible, même quand elle est agnostique, éprouve toujours de la reconnaissance au moment du repas, et à chaque orgasme pense « Hosanna, au plus haut des Cieux ». Ernst Jünger lui a appris « le recours aux forêts », Proudhon et Bakounine qu’une nouvelle donne économique était possible. Tocqueville, qu’elle se devait de posséder un sens profond de l’observation et de l’analyse avant tout. Guy Debord, que plus que jamais elle se devait de s’arracher à la fausse représentation pour enlacer la Vie. Cette personne est une terroriste métaphysique en puissance.



Le grand nombre ? Les autres ? Ils se résignent au pacte... persuadés que leur mensonge qu’ils prennent pour la vérité perce l'aurore... fiers, solides, décidés et vaillants en groupe... emplis de cet orgueil qui nomme le clan et assure l'avenir de mille feux sereins.

Se résignant au pacte, ils encerclent le pauvre bougre et lancent leurs litanies, assurés qu'il finira par lâcher prise et se joindre peut-être à eux, finalement, quel réconfort ce serait, la légion s'en trouverait renforcée, comme accomplie.

C'est qu’il a beau écrire, jubiler avec les mots, jouir de dire quelque chose qui le dépasse, mettre sa pensée en spirale, les talents lui manquent, ils le lui affirment sans arrêt avec une détermination convaincue et convaincante, les yeux injectés de sang.

Ils viennent comme au temps jadis on venait chercher la sorcière, le diabolique ou l'hérétique, la torche à la main, la fourche brandie comme un crucifix improvisé...

Ils viennent avec leur haine fétide, leur souffle revanchard, leur ressentiment incurvé... cette haine d'eux-mêmes qu'ils retournent envers autrui pour ne pas s'autodétruire... mais tôt ou tard finissent par se détruire tout de même.

Ils viennent au grand jour, ils chantent, joyeux d'être ensemble, entassés les uns sur les autres avec leurs néfastes certitudes de pleutres et de chiens. Ils dansent, gais comme des ivrognes refaisant enfin le monde, à leur image, bien-sûr. Ils tournoient sur leurs flasques évidences, se persuadent que chacun est leur raté réciproque, élaborant de très sérieuses théories sur l'art, la morale, la collectivité, le prochain, la politique et la sacro-sainte tolérance... la merde sociale purulente. Ils se persuadent autant qu'ils cherchent à persuader autrui qu'ils n'ont pas de vocation, de prédisposition, que personne n'en a ou si peu, que l'exception est une invention, que nous sommes tous kif-kif-bouricaut-démerdez-vous-avec-ça. Car absolument tout se vaut. C’est là leur profonde résolution.

Lui porte sur ses semblables un regard tantôt hagard, tantôt acide. Souvent placide. Il est dans l'étrangeté de ses notes intimes. Dans un autre temps, une respiration parallèle, un cerveau profond, un influx détourné, un laboratoire, une épuration des mots pour capter le plus adéquat... toujours. Il tient un compte de ses visions, de ses larmes. Son carnet vivant. Ses notes intimes : cauchemars, rêves, idées, pensées, coup de grisou interne, éboulements, apparitions, éclaboussures, contractions, crispations, convulsions, soubresauts.
Un spasme intrinsèque, impossible à déterminer, à cause d’une odeur, d’une caresse d’air, d’une couleur particulière et le fond le touche avant même qu’il n’ait songé à le toucher lui-même.
Les disparus en viennent à le visiter, portant leur requête au seuil de sa conscience. Ce ne sont pas des fantômes. Ce ne sont pas des flux surnaturels. C’est le code intérieur. Le programme inévitable. La mémoire concrète qui mène sa propre danse. L’écrivain ne fait que surfer sur ses vagues de magma en fusion. C’est là la grande énigme. C’est là la grande ivresse. La vitesse dans une immobilité sereine. Le souffle de l’Esprit du monde, des astres, de la poussière cosmique. L’Univers vibre et tout se met à parler. Paysages. Visages. Corps. Le quotidien que défendent les couchés, les aplatis, la meute, est balayé, relégué aux oubliettes, pour toute conscience qui se veut telle. L’actualité et son flot de malaises sinistres. Chômage. Sang sous les titres. Explosions terroristes. Viols en tournantes. Soudain, les racines plongées dans le suc fiévreux des ancêtres exigent leur déploiement vers l’avenir. L’Arbre veut pousser, ses feuilles veulent jouir. Et la lumière est si belle. Le Roman est un processus. Le Récit est une obligation. La cohorte peut aboyer autant qu’elle le désire, le Verbe poursuit sa route.

Il les reçoit d’ailleurs tous sans baisser la tête. Fixité de ses yeux.

C’est qu’on accepte de mourir quand on est dans la Vérité. On accepte de mourir quand on a expérimenté la douleur, la jouissance, la ténèbres et la lumière. Quand on a vu. Même si la souffrance se présente à la porte de sortie il y a un sourire intérieur qui vaut toutes les morts violentes.

Quant à eux, ils trouvent toujours un mot à dire, surtout quand ils n’ont rien à dire. C’est plus fort que tout. Il faut que ÇA parle. Il faut que ÇA éructe. Il faut que ÇA se rassure. Le néant veut demeurer comme tel. De temps à autre ils se doivent d’édifier leur crasse, leur néfaste malédiction qu’ils considèrent toujours comme la bénédiction ultime. Et l’anonymat est la parure adéquate pour se déplacer dans leur tourmente. Compromettre, déconsidérer, porter atteinte dans l’intime, ruiner pour être vraiment dans la jouissance collective. Pour être à l’unisson, vraiment, ne former qu’un seul bloc monolithique, lourd et banal : nuire, éprouver la singularité pour la réduire. Vomir, gueuler de la criticaille, trouver toujours quelque chose à dire. Molarder du foutre de séniles petites frappes ou des pertes blanches d’hystériques mal-baisées. Délation. Complot officieux. Inutile d’officialiser quoi que ce soit. L’officieux fonctionne à merveille depuis la nuit des temps. Et l’officieux aime à border l’Être dans ses attestations, ses certificats, ses normes. Car à sa manière, l’officieux est chicaneur, pinailleur, pointilleux, mais le dandysme en moins. C’est-à-dire : obsédé. Son obsession est une vertu à ses yeux. Sa maladie une éthique. « Sus à l’extrémiste ! Sus au paranoïaque ! Celui qui nous rappelle ce que nous sommes, à mort ! À bas ! »

Les tontons macoutes de notre douce métropole veillent. Ils font tourner leurs zombies dans les sphères où l’on pense pour une surveillance de premier ordre. Et leur pensée est une pensée de porcs. À l’écoute, l’attention en alerte, le doigt sur la détente, ils flinguent à bonne distance, prêts pour la mitraille. Ils sont tellement nains, tellement « beaufs », tellement dénués de tact qu’ils ne se cachent même plus ou si peu, fiers d’approcher leurs cibles avec le système entier en paravent pour leur protection, sans qu’ils n’aient même pas besoin de se cacher. Leurs basses besognes se pratiquent de plus en plus au grand jour. D’officieux on passera bientôt à Officiel. Une fois que les cerveaux bien lavés seront aptes à recevoir les doses de came nécessaires à la bienséance globale. Ils le sont déjà dans une large mesure.

La tactique est notoire. Toute pensée non validée se doit d’être expurgée de toute proposition néfaste, si on y parvient pas, purgeons-la purement et simplement. « Pour que la purge soit efficiente discréditons, tous ensemble, en masse, en horde, en LÉGION, le sinistre paltoquet qui ose péter plus haut que notre cul, qui ose se proclamer Souverain (pourquoi pas Seigneur pendant qu’il y est !) en l’acculant au précipice de l’Histoire, en l’obligeant à se soumettre devant les monceaux de cadavres. Il est d’extrême droite, c’est sûr. » Les déviationnistes d’aujourd’hui seront lapidés. Les exécuteurs n’ont pas d’état d’âme. Que celui d’entre vous qui est sans péché jette la première pierre ? Il n’y a pas de péché. Il n’y a pas de hiérarchie. Le seul ordre qui vaille est celui de l’égalité. Le nivellement est une idée neuve en Europe. Mieux : une idée neuve dans le monde. D’ailleurs le Monde est une idée neuve et indéfiniment renouvelée. Voici une foi qui n’a rien au-dessus d’elle. Ces inquisiteurs qui s’ignorent ont le vent en poupe. Subsides, allocations et contributions les arment et gonflent leur espoir. Et leur espoir est redoutable. Il mord. Il mord tout ce qui cherche à propager une singularité altière. Il mord et met en pièces toute critique qui ne rentre pas dans le cadre de la livide bidoche qui lui fait office de cervelle. Car la tripaille est sa satisfaction. Fast-food littéraire. Fast-food philosophique. Fast-food et loisirs. L’Institution veille au grain. L’institution a fait rentrer dans son giron les rebelles. Les originaux ont droit de cité. L’Originalité est acceptée… tant qu’elle est « éthique ». Tant que la Matriarchie Républicaine peut s’y mirer comme en un miroir. Comprendre que c’est là son « éthique ». Et son « éthique » exige une surveillance générale, digne des pays de l’ex-bloc de l’Est au sein desquels tout le monde surveillait tout le monde.

Si votre originalité n’est pas conforme la horde viendra. La meute tribale. Les porcs désincarnés aux ordres de la nouvelle nomenklatura. Prêts au sale turbin moral.

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Bande son du moment : Le Groupe Murderer's Row

Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « Dans "Cosmos Incorporated" la référence fondamentale est une vieille querelle scolastique du XIVème siècle, quand saint Thomas d'Aquin se dresse contre les tenants des théories d'Averroes, qui avait inventé le monopsychisme. Ça consiste à dire qu'il n'y a qu'un seul psychisme qui est une sorte de force démiurgique, ce qu'il appelle "l'intellect agent séparé", donc séparé aussi bien de Dieu que de l'âme humaine. Une sorte de force autonome, qui se pense à travers nous et qui nous pense. Cette théorie trouve alors écho à la Sorbonne auprès d'un certain nombre de théologiens catholiques de l'époque, et saint Thomas se dresse contre en disant que l'homme est un être pensant, un être libre. Pour moi, le monopsychisme, c'est le point d'ancrage en Occident du nihilisme, le moment où ça va déraper. Ça va donner ce que j'appelle les "fausses lumières", puisque pour moi, les vraies lumières ont lieu au Moyen-Age. Ça va se confirmer avec l'émergence des idéologies modernes, à partir de la Renaissance, c'est-à-dire le libéralisme, le nationalisme, la destruction de l'Europe, les guerres de religion, la Révolution française, le stupide XIXème siècle, comme disait Léon Daudet, les guerres mondiales, le XXème siècle, et puis là où on en est maintenant. » Maurice G. Dantec

Humeur du moment : Actif dans la Pensée... Pensif dans l'Action...

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30/03/2007

Vivre et Écrire - III

Dans les grandes lignes, Écrire n’a pas la moindre importance. De nos jours, le risque est de petite envergure. Affirmer qu’on trempe sa plume même dans du sang, c’est souvent prendre la posture qui convient. Le spectacle en société vaut le détour. Vous aurez beau, emprunté d’une pouézie moderniste-expérimentale, recouvrir votre page de haut en bas de mots du type « massacre », « holocauste », « génocide », « viol », « tuerie », pas une goutte de sang ne viendra poindre sur votre papier… ou sur l’écran de votre PC. L’écrivain poussera son cri en vain. Même dévoré par le démon de sa névrose, il pourra, une fois le cahier rangé dans son tiroir ou laissé en vrac sur sa table de travail, son écran éteint, aller aux putes se faire sucer la queue, au supermarché le plus proche s’acheter une bouteille de Whiskey, se mettre à table en compagnie de sa fratrie, pointer à l’ASSEDIC, se promener dans la ville, dans la campagne, ou dans le trou du cul du monde. Un œil jeté aux livres qui encombrent les étagères des librairies le confirme à merveille. « Ça » ne trempe sa plume nulle part. « Ça » trompe sa plume et « Ça » trompe son monde en se trompant soi-même. Là, « Je » n’est même pas un autre. Trifouillage de mots. Masque sur les maux. Les profondeurs de l’Être sont merdiques aussi. Mais « Ça » se révèle à qui sait lire. Phrases pauvres ou pompeuses et architecturales, emphase, dérèglement nerveux et distance d’avec les missives. Et « Ça » a des théories sur les autres toutes faites mais bon sang c’est bien-sûr !

Écrire. J’en viens à éprouver du dégoût pour cet Acte et à ne plus même en mesurer le sens initial. Aussi je sors à mon tour dans la fraîcheur du soir et pars trouver un meilleur usage de mon corps pour ne pas ressembler aux usurpateurs. Car Écrire devrait être le risque par excellence, celui par lequel on se confronte en premier lieu à soi-même et aux autres toujours à travers soi-même. Quand la douleur se présente et qu’on ne désire pas l’esquiver, mais la regarder bien en face dans la noirceur de ses yeux au lieu de contaminer les autres de son poison néfaste. Car l’exigence qui compte est celle de la Vérité. Mais il faut se mêler aux faits, y inscrire sa persévérance au lieu de s’enfoncer dans une logorrhéique surabondance de foutre verbal qui n’est qu’une catharsis arrêtée sur elle-même. Appliquer des formules sans cesse. Brasser des mots, juste pour faire de jolies phrases. Déployer sa syntaxe, son vocabulaire pour que sa basse-cour prenne soudain des airs de cour royale. On peut, avec un peu de chance et beaucoup de culot devenir chef de meute. Mais « Celui qui veut apprendre à voler, celui-là doit d'abord apprendre à se tenir debout et à marcher et à courir, à grimper et à danser. Ce n'est pas du premier coup d'aile que l'on conquiert l'envol ! »*

Oui. Écrire est autre chose. Ce n’est, en tout cas, pas se draper de dentelle, se calfeutrer de distance, même si pour survivre, parfois, souvent, l’homme doté de raison pratique avec délectation l’Art du détachement. « Écris avec ton sang et tu verras que le sang est esprit. »* C’est qu’il convient d’observer les phénomènes « à mi-pente »* selon cette « morale de la pente »** que Saint-Exupéry exprimait avec une grande lucidité pour la « Terre des hommes »**. « Ce pour quoi tu acceptes de mourir, c'est cela seul dont tu peux vivre. »**

Contre l'improbable abstraction, facile et seulement musicale se doivent de prévaloir l'appréciation, l’évaluation, le jugement qui font surgir l’idée qui nous fait maintenir le fil d’Ariane qui en vient à élargir notre vue qui honore notre sentiment qui nous couronne de la pensée. Cependant, loin d’être docile face au cortège d'émotions surannées, Écrire instaure le face-à-face de l'homme avec le monde, le duel propitiatoire, la confrontation légitime de l’individu avec la Cité. Joute éternellement recommencée depuis l’Antiquité lointaine.

Vient la Vision. L’œil révèle la représentation passée au prisme de la subjectivité. Le « Moi » se voit affiné, débarrassé de ses scories grossières il devient une loupe frontale, un scalpel méticuleux. L’Impression est le trésor à capter pour dire le flux énergétique qui transperce le monde. L’objectivité naît-elle de la rencontre de la rencontre de plusieurs subjectivités ? Car ce qui importe, dans l’acte d’écrire, c’est (avant l’effet exprimé) la vue, le sentiment, l’intuition, la sensation, les cinq sens et le sixième naissant du parfait équilibre des cinq premiers. C’est une perception de plus en plus fine, aiguë, cinglante, de la réalité cachant le Réel de l’Être.

Écrire est une rencontre avec le monde. Et le monde ne vient au monde que parce que l’écrivain le regarde, le conquiert, le saisit, le comprend. Le monde obtient ainsi son unité dans la diversité qui est la sienne. Il y a le futur qui appelle. Il y a la grâce lumineuse de l’Origine. Il y a l’Instant, le Lieu et la Formule. Ici et Maintenant. L’écriture peut-être sobre, directe, travaillée, journalistique, classique, mais la chose observée, le phénomène appréhendé se doit d’être transcendé par l’absolutisme de la Vision qui s’impose et que la Raison sait étreindre. Sinon c’est du verbiage. Du nombrilisme. De la posture.


Se contenter de décrire la nature ? Écrire automatiquement ? Jeter des phrases en l’air en mimant la maîtrise ? Le jeu peut découvrir des parts de nous obscures, mais cela ne suffit pas. Écrire nous fait toucher les secrets du monde et nous les fait livrer sur la page comme des offrandes. La Raison guide, mais il ne s’agit nullement de faire du rationalisme car, n’en déplaise aux scientistes et aux scribouillards prosaïques l’énigme, la profondeur, l’obscurité, l’Ombre Silencieuse qui hurle, l’arcane secrète, l’intangible et le sacré percent vers nous sans cesse. Les captons-nous ? L'essence de l’écriture est la poésie : un émerveillement, une admiration, une extase dans le frimas percé par une lumière que nous croyons d'ailleurs mais qui est d’ici. C’est le démesuré, l’incalculable qui nous anime. C’est un souffle de feu, une palpitation de tellurique, une pluie de larmes de joie ou de souffrance. On l’approche tout au plus. S'en emparer est impossible. Écrire est cette parole que ce souffle nourrit et manifeste, d'où son pouvoir sur nous.

En lecteur enchanté de la « Paideia » de Werner Jaeger, je peux vous confirmer que « Poïésis » signifie, en Grec ancien, « faire en fonction et à partir d’un savoir ». C’est une action qui transmue, tout en l’affirmant, le monde. Cependant, ce n’est pas une fabrication limitée à ses données techniques, ni un simple rendement, un vulgaire ouvrage. C’est le suc substantifique. L'œuvre issue de la « poïésis » réconcilie l’intelligence, la Raison, l’entendement, la méditation, la réflexion, la rêverie, la fantaisie, autant dire l’Esprit avec la substance et l’étoffe de nos carnes sur ce vieux caillou et avec le temps qui nous est imparti, et l'homme avec l’Univers sous l’œil malicieux des dieux… ou l’œil scrutateur du Dieu unique. Elle est le partage d’un bien commun, des corps se croisant et embrassant un chant dans une étreinte de l’esprit, une éclosion commune dans le cercle de l’engagement, de la rencontre, les juteuses harmoniques issues de l’altercation entre la matière, le temps et les hommes. De cet Athanor naquirent les Cités de la Grèce ancienne, les œuvres des poètes et penseurs pré-Socratiques. Même le sinistre Platon. Sur la scène du monde. La Poésie est cette action dans le monde qui fonde sans cesse le monde. Écrire n’est rien d’autre que cela. Par nous le monde s’accouche continuellement. Supprimez la Poésie et le monde implose sur lui-même. Supprimez la Poésie… ou exaltez-vous de mauvaise littérature.
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*Friedrich Nietzsche
**Antoine de Saint-Exupéry

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Bande son du moment : L'intégralité des albums de King Size


Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...

Citation du jour : « Bien écrire, c'est le contraire d'écrire bien. » Paul Morand (Venises)

Humeur du moment : Le regroupement des forces... encore et toujours...

22/03/2007

Polyrythmies...

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16/01/2007

Conservateur

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«L’histoire, ce témoin des siècles, cette lumière de la vérité, cette vie de la mémoire, cette maîtresse de la vie.» Cicéron


Ce jour, suite à quelques sujets de discussions rapidement lâchés, dans la salle de pause, au travail, vous savez… l’intervention américaine en Irak… l’avortement… l’euthanasie… la peine de mort… le pape… à peine 3 ou quatre phrases sorties de ma bouche pour chaque sujet… bref, j’ai eu droit à la sentence banale à laquelle je suis habitué depuis plus de 20 ans : « Tu as des propos de réac’. T’es franchement conservateur ! » La personne en question, qui m’a chié cette phrase, vote à gôche, tendance Ségolène Royal et elle pense que si la France devait envoyer l’armée en Irak ce serait pour s’interposer entre l’armée américaine et la « résistance » irakienne… que l’avortement honore la femme… que l’euthanasie, ma grand-mère nous l’aurait demandé si elle avait pu, mais elle pouvait pas à cause de son semi-coma et nous sommes des égoïstes, ma mère et moi, nous l’avons gardé jusqu’au bout pour nous et uniquement pour nous… que Saddam Hussein, ben on n’aurait jamais du le pendre, parce que la peine de mort (même pour crime contre l’humanité) ben que c’est pas bien… et que le pape pourrait faire un effort, merde, c’est vrai quoi, il pourrait penser à l’Afrique, merde alors, et aider à la propagation du préservatif… par la même occasion, qu’il officialise des prêtres pédés… « On est en 2007 tout de même ! » Aux temps messianiques probablement.

Bon, je ne vais pas expliquer ce que je pense et de l’affaire Irakienne, et des petro dollars, et de la situation géopolitique de la mondialisation en cours, et de l’avortement, et de l’euthanasie, et de la peine de mort (en particulier pour crime de guerre et crime contre l'humanité), et de Benoît XVI. J’ai pas la tête à ça. Je me suis promis, dans un autre de mes posts, de sourire et porter le masque de circonstance. Non ?

En vérité je ne veux pas faire partie de la poulaille. La basse-cour pue. D’un bout à l’autre ça caquette et ça se tient chaud, plumes contre plumes et culs dans la fiente. Mon « trip » c’est d’être d’une race particulière, de celle qui est inévitablement détestée et abominée de beaucoup, mais gratifiée par quelques-uns. Cela me va comme un gant de velours recouvrant une poigne de fer. Et chemise en soie, s’il vous plaît, avec vouvoiement à la lettre, histoire de faire monter l’acidité gastrique dans l’œsophage du bobo contrit. Le tutoiement survient comme un couronnement… pour ceux qui le méritent.



« Je n'ai pas une minute à perdre
J'écris
Il est cinq heures et je précède
La nuit
Mon feutre noir sur le papier
Va vite
Pendant que ma lucidité
Me quitte

J'écris c'que j'ai vu
Diagramme des détresses
Le collier, la laisse
Je n'supporte plus
Vinyle de la rue
Fantôme de la vitesse
Tous ceux que je blesse
Je n'm'en souviens plus

J'ai atteint la date limite
Pour le suicide idéal
La date que j'avais inscrite
A quinze ans dans mon journal

Je croyais, la vie passe vite
Je croyais, je n'crois plus en rien

Es-tu prêt à mourir demain ?
Es-tu prêt à partir si vite ?
Les yeux baissés tu ne dis rien
J'ai atteint la date limite

Je ne suis plus de votre race
Je suis du clan Mongol
Je n'ai jamais suivi vos traces
Vos habitudes molles
J'ai forgé mon corps pour la casse
J'ai cassé ma voix pour le cri
Un autre est là qui prend ma place
Un autre dicte et moi j'écris

L'autre
Je suis l'autre

Venez entendre la fissure
Le cri
De la sensibilité pure
Celui
Qui se dédouble et qui s'affronte
La nuit
Celui du sang et de la honte
Folie

Folie que j'ai vue
A l'angle des stress
Dans la jungle épaisse
Des mots inconnus
Je vois ou j'ai vu
Hôpital silence
Tout ce que je pense
Je n'm'en souviens plus

J'ai dépassé la limite
Du scénar original
Rien à voir avec le mythe
Etalé dans le journal

Tu croyais, la vie passe vite
Tu croyais, tu n'crois plus en rien

Je suis prêt à mourir demain
Je suis prêt à partir très vite
Regard d'acier je ne dis rien
J'ai dépassé la limite

Je ne suis plus de votre race
Je suis du clan Mongol
Je n'ai jamais suivi vos traces
Vos habitudes molles
J'ai forgé mon corps pour la casse
J'ai cassé ma voix pour le cri
Un autre est là qui prend ma place
Un autre dicte et moi j'écris

L'autre
Je suis l'autre »

Le Clan Mongol
(Bernard Lavilliers)


 

Il me convient de faire partie de ces clowns métaphysiques qui ne craignent pas d’affirmer différence, originalité et individualité, d’indiquer les hiérarchies dans les pensées et les actes en dédaignant le déroulement des péripéties quand celui-ci s’écarte un peu trop du discernement et de l’entendement. L’effronterie et l’impertinence piquent au vif les crétins, les stupides, les débiles, les idiots, les sots, les bornés, les bêtes, les cons, les ineptes et les niais naïfs. Une pensée qui s’assume et assume la réalité est une menace pour ces petites larves qui se chient dessus dés qu’elles doivent faire face à quelque personne pourvue d’une devanture de dandy et d’une profondeur de l’Être.

Certes, ma dégaine brouille les pistes. Mes goûts musicaux entachent cette chiquenaude : « Conservateur » ! Le Rock and roll est pourtant, à bien y réfléchir, une musique qui, de par son parcours sinueux, est à la fois révolutionnaire et… conservatrice.

« Je reste persuadé que le rock a atteint son ultime apogée vers le milieu des années 1990, moment où sa FORME TERMINALE s’est définitivement cristallisée : la chanson Kowalsky de Primal Scream, ou le D’You Know What I Mean, d’Oasis par exemple sont des concentrés quintessenciels de ce que fut la musique électrique du XX ème siècle.
Depuis, malgré les talents indéniables de quelques auteurs et musiciens, le rock ne peut plus que RÉPÉTER, avec quelques variantes accessoires, les formules inventées pendant quarante-cinq années de révolution permanente.
Il n’y a rien de plus CONSERVATEUR qu’un groupe de rock-music. »


Maurice G. Dantec (Le théâtre des opérations : 2002-2006 American Black Box)

Je ne sais pas si ça va en rassurer quelques-uns qui, se grattant la nuque ou le front (peut-être même le cul), se demandent sur quel pied ils se doivent de danser pour aborder d’une façon ou d’une autre le phénomène paradoxal que je suis. Mais j’émets surtout cette citation histoire d’emmerder les quelques gauchistes qui considèrent que le rock est une affaire de révolutionnaires anti-occidentaux. Alors que, précisément, le rock and roll (avec le Jazz bien entendu, dans sa version bop, cool, free ou fusion) est l’exemple même de ce que l’occident a accouché de plus beau, artistiquement, ces 50 dernières années. Se reposant sur l’apport essentiel de la négritude afro-américaine dans ce qu’elle a de plus altier, de plus digne, sur la volonté blanche de s’arracher aux habitudes bourgeoises que la société de consommation était en train d’installer. La noble négritude électrifiée par la fureur blanche. Bon, ok, je ne suis fan ni de Primal Scream, ni d’Oasis, mais j’entrevois très bien ce que le sieur Dantec a voulu nous signifier. J’ y reviendrai. Et je précise qu’il faut aimer la vie pour être un descendant d’esclave et oser hurler dans un micro avec une détermination rageuse convaincue : « I Feel Good ! ». Paix à toi James Brown, godfather du Rhythm ‘n’ Blues, de la Soul et du Funk !

« Conservateur ».

Ce qui emmerde avant tout, c’est le langage qui va à contre courant de la chienlit nombriliste. Il faut, vaille que vaille, être d’un groupe, d’une formation, d’un rassemblement. Éventuellement chrétien, tendance calviniste ou catho cool orienté Vatican II. UMPS. Sainte Chiraquie valeureuse. Alter mondialiste convaincu. Anti-américain, surtout. Faut être à la page. Le conformisme nauséabond de notre temps tient de la nausée la plus suintante. De toutes parts ça dégouline et personne ne voit rien, ou alors, mieux, ou pire, tout le monde le voit et trouve ça normal et joli. C’est définitivement l’exception, quand elle surgit, qui vient confirmer la règle de ce nouveau parc humain : la haine de la particularité, de l’irrégularité, de l’anomalie, de la parole et de l’acte hors pair. Et la vengeance immédiate, d’une manière ou d’une autre, à son encontre.

« Conservateur ».

J’aime la douceur et l’écoute, le dialogue (dans le sens ou David Bohm l’a exprimé), la compagnie des femmes, le rire des enfants… ok… ok… ne sortez pas les violons… car pour tenir debout, j’aime surtout ce qui est dur et taillé pour le corps des athlètes, j’aime ce qui scintille et bruit comme « les bijoux sonores » de Baudelaire, j’aime les décorations de guerre quand elles sont méritées, et je méprise la grisaille, la pauvreté, l’avachissement, la mollesse, les échecs, la médiocrité crasse. J’aime le luxe, le calme et la volupté (voir le même Baudelaire). Bref, j’aime tout ce que notre époque déteste. Mon cœur vibre à l’évocation de Nietzsche. Mon âme se tasse quand on me parle de Sartre. Beaucoup me dépeignent comme un être désenchanté, sombre et triste. C’est exact. Mais c’est ne voir qu’un côté de la médaille. Tentez de la retourner, ça vaut le coup d’œil. Rires. Vins délicats. Viande blanche en sauce. Verbe léger et charmeur. Danse de l’esprit et des corps. Fraternité. J’aime l’idée que je danse au-dessus du cratère, non sans crainte, mais avec une peur mesurée. Avec de la bravoure, non de la « bravitude ». Chants et rires. Rires et chants. Insolence au programme. Tant pis pour les frileux. Une pensée leste et claire devient fatale pour les gueux. Lueur dans la nuit. Obscénité crue des propos. Mais pudeur calculée et consciente. La pudeur mène vers la raillerie et le persiflage. Épée. Plus précis : errance solaire, fleuret, plume et marteau. Art des masques dont les contours torturés inquiètent uniquement les chiens qu’ils sont sensés inquiéter, c’est-à-dire presque tout le monde. Ainsi, on pénètre l’arène en gladiateur libre d’avance et on use des termes qu’il faut avec qui il faut. La confrontation, de toute façon, est déséquilibrée dés le départ, il faut de la stratégie pour se faufiler au milieu de la meute. Le calme, la froideur, le détachement qui me caractérisent sont une manière de cacher la confusion, la pagaille, le bordel, les troubles de mon cœur, le chaos de mon âme, et de les distiller, à ma convenance, comme des poisons ou des contre-poisons afin d’imposer un agencement, une ordonnance, une économie, une organisation dans l’échange sous le couvert de la clarté et de l’élégance.

« Conservateur ».

Je sais, il est beaucoup de conservateurs qui dorment comme des chiens, le nez au chaud entre leurs couilles. Ils muséifient dans la poussière croyant protéger et promouvoir. Nécropoles intestinales. Ils appellent de leurs vœux le retour d’un passé qui est mort et enterré depuis longtemps. Mais, vous l’aurez compris, j’espère, je ne me réclame pas de ces insignifiants.

« Conservateur ». On devine aussi le terme « Fasciste » qui, parfois, tombe comme le marteau du juge. C’est vite évacué. ON est vite évacué. Le débat est vite évacué. Refus de complexifier la vie qui est pourtant bien complexe. Car si je suis, entre autre, « conservateur », c’est parce que je me sens dépositaire d’un legs et que je me dois, à ma modeste échelle, d’en assumer la succession. Je veux garder un œil ouvert sur le phare tandis que je m’aventure entre les récifs. Les falaises me parlent, là-bas, fouettées par les vagues, éternelles dans leur écrin de nacre et de sel, même si l’horizon inconnu m’appelle comme une obsession. Les empreintes de notre passage, là, devant ces falaises, je veux les conserver. Je veux me souvenir. Je refuse l’extinction de la mémoire. C’est bien d’un Acte dont il s’agit ici, non d’une réaction se rongeant le frein, arrêtée sur elle-même. Conserver ce qui se doit d’être préservé c’est faire un bras d’honneur à la mort, au temps, aux opinions terre-à-terre. Fi de la soumission éternelle. Je préfère l’éternité insoumise. Les racines tissant en voluptueux rhizomes le sens du glébeux que nous sommes. Le mouvement constant, le changement n’est possible qu’avec un sens de la Fondation. « Conservateur ». Pour aller sur Mars : la rage antique contre la peste moderne. « Conservateur ». C’est l’Ordre profond qui m’intéresse. La sentinelle de l’Humanité. Le gardien du lieu Saint que plus personne ne désire honorer. S’il y a des « rockers » parmi vous, peut-être comprennent-ils à présent la citation de Dantec.

Et un Jack Daniel's... un.

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Bande son du moment : « The Isle Of View » par The Pretenders

Lecture du moment : En parallèle : « Grande Jonction » et « American Black Box » de Maurice G. Dantec

Citation du jour : « On ne conserve pas des valeurs. On les transcende sans cesse. Sinon, elles meurent d'elles-mêmes. » Christian Boiron


Humeur du moment : Méditatif

 

08/01/2007

Vivre et Écrire II

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=

« ENIVREZ-VOUS

Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous !

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise. »


(Les petits poèmes en prose) Charles Baudelaire

Je n'aime pas perdre de temps en matière de lecture... et je ne souhaite plus ouvrir de livre pour simplement me distraire, puis faire un amalgame entre une certaine légèreté que je revendique (et ne confond nullement avec la frivolité) et le Nihilisme qui consiste à être vain... Je ne parviens pas du tout à rester devant un film de série B à la télévision, avec ou sans cacahuètes... avec ou sans bière... et lorsque j'ai besoin de légèreté, quelques biographies simplistes mais intéressantes mises à part ("La Fièvre de la Ligne Blanche" par exemble, par LEMMY KILMISTER, bassiste-chanteur du fabuleux groupe Mötörhead et baroudeur Rock 'n' Rollesque depuis une quarantaine d'années...)



(... ou encore, "Mort aux Ramones", par Dee Dee Ramone, bassiste et compositeur principal pendant les plus belles années du combo Punk The Ramones... Lemmy et Dee Dee, deux cramés de la tête, l'âme écorchée vive et le rire nihisliste comme unique voie de sortie... mais couronnée par quelques superbes chansons dont l'énergie nourricière n'a de cesse de me requinquer depuis les hautes heures sombres et lumineuses de mon adolescence.)



...des lectures "coca-cola" (selon l'expression d'une amie) qui aèrent la tronche, favorisent la purge et contribuent à faire fonctionner les zygomatiques avant l'explosion salvatrice du rire.



Hormis ce genre d'exception, quand j'ai besoin de légèreté, c'est encore vers la littérature que je me tourne : de Djian à D’Ormesson... l'éventail est large... Car simplement me distraire, sans rien apprendre, ce n'est pas du tout ce que j'attends de l'énergie déployée dans la lecture d'un livre. Ce vers quoi j'aspire, par le biais de la littérature, c'est d'être secoué, perturbé, renversé, avant que de pouvoir déployer des ailes... plus fort... plus serein... plus sage. Plus souverain aussi. Si il y a maint styles et moult écrivains, il n'y a, à mes yeux, qu'une seule Littérature... un seul Verbe... avec tout ce que cela peut impliquer en terme symbolique.

Si la définition basique et banale de la littérature de notre abominable époque (comme me le soutenait une de mes connaissances) consiste de plus en plus à ne considérer la littérature uniquement que comme un domaine comprenant les oeuvres écrites à finalité esthétique (pour quelques unes qui surnagent péniblement du lot nauséabond) ou ayant pour but unique de raconter une petite histoire (nombriliste et agrémentée de quelques thèses conspirationnistes étouffantes, excluant du coup tous les écrits comprenant des thèmes philosophiques, politiques, historiques ou religieux) j'en arrive à comprendre très vite pourquoi "Le Diable s'habille en Prada" ou le "Da Vinci Code" sont considérés comme de la Littérature. De la Littérature de gare disent quelques esprits sur la défensive. La littérature de gare, fut un temps, était signé Simenon ou Féval, autrement dit, même la classe populaire lisait quelque chose de palpable, de concret, avec de la consistance. La petite histoire esthétique personnelle, définition tellement basique qui semble sortir d'un Larousse, précisément le type de définition qui ferait se hérisser les pics de n'importe quel écrivain. C'est tellement réducteur, qu'en effet, n'importe quel scribouillard doté d'un peu d'imagination et sachant manipuler quelques phrases peut être catapulté écrivain pour son plus grand bonheur... et pour notre malheur à tous.

Bah, me direz-vous... il y a tellement de choses plus graves ici-bas, sur ce pauvre caillou bleu perdu dans l'infini, qu'à quoi bon se prendre la tête pour une histoire de définition littéraire ? Hmm ? Après tout, mes contemporains ont peut-être raison... je me prends la tête tout seul... je devrais, probablement, me laisser glisser dans l'alcôve universelle, dans l'érection de la Métastructure Machinique à laquelle tout le monde consent sans trop se poser de questions. Surfing is good. Et nous sommes loin du Surfing Bird des Trashmen, repris avec verve et fureur par les Ramones que j'évoquais plus haut. Non, le Surf sauvage, aristocrate et psychédélique a laissé place à un surf idéel, faussement idéal, virtuel et désincarné, déguisé par des artifices qui ne tiennent rien du dandy, mais plutôt de l'autruche s'enfonçant la tête dans le sable et présentant son cul masqué pour une enculade au sens propre et au sens figuré que le "théâtreuh" que nous jouons au quotidien nous empêche de considérer de face. La Vérité pose des problèmes.

Pourtant, le rôle de la Littérature, et de l'Art en général, par extension, est des plus simple. Il consiste à dire la Vérité, à regrouper en faisceaux communs les forces éclatées pour honorer l'Intelligence, faire voler en éclats les masques de l'autruche, et si l'artifice culturel nous distingue tous du troglodyte moyen il ne doit pas être utilisé pour nous masquer nos rides : notre passage ici-bas est bel et bien éphémère. Il faut disséquer. Sans crainte. Mais les craintes sont grandes. Et le poids de la Vie considérable.

Les coups que je reçois, à force de dévoiler le fond de mes pensées, dans ce Blog comme dans la Vie réelle, me laissent toujours perplexe car je trouve les coups en question, les justifications, les arguments, inutiles. Pourquoi ? Parce qu'en ce qui me concerne l'affaire est entendue : je sais ce qui est de la Littérature et ce qui n'en est pas. Point. Je sais, indiscutablement, ce qui est de la Pensée et ce qui n'en est pas. Mais envers et contre tout on cherche à me convaincre... de quoi ? D'être futile et vain. « Le péché n’est pas que les locomotives soient mécaniques, il est que les hommes le soient. » G. K. Chesterton

Et ça me fatigue de plus en plus la justification ad nauseam que je vais finir par me dissimuler. J’ai quelques talents de comédien. Je sais, aussi, acquiescer et sourire bêtement. La résistance passe d’abord par l’acte qui consiste à sauver sa peau en passant inaperçu. Dois-je cacher mes élans ? Arrêter de sortir mes grandes phrases, mes théories pleines d'emphase, mon souffle parfumé ou fétide ? Je vais me planquer. Je vais enfin dire des banalités, ça finira par en rassurer plus d’un et, ainsi, peut-être parviendrai-je par rentrer dans le rang de leur estime. Pour vivre heureux, il faut savoir planquer son cul. C'est ça ? Et pour vivre caché il faut parvenir à être heureux pour puiser la force adéquate en soi qui met à l'écart par le biais du masque qui cache sans rien révéler. Un peu d'hypocrisie ne me fera pas de mal, un peu d'hypocrisie orientée selon mon plein vouloir et non par cette moraline puante qui caractérise tellement notre époque de lâches.

Mais la vérité est autre. Laissez-moi soupirer.

Je me lève tous les matins vers 7h30 et je suis incapable de me coucher avant 1h30/2h00 du matin. Le travail de magasinier vaut son pesant d'insomnies. Je rêve de traverser toutes les nuits du monde, passer de l'autre côté de la ténèbres. « Break on through to the other side ! » Pendant que les écrans des Mac et PC scintillent de leur banalités tellement vaines, je termine « Carnet de nuit » de Sollers... « L'évangile de Nietzsche » de Sollers encore (avec, entre autre, un magnifique chapitre consacré à Venise, ce qui enchante le guitariste du groupe VENICE que je suis)... et je poursuis ma descente Cancérigène vers l'antidote salvateur en lisant lentement « Grande Jonction » de Maurice G. Dantec. C'est mon affaire, voyez-vous ? Le pire c'est que j'en souris, même lorsque c'est amer, alors qu'à 20 ans j'en aurais pleuré de dégoût. Et il me faudrait lire le « Da Vinci Code » et ses théories fumeuses pour bonnes femmes puritaines en pleine descente de névrose ou en pleine montée d’hystérie… parce que ça les rassure de se dire que Jésus aurait baisé Marie-Madeleine, aurait vécu « normalement », comme un homme avec une bite ? Oui, ça les rassure de se persuader que Jésus ait laissé une descendance, féminine par dessus le marché. Notre époque est spécialisée dans le tassement, le rabaissement. La Guillotine selon d'autres moyens. Impossible de leur faire comprendre que Jésus avait, sûrement, des érections parfaites (ce n’est rien de le dire) mais que le fond du problème n’était pas là, même circoncis et Juif par sa mère, sa situation dépasse le Freudisme de Prisunic.
« Virgina Madre, filia del tuo filio » écrivait Dante dans sa « Divine Comédie », ce qui n’arrange pas les choses pour les dégarnis du bulbe. « Vierge Mère, fille de ton fils ». De quoi méditer quelque temps au lieu de se complaire dans la vulgarité rassurante, ne fut-elle que, prétentieusement, « romanesque ».

Selon Philippe Sollers :

« Effets du "spectaculaire intégré" :

1. Ils ont tous tendance à dire la même chose en même temps, au point que le phénomène paraîtrait mystérieux s'il n'était purement technique. Comprendre : Pavlovien...

2. La perception rétinienne est hypertrophiée (somnambulisme inversé), d'où l'importance de la perception physique, immédiate et quantitative. La grande affaire : grossi ou maigri ?

3. Dévalorisation sans précédent de l'activité intellectuelle et littéraire. »


(Carnet de Nuit)

Oui. Ils, elles, se posent des questions banales. Ils, elles, dorment debout. Le sommeil qui les possède les rassure. Le gouffre est une abomination qu’ils ne souhaitent nullement affronter et cette attitude est l’abomination de l’abomination, ce qui est pire. Pourtant j’ai croisé parmi eux, parmi elles, des esprits brillants, intelligents mais qui ont fini par s’aplatir, par rendre les armes. Mais « même les élus seront séduits » affirment les Évangiles. Ces résonances sont bien singulières. « Parce que tu n'es ni froid ni brûlant, mais tiède, je te vomirai de ma bouche » affirme le Seigneur. Résonnances bien singulières, en effet.

Car la Littérature c’est une autre histoire, voyez-vous. Toujours de Sollers : « Chaque fois, les phrases se sont mises à fonctionner avant que je sois là, ou plutôt leur espace, leur air. J'ai continué, ce qui veut dire : garder le commencement, sans cesse. » Le Verbe nous rend esclave. Esclave Joyeux et Souverain.

La littérature, comme toute création artistique (oui je sais, c'est une histoire de prétendants présomptueux) est une affaire qui nous mets en contact direct avec le réel (qui n'est pas la réalité), avec le réel de l'Être. Mais le réel en question, par strates progressives se trouve d'abord bousculé sens dessus dessous avant que d'être... transcendé... même si c'est à un niveau d'immanence insoupçonnable par les somnambules. (Voir plus haut). L'Homme (terme, ici, générique) est confronté à la même rengaine éternelle que nous connaissons tous : Je viens d'où ? Je vais où ? Qu'est-ce que je branle ici ? À quoi qu'ça sert tout ce cirque individuel ou collectif ? Usons donc d'un peu de Style. « Ton Style c'est ton cul ! » gueulait Léo Ferré, un peu énervé, je dois dire, le vieil anar. On cherche à mettre en scène, donc, par la manière la plus évidente à nos yeux, on cherche à représenter ce pauvre Réel qui nous fait tourner en rond comme des loups affamés dans une cage. Style et Stylet ont la même racine étymologique, voyez-vous, et un Stylet n'est jamais qu'un poignard à petite lame aiguë. Mais c'est aussi, en zoologie, la partie saillante et effilée de certains organes. Autrement dit, la littérature a toujours consisté à mettre à nu, à montrer le fond des choses, à révéler les aspects rugueux et les angles tranchants du Réel de notre Être confronté à la réalité.

Expression sur un support d'un sentiment qui s'impose par lui-même, la littérature pose des questions, tente des réponses, élabore un équilibre précieux qui autorise l'émergence de valeurs nouvelles. Tout le reste, vain ou pas, c'est du blah-blah, même si ça en soulage plus d'un de se trouver "cool" et "détendu". User du Stylet, amis, c'est trouver le point de rupture qui donne le souffle de l'évocation, fait grandir la force de ce souffle, accouche d'une structure particulière, d'une musique dans la langue, offre la perspective d'un point de vue, dessine une synesthésie (Trouble sensoriel caractérisé par le fait qu’un seul stimulus entraîne plusieurs perceptions... ainsi on se met à entendre la peinture, à sentir les mots, à toucher les idées... la musique devient sculpture... une symphonie devient une peinture épique... etc...). Voyez ou revoyez « Les Illuminations » de Rimbaud... par exemple... ou méditez, longuement, sur les « Correspondances » de Baudelaire.

Le Style, la langue, les mots qui finissent par guérir les maux, c'est là la première réponse immédiate à la situation dont je parlais quelques lignes au-dessus, car l'action qui est en cours dans cette curieuse incarnation Verbale (le Logos n'en finit plus de s'incarner et s'incarner encore et encore) permet une autre perception de la situation en question. Cette action est la Littérature en personne : un rapport profond avec la texture même du Réel qui nous fait pénétrer par des portails d'Or et d'Ivoire dans un Royaume que peu comprennent. Un peu comme avec la musique : on joue une seule note, au piano ou à la guitare, un simple "la"... et si l'oreille est sensible, on entend soudain la quinte (mi)... la tierce (majeure ou mineure, selon notre état d'esprit... do... ou do#). La Réalité banale du "la"donnera une chansonnette... si on perce son réel (ô vives harmoniques) on devient un artiste... car harmonisations et orchestrations qui en découlent ne se peuvent d'être banales, même si elles sont parfois simples. Il s'agit bien de CAPTIVER, CHARMER, CONQUÉRIR, ÉMERVEILLER, ENSORCELER, ENVOÛTER, FASCINER, RAVIR, SÉDUIRE, SUBJUGUER, SAISIR... non pas le lecteur mais la réalité qui, explosant, mène au RÉEL. À la question « que peut-on faire ? » y'a-t-il une réponse universelle ? : AGIR. La Littérature c'est le Verbe qui ne se prostitue pas... mais qui agit... « SOIT ! »... et celà EST !

Et pour agir, il faut se donner les moyens du langage. Il faut se doter d'une réponse car notre condition l'exige. Ce n'est pas, comme le croyait Sartre, une Action sur la réalité, mais c'est une action sur le Réel de notre Être, sur le Réel de l'ÊTRE en tant que tel. Le Réel de l'Être changeant... la perception de la réalité devient vivable. Il paraît que nous sommes faits à l'Image de Dieu. Que de stupeurs en perspective. Il me faudrait m'amuser à vous expliquer la "naissance" de Dieu... le Tsimtsoum... et le sens de Bereshit... mais vous avez GOOGLE
, soyez débrouillards un peu, ça ne vous fera pas un deuxième trou au cul... en tout cas ça risque de contribuer à vous nettoyer le sphincter... Je m'adresse ici à quelques détracteurs qui se reconnaîtront.

Il faut une constitution forte pour affronter la médiocrité ambiante, grandissante, conquérante, aux hordes gigantesques. Légion. C’est que Nous sommes dans un hôpital psychiatrique généralisé, organisé selon le schéma objectif d’un camp concentrationnaire. Actifs dans notre sommeil. Actifs pour le sommeil. La prise de Conscience, en semblable circonstance, est une balle d’argent pénétrant notre cervelle. Une Croix et son chemin qui mène vers le Golgotha.

« Cette douleur plantée en moi comme un coin, au centre de ma réalité la plus pure, à cet emplacement de la sensibilité où les deux mondes du corps et de l'esprit se rejoignent, je me suis appris à m'en distraire par l'effet d'une fausse suggestion.
L'espace de cette minute que dure l'illumination d'un mensonge, je me fabrique une pensée d'évasion, je me jette sur une fausse piste indiquée par mon sang. Je ferme les yeux de mon intelligence, et laissant parler en moi l'informulé, je me donne l'illusion d'un système dont les termes m'échapperaient. Mais de cette minute d'erreur il me reste le sentiment d'avoir ravi à l'inconnu quelque chose de réel. Je crois à des conjurations spontanées. Sur les routes où mon sang m'entraîne il ne se peut pas qu'un jour je ne découvre une vérité. »


Antonin Artaud (à André Gaillard) - Fragments d'un Journal d'Enfer (1926)

C’est une sacrée affaire, je vous le dis, une fois la balle d’argent illuminant les neurones que de parvenir à porter au lecteur le diamant salvateur qui sera sensé l’illuminer à son tour. Cristal. Feu qui consume sans brûler. L’écrivain, également lecteur, procède de par ses mots, malgré lui souvent, au dénombrement, à l’énumération, au recensement de tout ce que la Littérature se doit de tenir comme promesse pour clamer la Présence du Réel. La Langue est expérimentation alternative, réalisme, classicisme, Romantisme, Futurisme, mais elle veut passer le Temps et porter une œuvre par-delà la mort de l’auteur. Son souffle est de tous les temps, de toutes les époques passée et à venir. Le but est de porter cette illumination vers un seul individu peut-être qui se sentira dépositaire et transmetteur à son tour. La Langue veut le frisson, les fièvres, la scission du désespoir qui sème un champ particulier pour des moissons d’espoir. La fiction parvient, c’est là sa singularité, à rendre efficace dans les synapses du lecteur exalté la perception du Réel, à la rendre active. Blanchot : « Le mot agit, non pas comme une force idéale, mais comme une puissance obscure, comme une incantation qui contraint les choses, les rend réellement présentes hors d’elles-mêmes. » Car le Verbe ne qualifie pas cette piteuse action qui consiste à parloter et palabrer entre une coupe de champagne et un boudoir, ou à scribouiller une petite histoire pour nous persuader que le diable s’habille en Prada, ce dont je n’ai jamais douté. J’ajoute même qu’il a un sourire d’enfant innocent, le Diable, pendant qu’il tue. Le conte, la fable, l’illusion, la chimère, l’invention dialectique, le mirage qu’élabore l’écrivain, est RÉEL. Le RÉEL est de la sphère de l’entendement, de la raison, de la pensée, de l’intellect, de la raison, de l’esprit, de l’âme du monde pour ne pas dire de l’Univers. Mais il s'INCARNE. Le RÉEL n’est pas du domaine fini et arrêté, uniquement social, des phénomènes quotidiens, des évènements et situations banals « à la p’tite semaine ». Si les faits sociaux peuvent être un point de départ, il ne convient pas uniquement de les décrire, il faut aller se vautrer un peu dans le fumier, mettre son nez dans les plaies de la chair et de l’âme pour découvrir que l’Univers entier est peut-être une Pensée jouissante. Car décrire la réalité sociale ce n’est rien d’autre que se confronter à l’opacité des symptômes. Surface. Aspect. Dehors. Apparence. Brisures. Obscénité dont personne ne voit la pornographie sous-jacente. Réécoutez l’album « Pornography » de Cure.

« A hand in my mouth
A life spills into the flowers
We all look so perfect
As we all fall down
In an electric glare
The old man cracks with age
She found his last picture
In the ashes of the fire
An image of the queen
Echoes round the sweating bed
Sour yellow sounds inside my head
In books
And films
And in life
And in heaven
The sound of slaughter
As your body turns

But it's too late
But it's too late

One more day like today and I'll kill you
A desire for flesh
And real blood
I'll watch you drown in the shower
Pushing my life through your open eyes

I must fight this sickness
Find a cure
I must fight this sickness »


Revenons à nos moutons. Plus qu’une formulation argumentée, logique, raisonnée de la réalité, la Littérature est la projection visible, et par la même occasion : transmission, d’un contenu, d’une essence, mieux : d’une quintessence. Elle nous fait pénétrer dans le nœud des questions. Elle devient une arme pour combattre.

« I must fight this sickness
Find a cure
I must fight this sickness »


La Littérature ouvre au Royaume caché des évidences indicibles qui font de nous ce que nous sommes. Ce qui est indubitable et manifeste, concret et effectif, tangible, sensible, substantiel se dévoile, se divulgue, apparaît, consume. Car la Vérité peut être mortelle. Lorsque l’auteur parvient à toucher le nerf à vif, le point sensible, il fait se coïncider la pulsion de Mort et la Vie lumineuse dans ce qu’elle a de plus noble, de plus altier. Elle révèle l’union des deux antinomies qui se conjuguent en nous depuis la nuit des temps en une bataille Sainte et nécessaire pour nous accoucher à nous-même de cet excédent de force captée, de cette surcharge d’énergie, ce surcroît de volonté. Et la liesse va de pair avec le désespoir sublime. Euphorie. Allégresse. Jubilation. Ivresse. Or, il faut s’enivrer, tout est là.

Nabokov, cité par Sollers dans son « Carnet de Nuit » : « Dans une oeuvre d'imagination de premier ordre le conflit n'est pas entre les personnages, mais entre l'auteur et le lecteur. »

Je vous souhaite donc de bonnes guerres... ou de tristes paix... vous êtes libres de choisir.

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Bande son du moment : « Last of the Independents » par The Pretenders

Lecture du moment : En parallèle : « Grande Jonction » et « American Black Box » de Maurice G. Dantec

Citation du jour : « O Vierge mère, et fille de ton Fils, humble et plus haute qu'aucune créature, terme fixé d'un Éternel Conseil, c'est par Toi que fut l'humaine nature si ennoblie, que son grand Ouvrier ne dédaigna de se faire son oeuvre. En tes entrailles se ralluma l'amour dont la chaleur en l'éternelle paix a fait germer cette céleste fleur. Tu es ici pour nous, brûlant flambeau de charité ; et, parmi les mortels, là-bas, Tu es d'espoir fontaine vive. Dame, Tu es si grande et si puissante, que qui veut grâce, et à Toi ne recourt, il veut que son désir vole sans ailes. » (Alighieri Dante, La Divine Comédie, traduite par André Perate, Librairie de l'art Catholique, Paris, chapitre XXXIII)


Humeur du moment : Stimulé

29/08/2006

Vivre et Écrire...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=


Écrire pour dire quelque chose qui va plus loin que moi.
La Vision brûle les yeux quand ouverts sur la fissure ils s’effraient à contempler le néant et l’infini.

Je ne désire convertir personne à rien. Si je parviens juste à insuffler un peu d’air vivifiant dans les écoutilles mon cœur en sera comblé comme celui d’un mystique.

Car je vois essentiellement la déchirure en l’Être de l’Homme. L’Être en l’Homme divisé et subdivisé. Anéanti d’avance à peine éclos au monde.

Si, lecteur, tu n’as pas la foi je ne t’en veux guère, moi-même suis sujet aux affres de mon agnosticisme, un pied dans le « Oui », un pied dans le « Non ». Je n’ai pas encore la pertinence d’avoir à choisir entre la bouche d’un revolver et le pied de la croix. Je dois être béni sans même m’en douter.
Car la Foi sauve. Homme si tu es humble et de condition faible, la prière te couronne, ta vie s’en trouve Sanctifiée, et te voilà tenant sur tes jambes, « bipède à station verticale », tes pleurs et tes rires ayant soudain un sens pour faire un pied de nez dépourvu d’orgueil, un pied de nez confiant et espiègle aux angoisses de ton Incarnation. Une lecture de « L’Antéchrist » de Nietzsche le montre très bien et l’éloge qu’il y fait du Christ ne laisse pas indifférent.

Mais si la foi ne t’a pas choisi comme creuset à son feu Christique, qu’est-ce qui te permettra de combattre ton démon et d’assumer pleinement toutes les contradictions initiatiques qu’il te soumettra, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit ?
La guerre qui se livre entre les sens et la raison depuis Moïse abrège la licence et empêche l’Homme d’accéder à un plaisir immédiat. C’est que, Françoise Dolto l’a bien évoqué dans son « Evangile au risque de la psychanalyse », l’Homme (anthropomorphisateur par excellence) se plaît à projeter sur la transcendance toutes ses tares les plus abjectes. Se faire exploser au cri d’Allah akhbar semble être une sinécure à nos temps sombres. Pourtant une lecture raisonnable de la Bible ou du Coran peut apporter le sourire sans interdire l’érection. Les mille femmes du roi Salomon dansent les danses des mille et une nuits. Mais cette guerre des sens empêche l’Homme tout autant de renoncer à ce plaisir que d’accéder à la vérité, tout du moins à sa vérité intérieure pure. Il lui faut passer son âme, son corps (mais c’est là la même chose) au haut degré de l’athanor purificateur, afin de parvenir à s’y retrouver parmi les quatre personnes qu’il est et que nous sommes tous. La personne que nous croyons être, la personne que nous voudrions être, la personne que les autres voient en nous et la personne que nous sommes vraiment. Pour cet acte qui demande une vie entière, seul un regard intransigeant porté à la réalité autorise le dépassement de cette insatisfaction fondamentale.
De plus, coincés dans la basse-cour généralisée (car notre démocrassoullardise nous permet d’avoir un avis sur tout, une opinion sur tout et donc, forcément, d’exprimer notre grande lumière … ce que nous ne manquons jamais de faire) nous ne savons pas si nous devons nous boucher les oreilles en hurlant ou monter le volume de la chaîne hi-fi ( notre époque technologique a quelques avantages) pour noyer le brouhaha lénifiant ambiant dans un silence d’une autre dimension, celui de Mozart ou de Bach.
Le jeu social, minable, édulcoré, mort d’avance, rictus vulgaire, nous abruti par sa prétention à nous distraire et les différentes philosophies qui ont court n’indiquent que les échelons divers du nihilisme dans toute sa glauque splendeur. Les uns se prennent pour Dieu, persuadés que le ciel est vide et que c’est à eux de le remplir, les autres n’ont aucune certitude en rien, mais tous sont excessifs car sans Dieu et sans certitude tout devient possible … surtout le pire. Orgueil scientiste et progressiste d’un côté. Existentialisme morbide et désespéré de l’autre.
Loin de tout manichéisme, homme, si tu n’as pas la foi, considère l’Homme dans son ensemble. N’épargne rien ni personne. Grandeur et décadence. « Requiem » de Mozart et Shoah. C’est une pâte particulière à pétrir, n’est-ce pas ? Il faut prendre acte du partage constitutif de la nature humaine, cette dualité née de l’exil de la chute selon les Saintes Ecritures.

Mais encore faudrait-il, pour regarder bien en face la monstrueuse réalité, ne pas détourner la tête et consentir à sa sphère. Or, partout, où que nous tournions la tête, notre attention est happée par le veau d’or et ses hordes. Images. Flashs. Affiches. Radios. Magazines. Publicités constantes. Propagandes débilitantes. Discothèques. Techno-parades. Gay-prides. La plage à Paris. Commémorations diverses. Communautarismes larvés. Ordinateurs qui crépitent. Play-stations. Mangas. Télé-réalité totalement irréelle. Reportages télévisés bidonnés. Politiciens en voie de décomposition qui poursuivent, néanmoins, leur exécrable règne. Bon peuple, bas peuple, triste peuple qui s’offusque, qui manifeste, fini par se réjouir. Peuple inexistant. Spectateurs et, éventuellement, figurants, mais, en tout cas, hypnotisés et consentants à la servitude, volontaires pour la viande hachée. Pseudo littérature sur les étalages comme des yaourts. Films d’avant-garde pornographiques avec gros plans sur le sang qui gicle, gros plans sur les visages crispés, gros plans sur la famille souriante, gros plans sur les poitrines opulentes et les culs redondants, gros plans sur la bienséance du bien qui finit toujours par triompher (à Hollywood), et, même s’il perd (cinéma européen) ce n’est que pour mieux asseoir sa sémantique supériorité.
Car quand on interdit avec une telle violence doucereuse mais efficiente à la pensée de s’abandonner à elle-même, elle n’est plus en mesure de découvrir l’inanité et la vanité de l’existence. Nombreux sont les obstacles qui empêchent la pensée d’embarquer sur le « Bateau ivre ».

Un égoïsme sans nom s’empare d’à peu près tout le monde. Un amour de soi (qui n’en n’est pas un en vérité) fait son office selon des valeurs inversées que depuis l’auteur de Zarathoustra celui qui veut bien s’en donner la peine connaît. L’homme en venant à ne concentrer toute son attention que sur lui-même fera réfléchir le miroir selon les modalités qui lui conviennent. La menace engloutissante du néant ne lui apparaîtra nullement. L’imagination nous fait prendre des vessies pour des lanternes. « L’imagination au pouvoir » clamait un beau slogan de mai 1968. Eh bien nous y sommes ! Elle est bel et bien au pouvoir l’imagination, mais lorsque les bulldozers de la bêtise lui sont passés dessus (comme je le disais plus haut), elle est pieça, raplapla, ramolie. Pauvre de sa propre absence elle nous fait croire tout et n’importe quoi et attribue à tout et n’importe qui des qualités inexistantes. Ainsi meublons-nous de manière fictive le vide de notre condition post-moderne.
A présent, un égoïste imbu de lui-même et plein d’imagination sait toujours se divertir … à sa juste mesure, bien entendu. En compagnie d’autres égoïstes emplis d’imagination aussi. Et tous ces égoïstes exorcisent quotidiennement la mort qu’ils savent, pourtant, inévitable. Au sens étymologique, se divertissant ils « se détournent de quelque chose ». De quoi ? d’eux-mêmes bien sûr ! Un jeu. Un hobby. Un travail personnel qu’on souhaitait accomplir et nous voilà accaparés par notre envie de tenir, de gagner, de s’exprimer, de réussir. Une collection de pins ou de carte téléphoniques ? Une maquette de bateau pirate ? Une tour Eiffel de deux mètres de haut avec des allumettes ? Un puzzle ? Franchir les nouvelles étapes du dernier jeu sur PC ? Aller danser ensemble ? Ça vous dit ? Surtout ne pas invoquer ni même évoquer le silence, le calme, le repos.

« Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. »


« Les Fleurs du Mal » sont un Souverain Bien.




Ces choses-là sont insupportables puisqu’elles permettent la réflexion, l’introspection (même gauche) et les tourments qui s’en suivent.

Ecrire pour dire quelque chose qui va plus loin que moi. Envers et contre tout, seul contre tous. Écrire consiste à faire émerger la vérité qui est toujours l’effleurement de la réalité par le logos et la représentation qui en découle, le discours qui en jaillit. C’est là la seule préoccupation qui compte, l’essentielle exigence. Même passée au prisme personnel, la vérité émerge vraiment lorsqu’elle touche à l’universel par ce qu’elle ose affirmer en perturbant le grand sommeil. Car la vérité, toujours, affirme. Elle se définit par sa permanence et, de ce fait, ne se confond pas avec la relativité et l’inconstance des opinions humaines. Si la condition humaine est toujours à peindre, si les subterfuges qui voilent cette condition sont à démasquer, écrire consiste aussi à plonger dans la fange non pour s’en vanter mais bien parce que la grandeur de l’être humain (qui le distingue de tout autre animal) se trouve dans cette capacité à méditer sur ses actes et sa condition si misérable soit-elle.

Noblesse et bassesse. Cathédrales et génocides. Entre l’ange et la bête nous nous frayons tant bien que mal, notre sinueux chemin. Jungle épaisse. Machette sanglante. Mygales, serpents, et hyènes. Et derrière la rivière, les marais, les lianes, les ronces jonchées de cadavres … soudain … la clairière ensoleillée et le temple.

Si tu crois en Dieu, lecteur, tu surmonteras les contradictions, sinon … seul le mouvement, la chasse (plus que le gibier ou la cible), l’avancée te permettront de vivre ton paradoxe.

Tu peux parier ou non sur l’issue, peu importe, mais il te faut rire et danser au-dessus du volcan.
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Bande son du moment : « Home (2006)» par The Gathering

Lecture du moment : … Pas de Lecture…

Citation du jour : « Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre. » Baruch SPINOZA


Humeur du moment : Combatif

12/06/2006

Salves du départ (10 Larmes sur Svetlana – II)

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=

 

Une fois partie, Svetlana me hanta comme une revenante de par delà mon au-delà.

Déjà, au sortir de nos Noces consommées, consumées et éteintes, j’avais senti une fatigue dans mes jambes, une fatigue dans mes hémisphères cérébraux, une fatigue dans ma queue, bien que je ne l’eusse que très peu baisée. Par moments je lui donnais l’Impression que j’allais me dissoudre dans les airs. Ses jambes à elle tremblaient. Elle fumait cigarette sur cigarette et me faisait trinquer avec des flûtes à Champagne qu’elle remplissait à ras bord de sang. Puis, repus, tout contre moi, elle me contait son expérience incestueuse sans vraiment me dire grand-chose. Je cherchais à lui arracher les derniers mots suspendus aux commissures de ses lèvres : mission impossible. Penchée sur moi elle souriait d’un sourire de démone perdue. J’inventais des fleuves qui m’emporteraient à la dérive loin d’elle. Mais dés qu’elle fila au loin, elle me hanta…


2-

Curieux comme elle chercha à me tromper dans sa tromperie initiale. Un jeune con de passage servit de bouc émissaire, mais tombé amoureux, lui aussi, il morfla à son tour. Son mec officiel sentait des cornes lui pousser, mais il ne voulait pas la perdre. Il faisait l’autruche en serrant les dents. Svetlana s’amusait comme un succube. Légion, en elle, avait allumé un feu de camp. Il me fallait, cependant, être là selon sa convenance. Par petites bribes discrètes, elle avait monté un mur de cailloux, de graviers, grès, quartz, sable, fer, bois, tout autour de moi. Elle m’en avait même enfoncé dans la gorge. Mon estomac s’habitue à tout. Mon cœur aussi, faut croire. Elle mettait sa joue contre l’épiderme de mon ventre et observait mes veines imploser une à une en autant de meurtrissures sous-cutanées qu’il semblait y avoir d’étoiles. Elle en était satisfaite.


3-

Mais un jour, après m’avoir gavé par ce régime féroce, elle dut me sentir prêt et armée d’un pic et d’un marteau, elle pris la décision de faire émerger enfin de mon cadavre vivant l’œuvre dont elle seule possédait le secret dans le cachot intérieur de ses simulacres. J’attendais, offert, bouche entrouverte, la décision du bel amour. Elle tentait des approches, puis reculait, laissant les choses en suspend… comme pour les prolonger un peu. Son burin n’eut jamais raison de moi.

4-

Elle prolongea, finalement, notre calvaire à tous les deux. C’était bien plus rassurant que de tenter toute forme d’apothéose. Mais elle me pressait tout de même les couilles bien fort pour en tirer un vin qu’elle seule s’autorisait à, non pas boire, mais à savourer.

Mon épouse me voyait dépérir mais ne prenait aucune disposition. Je lui avais demandé de me laisser couler. Je voulais « aller au bout de cette histoire de fous ». Sobrement, avec classe, elle laissa faire. Elle prit quelques distances tout en me surveillant du coin de l’œil. Des chasseurs lui tournaient autour, elle n’allait pas se priver.


5-

C’est alors que Svetlana, puis mon épouse, s’amusèrent à me dévorer à tour de rôle. Elles se faisaient toujours belles. Une femme est une femme. Ne cherchez pas à comprendre. Leurs Rituels sont, finalement, très raffinés. Elles ne se concertaient jamais, bien qu’elles fussent (avec le temps) devenues les meilleures amies du monde. Mais invariablement, quand cela leur convenait, elles se lovaient autour de moi comme des bracelets païens et, déployant leurs mâchoires, mordaient en moi comme dans un rôti saignant et juteux, l’écume aux lèvres. Le jour Svetlana. La nuit ma femme. Je portais mes membres avec moi tant bien que mal.


6-

L’idéal bonheur eut été de me transformer en doudou, en nounours, afin de me garder avec elles dans leur sac, ou dans un tiroir, ou dans le bac à linge sale pour pouvoir me refiler l’une à l’autre et faire de moi ce qui leur aurait convenu. Se repaître de ma fibre, me sucer et me mâchouiller. Me passer à la machine à laver. Me repasser. Me suspendre sur la corde à linge.

C’est dire quel Chaos était notre vie à tous.




7-

Svetlana, absente, je pensais à elle. Je me faisais des mises en scènes sans déchirures, sans accrocs, avec que des douceurs et des délicatesses. De la courtoisie et des caresses. Des mots fondants. Des regards appuyés. Je guettais des appels téléphoniques fantasmés, je ne recevais (occasionnellement) que des SMS débiles sans le moindre intérêt si ce n’était celui de constater toujours un peu d’avantage à quel point elle était dérangée d’être au monde. Et je continuais d’aimer la rencontre brutale de jadis, vomissant de plus en plus la maladresse de ses calculs. C’est que j’en avais plus qu’assez d’être un morceau d’acier chauffé à blanc et translucide, malléable comme de la guimauve entre ses doigts de sorcière. Après tout je n’étais pas un psychiatre.


8-

Je sais que je suis enroulé en elle comme un souvenir éteint qui se remémore à son Corps quand les conditions sont réunies. Vestige refaisant surface du fond de son lac noir. Je suis son fantôme, malgré moi. Elle est mon démon que j’exorcise peu à peu. Elle n’a pas eu raison de moi. Elle n’a eu raison que d’elle-même. Puisqu’elle s’est empressée à jouir de me dévorer ainsi, mille bribes de mon Incarnation, répandues en elle, phalanges et muscles, nerfs et ongles, cheveux et sperme, l’habitent et l’oppressent. Je n’y puis rien. Je tente juste de poursuivre ma route par mes chemins de traverses.

9-

Svetlana, la mal-nommée, qui a enterré sa luminosité derrière sa merde sombre. Sa lumière calfeutrée par ses immondices et ses excréments tenaces. Svetlana qui m’aurait volontiers plié en quatre avant de me mettre en boîte, dans un crissement de papier-cadeau, pour me déposer au pied de son sapin et s’extasier toute seule de se faire ce cadeau. Svetlana, mon amour mort, ma plaie.

10-

Si je pouvais te purifier, d’un peu d’argile te faire renaître, même pas pour moi, pauvre égoïste, mais pour la beauté de ton envol. Purifier ton sang, ta salive. Délier les nœuds qui affirment ton mal-être. Te façonner non à mon image mais à ton image. Délester vers le large tout ce qui te ronge de l’intérieur à grands coups de griffes et de crocs acérés. Te faire tendre tes muscles pour des danses d’extases qui te rempliraient le trou vide du centre de ton Être.

Ne plus sombrer dans le sommeil.

Te reposer, enfin, sur un talus vif de verdure.

Pascal Quignard, dans « Le sexe et l’effroi » écrit : « Quand Auguste réorganisa le monde romain sous la forme de l’empire, l’érotisme joyeux, anthropomorphe et précis des Grecs se transforma en mélancolie effrayée.
Des visages de femmes remplis de peur, le regard latéral, fixent un angle mort.
Le mot phallus n’existe pas. Les Romains appelaient fascinus ce que les Grecs appelaient phallos. Dans le monde humain, comme dans le règne animal, fasciner contraint celui qui voit à ne plus détacher son regard. Il est immobilisé sur place, sans volonté, dans l’effroi. »



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Bande son du moment : « Pearl Jam (2006)» par Pearl Jam

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour :
« il cherche le paradis perdu
dans les nouvelles jungles de l’ordre

il prie pour une mort violente
et elle lui sera accordée »
Zbigniew HERBERT (Monsieur Cogito et autres poèmes)


Humeur du moment : Laborieux

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06/06/2006

Dévoré... (10 Larmes sur Svetlana)

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=

 

Dés ma première approche de sa personne, elle eut ce mot, joignant le geste à la parole : « Je te pompe, j’emmagasine. » Joueuse, elle faisait allusion aux références littéraires et philosophiques que je lui jetais sur la table. « Je te pompe ! » Elle ne croyait pas si bien dire. « Je te pompe et je te dévore tout cru ! » aurait mieux convenu à tout ce qui allait suivre.

Très vite je l’aimais, de cette force que connaissent uniquement les dernières passions. Mais assez rapidement mes mains, mes jambes, mon cou, ma tête, à tour de rôles ou simultanément, se mettaient à trembler pour une raison inconnue qui ne m’apparaîtrait que plus tard. Palpitations de l’estomac et des entrailles. Comme dans les cartoons de Tex Avery, je me brisais en mille petits morceaux : craquement des os et déchirure de la chair. Je tressaillais. Mes vaisseaux sanguins apparaissaient sous ma peau blanche comme sous la viande d’un être gothique Hollywoodien. Au sol gisaient mes ongles, mes cheveux, ma lymphe. Elle s’y roulait très vite et se délectait de mes sucs charnels. C’était sa Joie. Puis elle tenta de me coudre des fils un peu partout afin de me transformer en marionnette. Orgasme assuré pour elle. Je me laissais faire avec l’Ivresse adéquate, pauvre fou…

2-

Elle élaborait des rituels sensés m’ensorceler. Mots répétitifs. Mouvement de la main. Signe de la tête. Mais le cercle qu’elle traçait autour de moi ne m’empêchait pas, parfois, de m’enfuir… pas pour longtemps. Je revenais bien vite dés qu’elle agitait le collier de circonstance qu’elle avait placé autour de mon cou et qu'elle manipulait à distance.

Elle aimait bander ses muscles, faire valoir sa force et me décrocher une pierre pour une lapidation selon sa convenance. Elle visait généralement le bas du ventre, les dents aussi… la pomme d’Adam et les couilles. Je tombais, recroquevillé sur moi-même, sans me plaindre. Alors elle venait, me caressait d’une main, tandis que de l’autre elle tenait la paille par laquelle elle aspirait toute ma sève pour s’en repaître. Ça sifflait entre ses dents comme les spasmes jouissifs des lèvres d'un Vampire.

3-

Si je fondais vers elle avec un sourire amoureux, des bras velues d’araignées, que je prenais pour des bras sensuels, lianes charnelles, lui sortaient de ses manches et pénétraient ma bouche, écorchant mes lèvres au passage, caressant mes vêtements, fouillant dans ma graisse et y pondant ses œufs néfastes. Puis, m’ayant injecté son venin, elle se délectait des fièvres qui m’assiégeaient.

4-

Elle m’aimait avec une force inouïe.
Elle m’aimait si fort que ses mains frêles parvenaient à faire craquer mes os contre elle. Elle m’arrachait cheveux, testicules, dents et poils de cul. Yeux exorbités. Elle savourait que je ne sois que l’ombre de moi-même. Elle savourait de me ramener au niveau de l’ombre qu’elle était elle-même depuis si longtemps. Son péché mignon, tout de même, c’était de me vider le crâne à la petite cuillère. Elle suçait, absorbait et je me laissais faire. Sa jouissance était mienne aussi. J’appelais ça de l’Amour. Elle souriait confiante. Mes sourires à moi me déformaient la bouche. Elle se régalait de mes grimaces pendant qu’elle mâchait mes tétons. Elle songeait à m’enterrer bien vite, de préférence dans une fosse commune.

5-

Elle faisait en sorte de me montrer à quel point elle en chiait pour vivre. Finalement ma rencontre qui « comptait tellement » n’avait pas changé grand-chose à son angoisse sournoise. Elle n’entendait pas mes mots, couverts qu’ils étaient par ses maux à elle. Mais je l’aimais d’amour, vous dis je… pauvre fou. Ce n’était qu’une furonculose parmi tant d’autres : le manège sanglant des couples malades qui tournoient au rythme des maladies atrabilaires.
Il est vrai, par moments elle faisait l’effort d’accoucher d’une photo ou d'une sculpture. « Je te prendrais bien en photo, tout nu » me dit-elle un jour qu’elle avait fait l’acquisition d’un appareil de haute gamme. « Pourquoi foutre ? » pensais-je, « Pour éterniser la loque que je suis devenu ? Se complaire à montrer mes lambeaux de chair à ses poufs de copines dont elle me disait le plus grand bien en privé ? C’est-à-dire : le plus grand mal. S’investir en tant qu’ârtisteuh dans la pitoyable représentation de ce que notre histoire était devenue en l’espace de six petits mois ? » Je la regardais en disant « non » mais le cœur soumis et offert. Elle détournait toujours le regard du mien, comme une esclave recouverte du litham et guettant l’instant propice pour regarder sans être vue. Mais l’esclave c’était moi. Je gisais à ses pieds sans que cela ne l’inquiète. Elle me consolait pourtant : « Je suis là. Je serai toujours là pour toi. Tu m’as ouvert les yeux. Tu m’as accueillie. » Et plein d’autres balivernes. Oubliant de joindre les actes salvateurs au poids sidéral de ses mots malades.


6-

On baisait vite et très mal. Ici, sur le canapé. Là, à même le sol. Là, contre le mur, ses deux jambes autour de ma taille. Urgence et larmes. Sans prémices. Sa chatte mouillait toujours. Sa chatte dégoulinait. Elle m’avouait : « c’est qu’avec toi que ça me fait ça. » Je me disais : « C’est toujours ça de gagner. » Ma viande remplissait sa viande. Jusqu’à l’étouffement de la culpabilité. Ni son homme ni ma femme ne savaient rien. Je m’en moquais. J’étais devenu fou d’amour et de douleur. Ou plutôt : j’étais devenu fou de ce que je croyais être de l’amour et qui n’était, en fait, que de la douleur. Je demeurais pris dans la masse de tout ce qu’elle pouvait dégager comme vibrations mauvaises. Je croyais, au tout début, avoir la force de tenir tête à sa malédiction. Je croyais. Rapidement je ne crû plus en rien. Elle pouvait, comme elle en avait vite pris l’habitude, me planter quinze aiguilles dans mes paupières et m’aspirer les yeux, se nourrir de mes orbites et de ma bite même (qu’elle n’a, cependant, jamais sucée... c'est bien dommage), je m’en foutais.


7-
Parfois, soudainement,elle me déchirait en lambeaux. Une véritable boucherie. Puis nous passions deux heures au téléphone pour qu'elle puisse rapiécer le tout. Je ressemblais au monstre de Frankenstein sauf que toutes les pièces rapiécées étaient les miennes. Mais entre temps, elle avait joui d’extraire de dessous mon épiderme sa dose de graisse sacrificielle, mon sel et mon sucre, mes bouts d’os avec lesquels elle jouait aux osselets en me narguant, avant de finir par s’en faire des colliers agrémentés de quelques unes de mes tripes remplies de merde.


8-

Nos noces adultérines, avant que d'être sanglantes, ne durèrent pas longtemps. Six petits mois qui brûlèrent d’un feu créateur avant de sombrer dans le chaos de la destruction qui acquiesce et à laquelle nous acquiesçâmes. Ses seins me donnaient les forces nécessaires à nos errances nihilistes. Mais la nuit elle venait sucer mon sang et s’en délecter comme une goule.

C’est qu’elle cherchait à me sculpter selon son bon plaisir. Et cela dura plusieurs années. Je fus patient et même… déterminé dans ma patience…pauvre fou.

9-

L’aimant, je la couvrais de cadeaux. Des livres et des disques, essentiellement. J’écrivais pour elle. L’inspiration se saisissait de moi à la moindre vue de sa silhouette. Je pensais à elle dix minutes et dix poèmes surgissaient. Elle sentait combien cela l’étouffait. J’aurai dû lui cracher à la gueule, l’assommer d’une claque d’homme et la sodomiser à sec. Mais ma main était tendre. Ma retenue persévérante. Je la laissais m’assaisonner selon son bon goût et me faire rôtir à petit feu. C’était bien l’odeur de ma chair qui emplissait la pièce et me mettait même l’eau à la bouche. Je me laissais porter par sa stature grecque vers l’autel sanglant où son couteau de marbre noir étincelait dans l’or des boucliers.


10-


Elle me plantait dans ses champs comme 100 000 graines fertiles, puis pissait sur mes jeunes pousses avant de me moissonner sous une lune noire. Un matin je me réveillais dans un ruisseau d’eau et de cendres, le Corps éreinté par une et mille guerres psychiques. Front, tempes, paumes et flanc transpercés, pieds meurtris comme le Christ, sauf que je n’étais le sauveur que de moi-même.

Elle avait disparu, avec ses amulettes et son orgueil pathologique.

Je tombais sur ce fait : l’hébreu ancien s’écrivait sans voyelles. Les maîtres se devaient de retenir les voyelles et de les transmettre aux disciples avec la plus sérieuse des déterminations. Étrange, tout de même, ces deux mots : Sainteté et Prostituée. Les deux mots s’écrivaient de la même manière : "QDShH". Mais Sainteté se prononçait « QeDouShaH » et Prostituée « QeDeShaH ».

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Bande son du moment : « Operation Mindcrime II» par Queensrÿche

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour :

« Tant de livres de dictionnaires
d’encyclopédies obèses
mais personne auprès de qui prendre conseil

on a étudié le soleil
la lune les étoiles
on m’a perdu

mon âme
refuse la consolation
du savoir

aussi chemine-t-elle de nuit
sur les traces des pères »
Zbigniew HERBERT (Monsieur Cogito et autres poèmes)


Humeur du moment : Fatigué

23/05/2006

L'époque a le souffle court... morne bandaison...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=


Mardi 23 Mai 2006

Le Nihilisme est la donnée fondamentale qui caractérise le siècle qui vient de s’achever et celui qui commence. Nietzsche l’a très bien décrit. Le scepticisme est profond, total, absolu, illimité, inconditionnel. Il semble même achevé tellement il occupe toutes les sphères de la société. Il s’est adapté aux frasques spectaculaires : il manie avec machiavélisme l’art du masque et des subterfuges. La négation est intégrale, entière et complète envers toute échelle de valeurs. Ordre, encadrement,commandement, autorité, gradation, tout cela n’inspire qu’horreur et soubresauts anti-fascistes ! Une Nausée toute Sartrienne s’empare d’à peu près tout le monde. Thanatos se branle devant tant de morbidité exaltée.

Éros à moi !

Éros, ce dieu du vieux Panthéon grec est l'une des énergies prédominantes qui asservissent le Cosmos avant l’apparition des immortels et des hommes. Son influence et son emprise s'étendent à toute la création : animaux, hommes, végétaux, minéraux, liquides, vents et fluides divers, souffles, atomes et particules s’entrechoquant dans leur valse créative. Éros accorde et combine, allie, raccorde et mélange, assemble, associe et fusionne. Virtuosité de l’attraction mise en scène qui contracte les événements entre eux et les choses entre elles, les recrutent pour des batailles vastes ou éphémères qui accouchent de l’Être. Il convient de ne pas le confondre avec Cupidon, création romaine, ou avec le dieu Amour, encore moins avec la déesse Aphrodite. Cupidon, Amour ou Aphrodite sont des émanations incarnées d’Éros qui, avant même de figurer parmi les Dieux, participait, évanescent et abstrait, à l’élaboration souterraine du désir qui confronte, joint, lie, détruit en même que créé, unissant, pliant, approchant et jouissant en suscitant l’infini des mondes. Les grecs de l’Antiquité le disait être né du Chaos Originel. Né avant les nés. Curieusement pour nos mœurs démocratiques, sachez que les guerriers de l’Antique Sparte lui offraient des sacrifices avant une bataille. Les corps se marient si bien dans le sexe ou dans l’horreur. Peut-être…mais tout, alors, prend sens.



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Bande son du moment : « Stadium Arcadium » des Red Hot Chili Peppers et tous les albums du groupe King’s X

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « Les épines que j'ai recueillies viennent de l'arbre que j'ai planté. » Byron


Humeur du moment : Dépité

09/05/2006

Mutation constante

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La mutation est constante. Le Corps la clame à chaque mouvement. Car je n’ai pas de chair en ma possession, Je SUIS Chair et c’est elle qui me soutient, me porte et me rend exalté d’Être, simplement. La crainte, le désir, le souffle, la souffrance. Ô Caresse.

L’Initiation commence dans le creuset secret de la matière.

Les 4 éléments fondent le cinquième.

Le cinquième détermine les 4 autres.

Le cinquième élément est le Centre de l’Être en équilibre propitiatoire constant éprouvant les 4 autres.




De la boue le Glèbeux fut tiré comme un spasme dansant.

Nous étions de peu inférieurs aux anges, ai-je lu.

C’est bien le Démon, en vérité, qui affirme, séducteur, « vous serez comme des dieux… », le privilège vivant est d’être de Chair… mais de Chair légère, or son Invitation veut faire pourrir ce que nous sommes dans une vulgaire pseudo-désincarnation très lourde.

Qui donc sait lire ?

Être fils d’Adam est si dur chemin de Croix.





Le vent et le feu affermissent le songe vivant que je suis. Je m’efforce d’Être. Difficile appréciation. Une goûte de sang sur la pierre.




Dire le flamboiement des atomes, des particules élémentaires et de leur mystérieuse et Chevaleresque danse. Juste au croisement où se retrouvent les éléments pour la mixture d’amour. Les constantes chatteries. Nous sommes là, ami lecteur, amie lectrice, et l’oublions si souvent. Le Temple garde ses portes fermées.




Aimer vient de loin. C’est une constante inscrite dans la matière même.





Matière portant le feu serein qui se ravive par le chatoyant épiderme. Paysages défilant à même la peau. Effluves du Nil. Effluves électriques et parfumés. Aimantation surnaturelle. La Raison n’a pas, ici, droit de cité. Océan dernier où l’abandon prime. La petite Mort joyeuse. L’œil de feu.




Dans l’eau, le centre ne se situe plus. Le Jeu éteint le « Je ». Flotte mon ange incarné. Vagues de perdition et de retrouvailles. Tu y trouveras ce qui te convient.




Mais sois là. Ici. À présent. Dans l’âtre de ton cercle sans limites.

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Bande son du moment : Divers morceaux du Groupe ELEVEN

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « Le monde n'a pas besoin qu'on y mette de l'ordre ; le monde est ordre, incarné. C'est à nous de nous harmoniser avec cet ordre. » Henry Miller

Humeur du moment : Méditatif

01/05/2006

Sens dessus dessous

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L’intime floraison, cachée par cent mille désastres. Ses dessous remuants. Les défaire c’est une affaire. Je parle de ses dessous, me comprenez-vous ? Là où son souffle recherche avec une nihiliste constance le cache-cache qui lui semble salvateur. La surface est limpide, pourtant, un œil exercé ne s’y laisse pas prendre. Les masques sont de mauvaise facture et elle les porte si mal. La surface ne devient profondeur que lorsqu’on affirme une élection de dandy. Ce n’est pas son cas. Elle fait l’autruche et son rire est presque toujours nerveux. L’apparence peut, en certaines occasions, se retourner comme un gant, selon la pensée du jour et les affres du moment, et révéler le point nodal de la douleur aiguë qui se dissimule et se terre dans le constant brouillon du réseau nerveux.



Elle les brode, ses dessous, les fabule, les invente, cherche à donner le change, se trompe elle-même en nous trompant nous, s’auto persuade du bien fondé de ses déterminations, se mène elle-même en bateau, mystifie ses fausses dorures et ses leurres avec emphase, s’abuse en nous jouant du pipeau, se berne en mettant ses convictions en berne (c’est qu’elles ont le teint pâle ses convictions). Mais je suis un vieux d’la vieille. Je ne suis pas dupe. Trop d’heures de vols et de multiples atterrissages forcés.



Les dessous se dégrafent et s’enlèvent pour des palpations palpitantes. Ses dessous à elle ne s’enlèvent pas. Même nue, elle les conserve comme une barrière de marbre épais et ce marbre a la masse de sa désolante affection. Mille ans de dérives tripales. Il lui faudrait, pourtant, tailler dans le vif de sa merde et purger ses impures souffrances. Ne pas se tromper sur sa coulisse c’est reconnaître un peu la fumée qui y divague. Il faut faire poindre et percer à jour. Il faut se souvenir, sinon, le Corps finit par commémorer ce qui lui importe malgré nous. L’Inconscient est Roi.

J’ai dégrafé ses dessous, au sens propre, au sens figuré, voilà ce qui n’est jamais passé pour sa raison encore trop adolescente. J’ai fini par la laisser batailler seule avec ses dessous inassumés, qu’elle se démerde avec comme elle peut.

Pourtant, naïf, parfois, j’ai rêvé de la dénuder jusqu’à sa moelle intime, avec mes caresses, ma langue, en fait : mes mots. La débarrasser de ses maux. Illuminer ses obscures cavernes où mille fantômes l’assaillent quand elle s’y perd. Mais elle tient tête, ne me laisse deviner que l’essentielle flétrissure et referme les portails d’ivoires. Déséquilibrée.

Ses dessous sont sales et sens dessus dessous, sens déçu dessus dessous et dans les moindres alvéoles disparates de ses recoins, surtout le matin quand elle les veut affriolants. Elle entretient leur souillure en détournant la tête de ce qu’elle se devrait de regarder bien en face, dans l’orbite faisandée des cadavres exquis qui, eux, la contemple sans cesse. C’est son antinomie qu’elle conteste. Son absurde paradoxe. Elle se refuse, c’est simple et clair, à connaître la cause, le mobile, la raison, l’explication, la justification première, le lieu du contraire/inverse/opposé de son contresens vivant et incarné qui la somme de se soumettre. Ses démons se pouffent de tant de cachotteries, tandis que, croyant avoir réglé son mystère, elle réajuste ses dessous devant les miroirs de ses illusions multiples. Il suffirait d’un geste, certes douloureux, pour déboutonner le corset trop serré qui maintient et étaye le mirage de son être, l’intime hallucination de ce qu’elle croit et envisage avec une innocence très coupable. Après… elle n’aurait plus qu’à déployer ses ailes. Mais elle préfère tripatouiller sa dentelle sensible et demeurer sans cible. Faux-monnayeur va. Le bidonnage a triste figure. Si elle savait que c’est sous le voile de tous les dessous qu’elle se devrait d’aller saisir les perspectives du dessus, les contenus signifiants, les sentiments signifiés. Elle préfère, pauvre d’elle, avec son âme fragile et douce comme de la soie, chiffonner son bas de Soi.
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Bande son du moment : Baroque Bordello : « Via » et « Paranoiac Songs »

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « Illusions : affecter d'en avoir eu beaucoup. Se plaindre de ce qu'on les a perdues. » Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues

Humeur du moment : Serein et posé.

29/03/2006

Crépuscule/Aurore...

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Dansez encore un peu. Vous vivez les derniers instants d’une Civilisation.

Pour lutter contre la morosité ambiante il faut apprendre à rire. Comment ? Vous ne savez pas rire ! Je ne puis rien pour vous.

Demain : le déluge et la fin de la plainte après les grincements de dents.

Un pied dans la merde et l’autre dans l’avancée. Je porte tout ça joyeusement. Je suis un pessimiste joyeux.

Endurer l’adversité sans baisser sa garde ni perdre courage et s’en remettre à Dieu ou aux dieux. Ce Principe est le même que celui des Taoïstes qui s’en remettent à la Voie et laissent venir à eux les évènements, conjuguent juste par le non-agir antique avec les éléments. C’est là l’Action véritable qui n’est pas volontarisme ni affirmation égotiste, ni volonté de volonté.

Sinon : étirements… Souffle… Prière… Attente… et whisky.

Difficile dépassement des habitudes reçues et des stabilités contractuelles.
S’aménager une ligne de fuite perspectiviste qui permettra une vision horizontale.
Juste lever la tête vers le ciel est trop simple, trop facile : abandon en soi.
Vision horizontale pour retrouver la verticalité adéquate.

La Tradition est, chez moi, une stratégie en même temps qu’un amour.

L’Institution… pourriture… se sclérose, raison de plus de chercher les zones érogènes du langage, les indices d’une possibilité de jugement fondé sur la clarté… l’avis débordant du Langage… la Vie débordante du Langage…

Sentir la rose avant que de prendre le sabre.



Mourir n’est qu’un détail quand on y songe…

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Bande son du moment : King Size « White Lies, White Beats » (2002)

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « La foi n’est pas une opinion. » Henri Guillemain

Humeur du moment : toujours en retraite…